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Ce prélat, généralement connu sous le nom de cardinal de Brogny, fut l'un des personnages les plus célèbres de son. temps; de la position de simple prêtre, il parvint aux plus éminentes dignités de l'Eglise sans oublier jamais son origine obscure. Après avoir fait ses premières études à Genève, il les termina à Avignon, où il prit le grade de docteur ès-droit; l'archevêque le nomma d'abord vicaire-général de Romans, puis Clément VII le créa, en 1385, cardinal de Sainte-Anastasic; il fut ensuite évêque de Viviers et archevêque d'Arles. En 1414, Jean de Brogny présida le concile de Constance où il sacra Martin V, qui, en 1423, le nomma à l'évêché de Genève.

Le portrait de Jean de Brogny, que Grillet dit avoir existé de son temps dans le vestiaire de la cathédrale d'Annecy, a été publié par Lenfant, dans son Histoire du concile de Constance (1), et par M. l'abbé Crozet-Mouchet dans sa notice sur Brogny, d'après un tableau de la galerie particulière de S. M. Sarde. Les armes de ce prélat, telles qu'on les voit sculptées et peintes dans la chapelle des Macchabées, sont d'azur à la croix à double traverse de gueules à enquérir et à la bordure ou filière d'or [pl. XXX, fig. 7], ces armes se voient encore sur les vitraux et les murs de l'église des Dominicains d'Annecy, fondée par Jean de Brogny en 1422, et sur un sceau de l'official du 13 novembre 1425; suivant Frizon (2), la devise, CHRISTE Crucem cruenTASTI, que le cardinal adopta par un motif de piété, accompagnait cet écusson.

1847, p. 103. D'après M. Crozet, le nom de famille du cardinal serait Fraczon-Alarmet. On sait que certains auteurs prétendent qu'il était de la famille d'Alonzier; Besson les réfuta, pensant que seulement à une époque postérieure la noble maison d'Alonzier s'était alliée avec la famille du cardinal (Matériaux, etc., p. 48). D'après le Manuale, Allermet serait le nom de sa famille qui, suivant l'opinion presque unanime des auteurs modernes, s'appelait Fraczon. (1) Amsterdam, 1714, p. 15.

(2) Gallia purpurata, article Johannes de Embroniaco.

LXXVI.

FRANCOIS I

DE MEZ.

71e de Saint-Pierre. 83e du Manuale. 82e de Besson.

80e de Picot.

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François de Mez, abbé de Saint-Oyen de Joux, fut nommé évêque de Genève par bulle du 4 mars 1426, mais par suite des longs débats causés par l'élection capitulaire de Gui d'Albi, il ne prit possession que le 23 juin 1428; en 1440 il fut créé cardinal de Saint-Marcel et chancelier apostolique, et mourut le 7 mars 1444.

Ce prélat était neveu de Jean de Brogny et portait les mêmes armoiries que lui, brisées au canton dextre d'une étoile d'or ou d'argent [pl. XXX, fig. 8]. Cet écusson se voyait autrefois sur le clocher de Saint-Gervais rebâti par François (1), on le trouve aussi sur plusieurs sceaux, nous citerons celui de l'official, appliqué à un acte de 1430 (2), dont le contrescel porte les mots, François, évêque de Genève, écrits au moyen des initiales F. G. séparées par la trosse épiscopale [pl. XXXI, fig. 3]. Le grand sceau du même prélat, dont on trouve des fragments sur plusieurs actes des archives de Genève (3), porte en légende, s. DNI. FA. STI. MCELLI ✶ CARDINALIS. ET. EPI .

GEBN.

(1) Cette reconstruction eut lieu en 1435. Lorsqu'à la fin du dixhuitième siècle on reprit le clocher dès la base, on grava de nouveau les armes de Mez, qui se voient sur la face méridionale.

(2) Arch. de Genève, Pièces hist., no 55.

(3) Arch. de Genève, Pièces hist., nos 537 et 541. C'est d'après ce dernier que nous donnons la légende complétée à l'aide d'un sceau des archives de Chambéry, de 1432, vu par M. l'archiviste Sordet, qui nous en a communiqué le croquis; cette pièce est une autorisation donnée par François de Mez au duc de Savoie, pour rendre la justice à ses sujets dans Genève.

PL. XXXI.

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Ce prince, duc de Savoie sous le nom d'Amédée VIII, et pape de 1439 à 1449 sous celui de Félix V, se déclara, après la mort de François de Mez, administrateur de l'Eglise de Genève ayant pour grand-vicaire Jean de Grolée, prieur de SaintVictor (1). Amédée mourut à Genève le 7 janvier 1451 (2).

