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mand et Chupin notaires, moyennant 6.000 livres, à Messire Louis Huault de Montmagny, conseiller au Parlement et commissaire aux Requêtes du Palais (1). C'était le descendant d'une vieille famille de Touraine, établie à Paris depuis le commencement du xve siècle et dont pres que tous les membres avaient été magistrats, ce qui ne les empêchait pas d'être d'aimables mondains, ainsi que l'attestait certain petit couplet d'une chanson du Temps.

Louis de Montmagny dut mourir en 1691, car nous voyons que, le 5 février 1692, ses héritiers (trois frères et une sœur) vendirent sa propriété, par contrat passé devant Caillet, notaire, moyennant 6.000 livres, à Simon Lambert, architecte des bâtiments du roi (2), lequel, quatre ans plus tard, le 3 juillet 1696, en passa déclaration au profit de la Communauté des Carmes déchaussés établie rue Cassette (3). C'est alors seulement qu'on voit les Carmes acquéreurs de l'encoignure des rues du Cherche-Midi et du Regard. Introduite en France en 1610, cette communauté avait reçu en 1611 de Nicolas Vivien, conseiller à la Cour des comptes, don d'une maison située rue Cassette avec dépendances le long du chemin de Vaugirard. L'église, commencée en 1613, terminée seulement et bénite en 1620, avait été dédiée solennellement le 21 décembre 1625. Les religieux, enrichis par de nombreuses aumônes, s'agrandirent par une série d'achats de terrains, et le plan de 1635 montre qu'ils étaient dès lors possesseurs de la plus grande partie des jardins De la Planche derrière les propriétés de Lebarbier, de la brasserie Ramey et de Claude de Montrouge.

(1) Arch. nat. S. 3730.

(2) Arch. nat. K. 972 et S. 3010.

(3) Arch. nat. S. 2849. Déclaration de propriété du 17 août 1729.

En 1695, les Carmes firent, avec Simon Lambert, une première affaire qui les mit en possession des terrains Cottard. Ce dernier ayant réuni en ses mains les lots Quesnel, Gringot et de Villarceaux, ne paya pas mieux son prix d'acquisition que les loyers qu'il devait aux Incurables. Déjà expulsé en 1686 de sa location, il fut en 1693 poursuivi par Jacques Gabriel, le grand contrôleur général des bâtiments du roi, en paiement de 8.000 livres de principal et 1.000 livres d'intérêts échus, pour argent prêté. A la suite d'une saisie, le 9 septembre 1693, l'ensemble des propriétés de Cottard fut adjugé, moyennant 6.100 livres, à Simon Lambert, qui revendit le tout, pour 7.000 livres, par acte du 22 mars 1695, passé devant Declersin notaire, à la Communauté des Carmes, représentée par un sieur Vanderner (ou Vanderviet), lequel en passa déclaration le 23 décembre suivant (1).

Six mois après, comme on l'a vu, en juillet 1696, Simon Lambert, cédant de même aux Carmes l'encoignure de la rue du Regard, la Communauté se trouva propriétaire de tout le terrain compris, d'un côté, entre la brasserie Cousin sur la rue du Cherche-Midi et les jardins du ChasseMidi par derrière, et, de l'autre côté, l'ancien chemin herbu, devenu la rue du Regard.

Les religieux commencèrent par tirer profit de ces acquisitions en les relouant telles quelles. Deux petits corps de logis attenant à la brasserie Cousin, donnés à bail, en 1694, par Simon Lambert à une demoiselle Marie Garnier, fille majeure, moyennant 350 livres de loyer, furent reloués pour six ans, aux mêmes conditions, par les Carmes, en 1697, puis en 1703.

(1) Arch. nat. S. 2849; S. 3010; K. 972.

Le terrain d'encoignure de la rue du Regard, loué en 1693 par Simon Lambert, moyennant 150 livres au sieur Blaise Corby, marchand de bestial, fut reloué à ce même Corby en 1698 par les Carmes, pour six ans, avec une petite augmentation de loyer, moyennant 230 livres (1).

En 1705, une locataire notable se présenta pour les deux petits corps de logis occupés par la demoiselle Garnier, c'était la célèbre comtesse de Verrue dont on se rappelle l'histoire. Installée depuis 1701 dans l'ancien hôtel d'Hauterive dépendant du Couvent du Chasse-Midi, elle était devenue veuve en août 1704 et s'empressait de se délivrer de la sévère claustration à laquelle elle avait été soumise par la volonté de son mari. Le jardin de la maison Garnier se trouvait contigu à celui de la comtesse, et lui donnait directement accès sur la rue du Cherche-midi. Me de Verrue prit pour trois ans, par bail du 29 mars 1705, moyennant 350 livres, la petite propriété en question (2). Elle ne renouvela pas d'ailleurs cette location et préféra plus tard s'agrandir d'un autre côté en s'annexant, comme on se le rappelle, le petit hôtel d'Aubeterre appartenant aux Dames du ChasseMidi.

