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est la colonne et l'appui de la vérité [fig. 6 (1)]; vient ensuite le sculpteur tenant le maillet du maître [fig. 7 a (2)] et ordonnant à un de ses ouvriers [fig. 7 b] d'employer dans la décoration du lieu saint les idoles rampantes et humiliées [fig. 7 c] qui lui sont amenées par un ange [fig. 7 d (3)], ces idoles, tantôt représentées comme servant de monture au prince des ténèbres [fig. 8], tantôt tenant l'homme sous sa dépendance [fig. 9 (4)], ou bien

(1) Plusieurs monuments religieux offrent des variantes curieuses touchant les différents épisodes de la grande lutte entre la Lumière et les Ténèbres, qui signala dans nos contrées les premiers siècles du moyen âge; j'ai copié, dans l'église de Grandson, les sujets reproduits par les numéros 3, 4, 5 et 6 de la planche IV, figurant le serpent ancien terrassé par les anges [fig. 3], sous la protection de Marie [fig. 4] qui les bénit et qui tient sur ses genoux l'enfant Jésus bénissant aussi les saints combattants. La figure 5 nous montre les idolâtres en proie à toutes les misères morales, représentées par les douleurs qui affligent l'humanité et dont ils vont être délivrés par la défaite de Satan, en suite de laquelle les monstres même de l'enfer rendent à la vie les victimes qu'ils engloutissaient [fig. 6].

(2) Ce maillet, le tau mystique des sociétés secrètes, semble indiquer que notre tailleur d'images faisait partie de ces associations, tout en travaillant encore sous la direction immédiate du clergé.

(3) La scène du sculpteur, ordonnant l'emploi des figures d'idoles, est répétée plusieurs fois à l'entrée de l'église, de même que l'anéantissement de l'idolâtrie par les anges.

(4) Des formes se rapportant aux expressions qu'emploie la Bible pour désigner le diable, se remarquent dans les figures des dieux chan- * gés en démons et revêtus tantôt des traits du serpent ancien (Apocal. XII, 9, et XX, 2), tantôt de ceux du lion dévorant (1re Épître de saint Pierre, V, 8), ou de ceux des boucs auquels le Sauveur compare les méchants (Math. XXV, 32). La même affection pour les allusions bibliques se retrouve dans d'autres figures; ainsi, le combat entre le lion infernal et les disciples de Jésus est représenté sous les traits de Samson déchirant le lion de Timna (Juges XIV, 5), personnage que le sculpteur a clairement indiqué en donnant un grand développement à sa chevelure [pl. III, fig. 4]. L'enfer, sous la forme de têtes monstrueuses [pl. IV, fig. 6], rappelle évidemment les versets 13 et 14 du chapitre XX de l'Apocalypse.

lui apparaissant sous la forme de chimères (1), ou de trompeuses sirènes [fig. 10], et qui désormais seront uniquement réservées à personnifier le vice et à servir d'instruments aux tortures des damnés, ainsi qu'on le voit dans une foule d'églises (2), le Sauveur du monde [pl. IV, fig. 1], approuvant l'œuvre mutatoire en bénissant le maître et les ouvriers tailleurs d'images, clôt cette série de figures d'une haute importance et qui, jusqu'à ce jour, étaient restées sans signification connue (3).

Plus tard vinrent les Francs-maçons, qui, libres des prescriptions monastiques et ne comprenant point le mystérieux langage des cloîtres, ne virent dans les sculptures de l'école qui les avait

(1) Je n'ai pu, dans ce cadre restreint, donner qu'un petit nombre des figures auxquelles je fais allusion; celle de la Chimère, fantastique créature formée de la réunion de plusieurs animaux, est accompagnée du mot CHIMERE, écrit sur l'abaque du chapiteau qu'elle décore.

(2) Lorsqu'au milieu du siècle dernier on répara la partie antérieure de l'église de Genève, les chapiteaux qui devaient porter cette partie du thème furent détruits.

