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Les épithètes junior et senior

SUR LES MONNAIES ROMAINES

L'étude de la curieuse monnaie au nom de Constantius junior Augustus, publiée par M. le colonel Allotte de la Fuye, m'a conduit à faire des recherches sur l'emploi des titres de Senior et de Junior sur les monnaies impériales romaines.

Il me paraissait bien improbable qu'un empereur eût pu prendre le titre de junior, alors que le dernier empereur du même nom était déjà mort depuis une trentaine d'années.

Cohen était tellement de cet avis qu'il n'a pas voulu attribuer à Constance II une monnaie que lui signalait M. Lalanne, au nom de Constantius jun. nob. C. et dont le buste lauré, le vêtement, le module et le type s'opposaient à ce qu'elle pût être donnée à Constance Galle. Il crut à une erreur du graveur et la donna à Constantin II le jeune (v. note p. 378).

La monnaie appartenant à M. Max Crespy montre que Cohen se trompait bien certainement et il devenait intéressant d'étudier l'emploi des titres de Junior et de Senior.

L'appellation de Senior ne se trouve que chez Dioclétien et Maximien Hercule. En l'an 305, ils abdiquèrent l'empire. et, à partir de ce moment, portèrent sur les monnaies le titre de Senior Augustus ou même de Senior tout court.

Sur toutes ces monnaies, le titre d'imperator ne paraît plus est remplacé par les lettres DN (dominus noster) qui n'avaient pas encore figuré sur leurs monnaies jusqu'alors. C'est une des premières apparitions de ces lettres sur les monnaies impériales romaines.

Si nous consultons le manuel de numismatique d'A. de Barthélemy et celui des monnaies romaines de Gnecchi, nous y lisons qu'Aurélien fut le premier à porter le titre de Dominus noster. J'ai cherché cette appellation sur une monnaie d'Auré

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lien, mais en vain; tout ce que j'ai trouvé, c'est un petit bronze portant « Deo et domino nato Aureliano ». Ce qui n'est pas du tout la même chose.

Gnecchi affirme qu'il existe un aureus de Carin sur lequel on lit « Deo et domino nostro Aug. » C'est possible. mais Cohen ne le donne pas. Par contre, il donne un aureus et trois petits bronzes de Carus avec Deo et domino Caro Aug. » Ceci nous rapproche déjà plus du Dominus noster.

Il semble que la première application des lettres DN se trouve sur quelques aurei de Constance Chlore et de Galère Maximien Césars, ce qui est naturellement antérieur à nos monnaies de Dioclétien et de Maximien Hercule.

Pour les bronzes, nous croyons pouvoir dire que les lettres DN se lisent pour la première fois sur les monnaies frappées au nom de Dioclétien et de Maximien Hercule après qu'ils se furent démis de l'empire. Ces monnaies ne portent pas toutes le titre de Senior, mais un simple examen suffit pour se convaincre qu'elles sont toutes de cette même époque.

Est-il besoin d'ajouter que l'emploi des lettres DN s'est rapidement généralisé dans la suite et que la lecture de ces lettres, qui aurait peut-être pu paraître douteuse par le fait de la monnaie d'Aurélien que j'ai citée plus haut et qui porte « dominus natus » en toutes lettres, s'impose comme étant « dominus noster », des revers des monnaies de Licinius fils, Constantin I, Crispus et Constantin II portant en toutes lettres « Dominorum nostrorum »?

Passons maintenant au titre de Junior.

Disons pour commencer qu'A. de Barthélemy prétend que Commode porta le titre de Junior Augustus. Je ne vois pas bien comment cela serait possible étant donné que Commode ne devint Auguste qu'après la mort de Marc Aurèle. En tout cas, je n'ai trouvé aucune monnaie de Commode portant ce titre. Je crois donc être en droit de ne tenir aucun compte de cette affirmation de Barthélemy.

Il paraît étrange qu'on puisse avoir à disserter sur l'emploi

du titre de Junior. Il y a évidemment une règle générale à suivre à ce sujet; mais nous devrons bien constater qu'il y a quelques étranges exceptions à cette règle.

