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Pétez, vous ne sauriez mieux faire,
Pétez,

Trop heureux de vous défaire d'eux.
A ces malheureux

Pour donner liberté tout entière,

Pétez,

Vous ne sauriez mieux faire;
Trop heureux,

De vous délivrer d'eux.

Il s'éleva un tel éclat de rire que je ne fus pas sans me repentir d'avoir fait cette farce, car le maréchal paraissait réellement fâché.

Il arrive ici des choses qui montrent, selon moi, que Salomon a eu tort de dire qu'il n'y avait rien de neuf sous le soleil ; c'est ainsi que Mme de Polignac a dit à son mari : « Je suis grosse; vous savez bien que ce n'est pas de vous, mais je ne vous conseille pas de faire de bruit, car, s'il y a un procès à cet égard, vous perdrez, et vous savez bien quelle est la loi dans ce pays-ci : Tout enfant né dans le mariage appartient au mari; ainsi cet enfant est à vous; d'ailleurs, je vous le donne. »

8 mai 1722.

On avait fait au roi une telle peur de l'enfer, qu'il croyait que tous ceux qui n'avaient pas été instruits par les Jésuites étaient damnés, et qu'il craignait d'être damné aussi s'il les fréquentait. Quand on voulait perdre quelqu'un on n'avait qu'à dire: huguenot ou janséniste; alors l'affaire était faite. Mon fils voulut prendre à son

service un gentilhomme dont la mère était une janséniste déclarée.

Les jésuites, pour faire une affaire à mon fils auprès du roi, lui dirent que le prince voulait prendre un janséniste à son service. Le roi fit appeler mon fils et lui dit : « Comment, mon neveu, de quoi vous avisez-vous, de prendre un janséniste à votre service? Moi! répondit mon fils; je n'y pense pas. » Le roi dit : « Vous prenez un tel, dont la mère l'est. » Mon fils se mit à rire et répondit : « Je puis assurer Votre Majesté qu'il n'est sûrement pas janséniste; il est même plus à craindre qu'il ne croie pas en Dieu. -- Oh! dit le roi, si ce n'est que cela, et que vous m'assuriez bien qu'il n'est pas janséniste, vous pouvez le prendre. »

6 août 1722. J'ai vu aujourd'hui un homme qui est tellement malheureux, et qui m'a fait tant de peine, que les larmes m'en sont venues aux yeux. Il y a quatre ans que le petit-fils du duc de Villeroi, le duc de Rais (Retz), a épousé la fille du duc de Luxembourg, qui s'est si fort plongée dans la débauche, que pour plaire au duc de Richelieu elle a soupé nue avec lui et ses bons amis. Il y a quel ques mois, elle s'est mise avec ce coquin de Riom qui a l'air d'un esprit malin; elle ne s'est pas contentée de lui, mais elle a pris aussi son beau-frère le chevalier Dédie; comme Riom lui en faisait des reproches, elle lui a demandé s'il s'était figuré qu'elle dût se contenter de lui avec le tempérament qu'elle avait, et elle ajouta qu'il devait lui avoir

de la reconnaissance si elle l'épargnait et en prenait d'autres avec lui, car elle ne pouvait s'endormir si elle n'avait été caressée huit fois; n'est-ce pas là une belle personne ? L'envie lui prit ensuite de se remettre avec le duc de Richelieu, mais celui-ci persistant dans sa ferme résolution d'avoir toutes les jeunes dames, a déclaré à son amie que si elle voulait renouer avec lui, il fallait d'abord qu'elle lui livrât sa belle-sœur, la marquise de d'Alincourt. Elle s'y est engagée et, vendredi dernier, la duchesse de Rais mena avec elle la marquise se promener dans les jardins. Lorsqu'on fut dans le petit bois, Riom survint avec Richelieu; la duchesse voulu se saisir des mains de sa belle-sœur, mais celle-ci poussa des cris si effroyables et résista tellement, que des promeneurs vinrent à son secours. Elle courut aussitôt trouver sa mère, la maréchale de Boufflers, et lui porta plainte. La maréchale la mena dans la nuit chez le maréchal de Villeroi qui, de grand matin,fit mettre la duchesse de Rais dans un carrosse; elle a été conduite à Paris et, de là, on doit la mener dans un couvent de province: mais ce n'est pas le seul malheur qui soit arrivé au maréchal, car, presque aussitôt, on apprit une horrible orgie à laquelle avaient pris part, sans y mettre le moindre mystère, un gentilhomme nommé M. de Rambure, qui s'est marié cette année, et qui est neveu du premier président, le jeune Boufflers, qui n'a que dix-sept ans, le marquis d'Alincourt, le marquis de Mesme qui a plus de quarante ans. La chose est trop horrible pour que je l'écrive. Le maréchal s'est empressé

d'écrire à mon fils et il a obtenu une lettre de cachet qui exile son petit-fils, le marquis d'Alincourt; le marquis de Rambure a été mis à la Bastille, le marquis de Mesme exilé en Lorraine, et le petit Boufflers dans une de ses terres. Sa mère est bien à plaindre. C'est une digne et brave femme qui a élevé ses enfants avec beaucoup de soin. Je la connais très bien; elle a été élevée avec mes enfants. Lorsqu'elle vint trouver mon fils, il ne la reconnut pas, tant elle était changée; elle ne fait que pleurer nuit et jour; je la plains de toute mon âme. On ne parle pas ici d'autre chose.

III.

Journal et Correspondance

de Mathieu Marais

Mathieu, fils de Me Renault Marais, procureur au Châtelet, naquit à Paris le 10 octobre 1665. Reçu avocat à vingt-trois ans, Marais ne se montra nullement ambitieux de parvenir aux honneurs; il leur préféra la simple profession d'avocat consultant, qu'il assaisonna du commerce paisible de Bayle,de Boileau (Monsieur Despréaux, la raison incarnée, disait-il), de La Fontaine, du président Bouhier. Candidat malheureux à l'Académie française, il ne lui conserva pas rancune de la préférence accordée à Moncrif, le médiocre historien des Chats. Sceptique jovial, il avait l'expérience des choses du Palais. « Elles sont gaies, très jolies, dit-il de deux intrigantes en procès, et cela ne nuit point. » — « Dieu, dit-il ailleurs, est pour les gros escadrons et Thémis pour les gros tétons. » Il venait sans doute alors de perdre un procès qu'il avait plaidé pour une femme maigre.

Les affaires auxquelles il s'intéressait le plus volontiers, en effet, étaient celles de séparation ou d'adultère. Il s'intitulait plaisamment l'avocat des dames.

Les extraits qui suivent sont empruntés, avec l'autori

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