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Les Carmes remplacèrent Mme de Verrue par Charles de Lespinay, seigneur de Bussy, qui céda lui-même à Jean de Saint-Lubin, lequel, à son tour, transporta son bail à Jean Aubert, facteur des voitures du roi. Puis, par une série de baux renouvelés de 1716 à 1719, ces petits bâtiments avec dépendances attenant à la brasserie Cousin, furent occupés par le comte de Kérouant et son sous-locataire

(1-2) Arch. nat. S. 3730.

Baltard de Longecombe, marquis de Thoy, moyennant 500, puis 600, puis 650 livres de loyer (1).

Durant ce temps, le coin de la rue du Regard avait été donné en location, après Blaise Corby, à un serrurier nommé Texier, puis, à partir de 1710, à un charpentier, nommé Jacques Robbe, pour 255 livres et depuis 1717 pour 300 livres de loyer (2).

En 1719, les Carmes reçurent de nouvelles propositions de Mme de Verrue. Enrichie par d'heureuses spéculations sur les actions de la Banque de Law, la comtesse demanda aux Carmes de construire pour elle, sur des plans agréés par elle, deux grands hôtels donnant sur la rue du Cherche-Midi et sur la rue du Regard. Des plans furent dressés par le sieur Dailly, architecte, et l'affaire fut conclue par contrat passé, le 28 novembre 1719, devant Lauverjon notaire (3). Les Carmes cédaient à Mme de Verrue, pour sa vie durant, la jouissance de deux hôtels qu'ils s'engageaient à construire sur leur terrain, en façade sur les rues du Cherche-Midi et du Regard avec une galerie de 48 pieds de longueur attenant à l'hôtel habité par la comtesse et appartenant aux Religieuses du Chasse-Midi, le tout moyen.

nant une somme de 170.000 livres, payable en billets de la Banque, dont 30.000 livres payées comptant, et le reste en plusieurs échéances, en avril, novembre 1720 et au delà.

Les Carmes firent commencer la construction de la galerie, mais bientôt ils suspendirent tous travaux. En 1720, la Banque de Law s'était effondrée, ses billets ne valaient plus rien, et les bons Pères voyaient qu'ils avaient fait un

(1-2) Arch. nat. S. 3730.

(3) Arch. nat. S. 3730. Document publié par M. Scheffer dans sa Notice sur l'hôtel des conseils de guerre

Sté que DU VI".

1913.

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marché de dupes en acceptant d'être payés en papier. Cependant, la comtesse de Verrue, armée de son contrat, leur fit sommation de s'exécuter, en leur faisant offres réelles, en novembre 1720, des 60.000 livres alors exigibles, en billets, qu'elle déposa chez le notaire Dupuis. Un procès fut entamé. Puis, le 26 mars 1721, une transaction intervint devant Le Prévost, notaire, par laquelle les Carmes s'obligèrent à terminer seulement la galerie commencée, à établir une basse-cour et des écuries au lieu des deux hôtels convenus, au coin de la rue du Regard, et abandonnèrent à Mme de Verrue la jouissance des petits bâtiments occupés encore tels quels par le comte de Kérouant ou son souslocataire jusqu'en 1729, et loués ensuite à un épicier et un marbrier. En échange, Mme de Verrue, renonçant aux deux hôtels projetés, reprenait les 60.000 livres offertes par elle, ne laissait aux Carmes que les 30.000 payées d'avance lors de la signature du contrat de 1719,- et se contentait, pour son habitation, de son hôtel ancien dépendant du couvent du Chasse-Midi, augmenté seulement de la galerie à achever sur le terrain des Carmes, et des communs à établir sur la rue du Regard.

Les choses restèrent en cet état jusqu'à la mort de la comtesse en 1736. A ce moment, les Carmes, reprenant possession de leur terrain, songèrent à en tirer meilleur parti. Déjà, sur la rue du Regard, ils avaient construit plusieurs hôtels qui s'étaient fort bien loués. En 1731, on citait déjà l'hôtel de Rothembourg (au no 5 actuel), devenu plus tard celui du duc de Croy, et à côté l'hôtel de Monaco, occupé, moyennant 7.000 livres de loyer, par François de Grimaldi de Monaco, archevêque de Besançon.

En 1740, encouragés par ces précédents, les Carmes firent démolir les écuries de Mme de Verrue, ainsi que les

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