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tuaires; en 1590 on voit maître Symon Tuffé, chirurgien, bour geois de Genève, succéder à Jean Flamend dans cette charge; antérieurement, des ministres de l'hôpital pestilentiel furent chargés de cet emploi, car le plus ancien de nos registres mortuaires, commencé le 23 décembre 1549, est signé par « Claude Fabvre, ministre de l'Hospital pestilential, » qui annonce avoir reçu à de nos tres redoubtez Seigneurs et Supperieurs de ceste Ciié de Geneue la charge expresse de visiter les corps des tres passez qui sont decede de ce monde et les reduyre par escrit. >

Un document de 1630 (1) montre qu'à cette époque le visiteur des morts recevait un florin par personne « pour les aisés, six sols pour les médiocres (2) et rien pour les pauvres, étant assez payé par le gage qu'il retire de la seigneurie; la même pièce ajoute que lorsqu'il sera nécessaire d'adjoindre un chirurgien au visiteur, le dit chirurgien sera payé de même.

Anciennement les inhumations avaient lieu presque immédiatement après la mort; l'ordonnance de 1544, qui statue que les enterrements ne pourraient avoir lieu moins de douze et plus de vingt-quatre heures après le trépas, vint mettre un terme à cet abus; ce n'est toutefois qu'à une époque bien plus moderne

deux florins pour les autres, à peine de châtiment et de cassation. (Reg., du 13 novembre.)

Jusqu'à la fin du dix-septième siècle, de simples journaliers servaient ordinairement d'enterreurs; mais en 1671, le Petit Conseil défend « à tout particulier de s'ingérer à enterrer les morts, et ordonne aux procureurs de l'hôpital d'élire les enterreurs. (Reg., du 1er avril.) Les caisses, ou cercueils à dos-d'âne, étaient réservées aux premières classes; on appelait bières les cercueils à couvercles plats.

(1) Reg. du Conseil, au 13 novembre.

(2) En 1708, les visiteurs sont encore taxés à un florin pour les riches et six sols pour les moins aisés. (Reg., du 16 janvier.) Les visiteurs des villages de la Souveraineté et de ceux des terres de SaintVictor ot Chapitre, établis vers cette époque, recevaient un florin par mort. (Reg., du 19 septembre 1710.) Plusieurs d'entre ces villages n'avaient point encore de registres mortuaires en 1704. (Reg., du 2 juin.)

que s'établit l'usage de s'assurer, en retardant l'inhumation, si une léthargie ne se voile point sous une mort apparente. Sous ce rapport, comme sous celui de la division du cimetière, l'ordre le plus parfait et le plus rassurant règne aujourd'hui.

En 1547 il fut ordonné aux enterreurs de revelle les morts pour estre iceulx registre en vng liure; nous venons de voir que le plus ancien de ces registres mortuaires qui ait été conservé est postérieur de deux ans à cette date. De nombreuses lacunes se font sentir dans ces registres, dont la tenue était fort peu suivie et régulière, de même que les visites des morts; car on voit en 1573 les procureurs de l'hôpital demander au Conseil que les morts soient visités comme on faisait autrefois, et ce dernier arrêter « que les enterreurs facent faire billets aux parents des défuncts qu'ils deburont rapporter toutes les sepmaines à l'Hospital pour les registrer. »>

Nous ne terminerons point cette notice sans dire un mot de l'oratoire, annexe de l'église de Sainte-Marie, dont nous avons donné la figure. Ce petit édifice, érigé au centre de la plaine de Plainpalais par les soins de Jean de Nergaz, procureur de l'hôpital pestilentiel, fut commencé le 20 mars 1504 et terminé probablement vers 1514. On le démolit avec les faubourgs lorsque, de 1534 à 1536, on rasa ces derniers pour fortifier la ville; mais à cette époque l'oratoire était déjà en ruine; en 1530 les Bernois, qui, à l'occasion de la guerre, étaient à Genève, l'avaient dévasté; ils avaient brisé, pour s'asseoir sur ses tronçons, la croix de pierre placée devant la chapelle, chefd'œuvre où la piété du moyen âge avait fait épanouir toutes les richesses de l'art; ils avaient braqué leur artillerie contre les fenêtres et fait voler en éclats les magnifiques vitraux représentant les saints intercesseurs des pestiférés, Antoine et Sébastien, puis brûlé au feu du bivouac tout ce qui se trouvait dans l'église (1).