(3) Quatre séries de figures se distinguent nettement dans les sculptures sacerdotales de Saint-Pierre, ce sont: 1° des scènes de l'ancienne loi, d'une signification mystique et allusoire aux mystères évangéliques, comme l'histoire d'Isaac, le sacrificateur Melchisédech, les êtres mystérieux de la vision d'Ézéchiel, etc.; -2° des faits historiques de l'Évangile : Hérode massacrant les Innocents; les saintes femmes au tombeau du Christ, où l'ange leur annonce sa résurrection glorieuse;— 3° les figures historiques, telles que celles qui se rapportent à la fondation de l'Église et dont j'ai parlé ailleurs (a); - 4° les sujets allégoriques, tels que ceux décrits dans le texte ci-dessus; le crucifix, image bénie par le Sauveur dans sa gloire, etc.

Dans les figures de l'école laïque on trouve, 1° des scènes évangéliques en grand nombre (b); 2° quelques images allégoriques, telles que la comparaison d'Orphée à Jésus-Christ, les personnifications de l'Église et de la Synagogue; 3° enfin les satires contre le clergé.

(a) Notes historiques sur l'église de Saint-Pierre, p. 30, note 6. (b) Description monumentale de cette église, p. 5.

précédés que des œuvres barbares, et qui, dans notre cathédrale, commencèrent leur ouvrage, en ridiculisant les moines constructeurs, qu'ils travestirent en animaux à capuchon et à tête tonsurée [pl. IV, fig. 2], premiers monuments de cette antipathie entre le clergé et les associations secrètes des laïques, antipathie qui de jour en jour s'augmenta et ne put s'étouffer que sur les bûchers allumés par Philippe le Bel. Mais j'arrête, Monsieur, cette trop longue lettre, qu'à plus d'un titre je dois recommander à votre indulgence, et que je vous prie d'agréer comme expression de ma haute estime.

Genève, 23 février 1849.

J.-D. BLAVIGNAC, architecte.

PL. IV.

ADDITION

A LA

NOTICE SUR LES MONNAIES DU TRÉSOR DE FEYGÈRES.

On se rappelle qu'à l'époque où la notice sur les monnaies trouvées à Feygères fut imprimée (mai 1848), plusieurs des pièces étaient dispersées et ne purent être décrites. Voici quelques notes sur celles qui, dès lors, sont parvenues à ma connais

sance.

LAUSANNE.

Georges de Saluces, évêque, de 1440 à 1461.

Variante de la pièce figurée sous le no 4 de la planche, et portant distinctement l'écu aux armes de Saluces, placé aux pieds de la sainte Vierge.

BALE.

Deux pièces en haut billon; mêmes empreintes et légendes que celle précédemment décrite.

ROME.

Nouvel exemplaire de la monnaie papale de Martin, décrite p. 93, et portant à l'avers la légende, MARTINVS. P. PON.

MAXS.

SAVONE.

Pièce d'argent pesant 1 denier 3 grains. Avers, aigle couronnée, †M COMVNIS. SAONA . V . R. Croix patée dans une rose à huit lobes, †MONETA SAONA :..

Cette monnaie curieuse, frappée au nom du peuple, paraît du commencement du quinzième siècle.

GÊNES.

Pièce d'argent pesant un denier. Avers, le coupe-tête, † v. c. DVX. IANV. XXIIII. R. Croix patée, † CONRAD. REX .

RO. A.

On sait que depuis que Conrad II accorda, en 1139, aux Génois les droits de monnaie et de glaive, ces derniers mirent toujours son nom sur leurs monnaies.

FRANCE.

Louis, comte de Provence et de Forcalquier, roi de Jérusalem, Naples et Sicile, 1383, 1434.

Les deux monnaies que nous allons décrire ont probablement été frappées en Provence, par l'un des trois comtes du nom de Louis, qui prirent le titre pompeux de rois, sans réellement

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