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fort longtemps, car elle ne mourut que le 4 février 1814 (1).

Duclos, l'inséparable de M. de Forcalquier jusqu'à son dernier jour, garda-t-il, après la mort de celui-ci, son logis à l'hôtel de Brancas? - On sait qu'après être entré en 1746 à l'Académie française avec l'appui du comte, il fut, en 1750, nommé historiographe de France, et secrétaire perpétuel de l'Académie en novembre 1755. A ce moment, l'hôtel venant d'être loué à nouveau comme on va le voir, il est probable qu'il le quitta pour aller demeurer au vieux Louvre où un logement lui fut accordé, et où il mourut en 1772.

Deux ans environ après la mort du comte de Forcalquier, les Carmes consentirent sans doute volontiers à la résiliation du bail qui incombait encore à sa succession, car ils trouvaient à relouer l'hôtel avec une augmentation de loyer de mille livres. Par acte du 11 octobre 1755 (2), un bail de neuf ans, devant commencer le 1er janvier 1756, fut consentit, en effet, par eux, moyennant neuf mille livres de loyer, à Me Marie-Victoire-Sophie de Noailles, veuve de M Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, fils légitimé de Louis XIV et de Mme de Montespan.

Les Carmes s'engageaient à remettre l'hôtel en bon état en faisant repeindre les plafonds et boiseries, rétablir les dorures, poser de grandes vitres aux fenêtres, etc... et,

(1) Registre des décès du Xe arrondissement. Du 5 février 1814.

Le jour d'hier à sept heures du soir est décédée rue de Lille, no 89, Mme Françoise-Renée Carbonnel de Canisy, âgée de quatre-vingt neuf ans, veuve en premières noces de M. Antoine-François de Pardaillan Gondrin d'Antin, et en deuxièmes de M. Louis-Bufile Brancas de Forcalquier. (Arch. de la Seine.)

(2) Document publié par M. Scheffer. Arch. nat. S. 37-30.

en outre, à faire changer, à frais communs avec la comtesse, les dessus de portes, et à aménager en appartement les cuisines établies sous la galerie.

L'hôtel allait désormais prendre le nom d'hôtel de Toulouse.

Victoire-Sophie de Noailles, née le 6 mai 1688, était le dix-huitième enfant d'Anne-Jules, duc de Noailles, pair et maréchal de France qui en eut vingt et un. Elle avait épousé en premières noces, en 1707, Louis de Pardaillan d'Antin, marquis de Gondrin, fils légitime de M. et Mme de Montespan, et avait eu le malheur de le perdre cinq ans après, en 1712. Elle en eut un si violent désespoir qu'elle tomba malade au point qu'on lui administra les derniers sacrements, et Saint-Simon raconte à ce propos une amusante anecdote (2):

Toute sa famille, dit-il, y était présente, et la maréchale de Noailles sa mère, qui l'aimait passionnément, était fondue en larmes au pied de son lit, qui priait Dieu à genoux, tout haut et de tout son cœur, et qui, dans l'excès de sa douleur, s'offrait elle-même à lui, et tous ses enfants si il les voulait prendre. La Vallière qui était là aussi à quelque distance, et qui l'entendit, se leva doucement, alla à elle, et lui dit tout haut d'un air fort pitoyable : « Madame, les gendres en sont-ils aussi? >> Personne de ce qui y était ne put résister à l'éclat de rire qui les prit tous, et la maréchale aussi, avec un scandale fort ridiculé et qui courut aussitôt par toute la cour; la malade se porta bientôt mieux, et on n'en rit que de plus belle.

Le temps adoucit le chagrin de la marquise d'Antin qui n'avait que vingt-cinq ans, et, en 1715, elle fut sensible aux empressements d'un prince charmant par sa personne et par son esprit, qu'elle rencontra aux eaux de

(2) Mémoires Saint-Simon (éd. de Boislisle), t. XXII, p. 263.

Bourbonne, c'était le comte de Toulouse. Celui-ci, de son côté, fut séduit par le charme et la beauté de la jeune veuve. Jusqu'où la passion les entraîna-t-elle dès cette époque? — On l'ignore. On sait seulement par Saint-Simon qu'ils se marièrent secrètement le 22 février 1723 et que le comte de Toulouse ne déclara cette union qu'en décembre suivant, après la mort du Régent. Ils eurent en 1725, un fils, le duc de Penthièvre, dont les éminentes qualités de droiture et de bienfaisance sont bien connues.

En 1737, la comtesse de Toulouse devint veuve pour la seconde fois, reporta toute son affection sur son fils, et vécut dès lors, entourée de respects et de l'estime particulière du roi lui-même. Elle ne jouissait plus du grand hôtel de la rue de la Vrillière, et demeurait tantôt à Rambouillet, tantôt à Versailles, s'occupant beaucoup de bonnes œuvres. Dès 1731, elle avait fondé à Rambouillet un hôpital dont elle fut constamment la bienfaitrice. C'est là que se trouve le portrait de Mmo de Toulouse vers l'âge de soixante ans, dont nous sommes heureux de pouvoir donner la reproduction (1).

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La comtesse de Toulouse ne vint, dit-on, qu'en 1759, habiter l'hôtel dont elle avait la jouissance à partir du 1er janvier 1756. Cependant, un incident de police du mois d'août 1757 semble indiquer que quelques personnes de son entourage y étaient déjà fixées. En effet, on sait que son fils, le duc de Penthièvre avait à son service un homme de confiance, du nom de Fortaire, qui a écrit une sorte

(1) Ce portrait a été reproduit dans l'excellente Notice de M. Lorin sur Rambouillet publiée dans le 19" volume des Mémoires de la Société archéologique de cette ville. C'est grâce à l'aimable autorisation de M. Lorin, Président de cette Société que nous avons le portrait de la comtesse de Toulouse à l'âge où elle allait se retirer rue du ChercheMidi.

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