Bonivard, dans ses Chroniques, nous a conservé le souvenir

(1) Les Suisses, dit Jeanne de Jussie, dans son Levain dv calvi

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'd'un des tableaux qui en décoraient l'intérieur. « Là, disait-il, estoit paincte une belle Nostre Dame a laquelle deux Anges tenoient eslargi son manteau, chascun deux en tenant ung bout, lun de ça laultre de la, et au dessoubz du manteau estoient Papes, Empereurs, Roys, Ducs, Evesques, Abbez, Chanoynes, Moynes, Gentilshommes, marchands, laboureurs et généralement de tous estats, tant hommes que femmes, qui se tenoient la a lombrage, et principalement y estoient pourtraicts au vif le dict hospitalier et aucungs de ses amis: Et avoit dessoubz un escripteau en rimes, que lon deust illec donner pour Dieu aux paouvres frappez de peste, et on y alloit aux pardons en mectant de largent au tronc. >>

Nous avons donné dans l'Armorial genevois (pl. XXXII) le dessin d'une peinture tout à fait semblable, existant dans l'église de Saint-Gervais, et qui paraît dater du jubilé célébré pontificalement à Genève par Amédée de Savoie en 1450; cette peinture, que notre planche reproduit dans son état actuel, servit peut-être de modèle à celle dont parle Bonivard. Les personnages les plus rapprochés de la vierge Marie sont, à droite, le pape Nicolas V; à gauche, Amédée, qui, sous le nom de Félix V, l'avait précédé sur le trône pontifical; le duc de Savoie Philibert et les principaux seigneurs de Genève sont immédiatement après ces figures, dont la série se termine, comme dit Bonivard, par des hommes du peuple.

J.-D. BLAVIGNAC, architecte.

nisme, & qui de nuict faisoient le guet sur l'artillerie de l'Oratoire, abattirent l'Autel de la Chapelle, et mirent en pieces la verriere où estoit en peinture l'image de Monsieur S. Antoine Abbé, et sainct Sebastien. Ils rompirent aussi totalement vne belle Croix de pierre, & des billons d'icelle faisoient selle pour se seoir autour du feu. »

DU POUVOIR

QUE LA

MAISON DE SAVOIE

A EXERCÉ

DANS GENÈVE.

Première Periode.

ORIGINE.

CHAPITRE PREMIER.

EXPOSITION DU SUJET.

§ I. Préliminaires.

Aucun fait ne joue dans l'histoire ancienne de Genève un rôle aussi important, que la domination que la maison de Savoie parvint à obtenir dans cette ville. Aucun événement politique n'a exercé sur elle, directement ou indirectement, une influence aussi décisive; aucun n'a laissé dans pays des traces aussi persistantes, un souvenir aussi vivement empreint.

le

Ce pouvoir étranger apparaît à Genève avec des caractères TOM. VII.

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successifs assez tranchés, malgré diverses vicissitudes produites par le cours des événements.

A son origine, il commence par se substituer à l'ancienne famille indigène des comtes genevois. Mais ce n'est qu'à titre provisoire et précaire, comme créancier nanti des biens et droits que son débiteur possède à Genève, et retenant ce gage jusqu'à parfait paiement. Aussi doit-il se contenter des prérogatives peu considérables dont le comte genevois jouissait dans la ville (1250). Mais il a soin en même temps de se créer un parti dans Genève, de s'y faire le protecteur des citoyens, le promoteur de leurs libertés et franchises, au préjudice même des droits du prince-évêque (1263).

Plus tard, une de ces petites guerres, si fréquentes à l'époque féodale, lui fournit l'occasion de conquérir le château fort que l'évêque possédait à Genève dans l'île du Rhône (1287), et de se faire céder à titre d'inféodation l'office judiciaire de vidomne episcopal (1290): ce n'était en principe qu'un ministère subordonné, mais alors que le comte est parvenu à le tenir dans ses mains puissantes, il aspire, selon l'expression énergique d'un document contemporain, à en faire un magistère (1). — Dès ce moment il exerce dans Genève une autorité propre et personnelle il la conservera alors même qu'il aura restitué au comte genevois les droits qu'il tenait de lui.

Une fois les comtes de Savoie affermis dans cette position, on les voit chercher avec persévérance à obtenir la cession légale des droits de seigneurie et de justice, attributs de la puissance souveraine que l'évêque et son suzerain, l'empereur, exerçaient dans Genève. C'est à un titre légal translatif des droits épiscopaux ou impériaux qu'ils aspirent: s'ils ne peuvent obtenir cette cession pour le tout, ils se contenteront d'une partie.

(1) Sub pretextu ministerii, magisterium sibi nititur vendicare. (Monitions épiscopales du premier dimanche de décembre 1291, dans les présents Mémoires, t. I, part. 2, p. 96.)

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