Les armoiries de ce prélat sont celles de Savoie, surmontées de deux clefs d'argent en sautoir et de la tiare (3); son portrait, peint à fresque, se voit dans le château de Colombier qu'il fréquenta souvent (4), et dans l'une des chapelles de l'église de Saint-Gervais à Genève. Cette dernière peinture, que nous avons découverte en 1845 [pl. XXXII], mérite une mention spéciale par son importance archéologique et historique; elle se trouve sur le mur oriental de la chapelle, au-dessus d'une niche où était situé l'autel et que décorait une autre peinture, figurant le placement du corps du Sauveur dans le tombeau, et dont il reste encore des traces. Au centre du tableau qui nous occupe

(1) La maison de Grolée en Bugey, dont était Jean, porte gironné d'or et de sable de huit pièces [pl. XXX, fig. 9], avec une queue de paon d'or pour cimier, deux anges au naturel pour supports et la devise, JE SUIS GROLÉE. (Guichenon, Hist. de Bresse et Bugey, suite de la 3 part., p. 112.)

(2) Ce fait, longtemps contesté, est mis hors de doute par les preuves dont l'a étayé M. Ed. Mallet, dans le mémoire cité plus haut.

(3) Ces armes sont peintes en tête d'une grosse des reconnaissances de l'évêché, no 5, dressées en 1445 par le notaire de Cusinens (Arch. de Genève); la tiare d'argent est ceinte de couronnes d'or et ses pendants ornés de croisettes d'or sont d'azur; les mots popa felix se lisent au dessus de la peinture.

(4) Tableau du canton de Vaud, par L. Vulliemin, 1840, p. 271.

se trouve une image de la bienheureuse Vierge, de grande proportion, et revêtue d'un ample manteau de pourpre doublé d'hermine; ce manteau, qu'elle soutient au milieu, et dont l'extrémité est portée par des anges, passe sur sa tête et s'agrafe devant la poitrine par un fermail d'or. Sous ce vêtement, et implorant l'assistance de Marie, on voit trente-huit personnages. représentant des prélats, des princes et des personnes de toute condition. L'étude de ces figures est pleine d'intérêt, car il est très-probable que, pour la plupart, elles reproduisent les portraits (1) des personnes qui avaient fait faire la peinture, et s'étaient placées ainsi sous la protection spéciale de la mère du Sauveur. Ce tableau, qui est entouré de bordures chevronnées ainsi que les grands caissons qui ornent la voûte de la chapelle, avait 9 pieds de long sur 6 pieds 9 pouces de hauteur.

Tout porte à croire que ces peintures sont du quinzième siècle, et quelques-uns de leurs détails permettent de resserrer entre peu d'années leur date précise: Aux pieds de la sainte Vierge sont deux papes : l'un, celui de droite, porte dans sa tiare la couronne à pointes, symbole de la puissance active : c'est le pontife régnant; le vêtement de l'autre est orné d'une riche bordure où sont répétées les armes de Savoie; cette marque particulière et distinctive ne peut convenir qu'au célèbre Amédée, qui occupa le trône pontifical jusqu'en 1449, et le pape régnant n'est autre que Nicolas V, son successeur immédiat; c'est donc entre la date de l'abdication de Félix (15 mai 1449) et celle de sa mort arrivée, comme nous l'avons dit, les premiers jours de l'année 1451, qu'il faut placer la date de cette page curieuse de la peinture à Genève. L'absence d'évê

(1) Bonivard, dans ses Chroniques, décrit un tableau disposé d'une manière analogue qui se voyait, de son temps, dans l'oratoire de Plainpalais, et il nous dit que plusieurs des principaux bourgeois & étoient pourtraitz au vif dun couste, leurs femmes de laultre.» Chroniques, t. I, 2o part., p. 111.

α

PL. XXXII.

que dans le tableau confirme que c'est bien du temps d'Amédée, qui était administrateur de l'évêché de Genève, qu'il a été fait : le prince représenté derrière Nicolas doit être le duc de Savoie. Louis, Anne de Chypre, son épouse, et les principaux personnages de cette époque se retrouvent sur ce tableau qui, pensons-nous, fut peint à l'occasion du grand jubilé célébré pontificalement à Rome et à Genève à la fin de l'année 1449 (1).

LXXVIII.

PIERRE III

DE SAVOIE.

73e de Saint-Pierre. 85e du Manuale. 84e de Besson. 93e de Lévrier.

82e de Picot.

Par une bulle du 19 juillet 1450, le pape Nicolas V conféra l'évêché de Genève à Pierre, petit-fils d'Amédée, qui prêta serment le 13 janvier 1451 par l'archevêque de Tarse, Thomas de Sur; ce prince, à peine âgé de huit ans, et déjà pourvu de l'abbaye de Saint-André de Verceil, et décoré du titre de protonotaire apostolique, mourut le 31 octobre 1458. Deux prélats, André, évêque d'Ébron, et Thomas de Sur, archevêque de Tarentaise (2), administrèrent l'évêché durant l'épiscopat de Pierre.

(1) Voy. notre Description monumentale de l'ancienne cathédrale de Genève, p. 35. Le 27 mars 1495, noble Thomas Blondel, maître de la monnaie à Grenoble et à Genève, fonda dans l'église de Saint-Gervais une chapelle sous le vocable de Notre-Dame de la Pitié; mais il s'agit probablement d'une simple chapellenie, car la peinture que nous venons de décrire est évidemment antérieure à cette date.

(2) Les armoiries de ce dernier, de gueules au chef cousu d'azur à trois croisettes d'or en face, sont représentées par la fig. 10 de la planche XXX.

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