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est très vigoureux. » Combien la traduction exacte: « On le dit monté comme un âne » est plus colorée! Il est curieux, d'ailleurs, qu'un couplet rencontré dans le Recueil de Maurepas (t. III de l'édition Quantin, p. 1) soit presque un rappel littéral de la phrase en question. Voici ce couplet :

Pour trop chasser dans le Berri

Il a perdu son luminaire.

Il falloit laisser à Riri

La fatigue de cette affaire.
Il faut pour chasser tel gibier
Etre mulet ou muletier.

Dans son ménage, la Palatine était le mâle. Sa seule passion était la chasse, les chiens, les chevaux. Une chute de cheval était pour elle vraie babiole. On la disoit d'une laideur repoussante. Si cela est exact, le beau portrait de Rigaud, gravé par Simonneau, et dont nous donnons une reproduction très réduite d'après l'exemplaire de notre collection, serait bien flatté.

Quant à Monsieur, voici ce qu'en dit Saint-Simon : « Tracassier, incapable de garder aucun secret, avec cela des goûts abominables, rendus publics avec le plus grand scandale. Toujours paré comme une femme, plein de bagues, de bracelets, de pierreries, de rubans, partout où il en pouvoit mettre; plein de toutes sortes de parfums; on l'accusoit de mettre imperceptiblement du rouge. » Madame le perdit en 1701; elle eut la bonté de le pleurer.

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13 novembre 1699. - Je crois que le prince de Birckenfelt s'est bien fait moquer de lui en Allemagne, de porter dans sa poche le portrait de Fanchon; tout le monde ici se moque de lui de ce qu'il a pris pour héroïne une pareille coureuse. Je lui ai dit très-nettement mon opinion à ce sujet; mais rien n'y fait. Ces drôlesses-là coûtent fort cher; quant à Fanchon, son prix est connu, c'est mille. pistoles; mais le grand-prieur de Vendôme l'entretient, et s'il découvrait quelque chose, elle s'en trouverait mal. Puisque la France est pleine de femmes coquettes et galantes, le prince aurait mieux fait d'en prendre une qui lui aurait apporté une bonne somme d'argent, plutôt qu'une qu'il lui a fallu payer si cher.

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27 juillet 1700. Il s'est passé ici une chose affreuse la semaine passée; la duchesse d'Uzès est morte du mal français; elle était fille du prince de Monaco, et une très-dignej et respectable dame; son infâme mari qu'elle adorait l'avait ainsi gâtée. Je ne puis comprendre comment elle aimait un tel homme, car il est horriblement laid; il pue comme un bouc; il passe toute la journée à se soûler avec ses laquais, et il fait encore pis avec eux. Cependant il lui avait inspiré une telle affection qu'elle a dit qu'elle mourrait contente si elle le revoyait avant de rendre l'âme. Elle était enceinte, et les remèdes qu'on lui a donnés l'ont fait accoucher au huitième mois; l'enfant n'a vécu qu'une demiheure, et elle est morte quatre jours après.

Je ris de bon cœur hier au soir à la comédie1. L'acteur qui avait le rôle du père de Lucinde devait dire: << Ah! ma fille parle; » mais je ne sais comment la langue vint à lui tourner, il dit : « Ah! ma fille pette. » Cela provoqua un éclat de rire.

13 décembre 1701. Ce qu'on dit du roi Guillaume n'est que trop vrai; mais tous ces héros se proposent pour modèle Hercule, Thésée, Alexandre, César, et tous ces personnages avaient leurs favoris. Ceux qui s'adonnent à ce vice et qui croient en la sainte Écriture, s'imaginent que c'était seulement un péché lorsqu'il y avait peu de gens dans le monde, et qu'on était ainsi coupable en empêchant qu'il ne se peuplât; mais depuis que la terre est toute peuplée, ils ne regardent plus cela que comme un divertissement; on évite cependant, autant que possible, d'être accusé de ces vices parmi le peuple, mais, entre gens de qualité, on en parle publiquement; on regarde comme une gentillesse de dire que depuis Sodome et Gomorrhe le Seigneur n'a puni personne pour ces méfaits. Vous me trouvez savante sur ce texte; j'en ai maintes fois entendu parler depuis que je suis en France.

23 décembre 1701. La marquise de Richelieu est horriblement débauchée; elle se mit une fois dans le lit de M. le Dauphin sans qu'il lui eût fait la cour; quand il rentra chez lui, son valet de

1. La Duchesse d'Orléans fréquentait beaucoup la Comé die française. C'était, avec la chasse à courre, le seul plaisir auquel elle attachât du prix.

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