Il nous serait difficile d'admettre actuellement que quelqu'un se dise « le jeune » s'il n'existe un aîné encore vivant, ou encore présent à la mémoire de tous, dont il doit se distinguer par cette ajoute à son nom; c'est là, me semble-t-il, une affaire de bon sens. Il est très compréhensible que Cohen se soit laissé guider par ce principe dans l'attribution des monnaies portant ce titre, notamment en ce qui concerne Constance Galle.

Voici la liste des Césars et des Augustes qui ont porté le titre de junior conformément à ce principe:

1° Galère Maximien par opposition à Maximien Hercule; 2o Licinius fils par opposition à Licinius père;

3o Constantin II par opposition à Constantin I. D'une façon générale, on peut dire qu'il n'a porté le titre de junior qu'aussi longtemps qu'il a été César; devenu Auguste, il a abandonné cette appellation;

4° Constance Galle par opposition à Constance II; 5o Valentinien II par opposition à Valentinien I.

Venons-en maintenant aux exceptions: voici celles que j'ai trouvées :

1o Pour Constantin II: une monnaie au titre de Constantinus Junior Augustus (Constantinus jun. Aug.), son buste lauré à droite avec le paludamentum.

R/ Gloria Exercitus; deux soldats casqués debout en regard, tenant chacun une haste et appuyés sur leurs boucliers; entre eux, le labarum. (Cohen, n° 121, Turin.) 2o Pour Constant I, une monnaie portant junior nobilis Caesar, ce qui est tout à fait extraordinaire, car à priori ce titre ne semble pouvoir s'expliquer d'aucune façon. Constans jun. nob. C.; son buste lauré à droite avec le paludamentum.

R/ Gloria Exercitus; deux soldats casqués debout en regard, tenant chacun une haste renversée et s'appuyant sur un bouclier; entre eux, deux enseignes militaires surmontées de drapeaux. (Cohen, n° 70, Vienne.)

3o Pour Constance II, deux monnaies au titre de junior, l'une jun. nob. C., l'autre jun. Aug.

Constantius jun. nob. C.; son buste lauré à droite, avec le paludamentum.

R/ Gloria exercitus; deux soldats casqués debout en regard, tenant chacun une haste renversée et s'appuyant sur un bouclier; entre eux, deux enseignes. (Cohen, note p. 378, Lalanne.)

Constantius jun. Aug.; son buste diadémé et cuirassé à droite.

R/ Gloria exercitus; deux soldats casqués en face l'un de l'autre, tenant chacun une haste et appuyés sur un bouclier; entre eux, deux enseignes militaires. A l'exergue, PLG. (Revue belge de Numismatique, 78° année, 1re et 2 liv. Max Crespy.)

La première remarque à faire au sujet de ces quatre médailles, c'est qu'elles semblent être des exemplaires uniques ou à peu près tels. Ceci nous permet de croire qu'elles n'ont été frappées qu'en petit nombre: ce sont évidemment des monnaies tout à fait exceptionnelles.

Une autre observation qui me semble plus intéressante, c'est qu'elles ont toutes quatre au revers Gloria exercitus. Or, les monnaies à ce revers ne sont pas des monnaies comme les autres monnaies de leur époque.

Ce revers est propre à l'époque constantinienne. Nous le trouvons sur des monnaies de Constantin I, Constantinople et Rome, Delmace, Constantin II, Constant I, Constance II, Constance Galle et peut-être Procope (Cohen en donne une à Procope d'après Mionnet, mais ne semble pas avoir connu cette médaille).

Cohen nous apprend que toutes les médailles au revers Gloria exercitus, sous quelque empereur qu'elles aient été frappées, sont d'un module inférieur au petit bronze et se rapprochent beaucoup de celui du quinaire; dans le nombre, il s'en trouve quelquefois d'un très petit module, encore en dessous de celui du quinaire.

Dans une autre note, il nous dit qu'il existe une foule de très petites médailles de Constantin II plus ou moins barbares,

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