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M. Racine étoit fort entier dans ses sentiments, et les soutenoit avec un grand air de présomption. Un jour qu'il disputoit fort vivement contre Despréaux dont il critiquoit quelque ouvrage, ce dernier, après s'être défendu de son mieux, lui dit tout d'un coup:

« — Eh bien ! j'aime mieux avoir tort que d'avoir si orgueilleusement raison. >>

Blot, célèbre faiseur de vaudevilles sur la fin du règne de Louis XIII et au commencement de celui de Louis XIV, quoiqu'il fût domestique de Monsieur, Gaston de France, ne l'épargnoit pas dans ses chansons, et, encore moins les personnes que chérissoit ce prince. Monsieur ayant soupçonné qu'il étoit l'auteur de quelques vaudevilles qui avoient couru contre une dame de ses amies, l'en réprimanda fortement. Blot voulut s'en justifier en niant qu'ils fussent de sa façon.

« — Mais de qui donc sont ces chansons? » dit le prince.

Blot, après avoir essayé inutilement de rejeter le soupçon sur d'autres:

«Ma foi! Monseigneur, ajouta-t-il brusquement, voulez-vous que je vous parle franchement? . Je crois qu'elles se font toutes seules. »

La célèbre Mlle de La Force, parmi plusieurs galanteries qui sont connues de tout le monde, n'en a guère eu qui ait fait plus de bruit que celle qu'elle a eue avec Baron le père, fameux comédien. Un jour, après avoir passé la nuit avec elle, il étoit

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sorti de grand matin de sa maison de peur de scandale. Mais, ayant quelque chose à lui dire, il retourna chez elle à son lever, et, comme il est fort familier de son naturel, il entra dans la chambre où elle étoit encore couchée, sans se faire annoncer.

La demoiselle crut estre obligée de se fâcher de cette liberté, parce qu'elle avoit auprès d'elle deux prudes, qui auroient pu s'en scandaliser. En sorte que, prenant un ton sérieux, elle demanda brusquement à Baron de quel droit il se donnoit ainsi les airs d'entrer familièrement en sa chambre.

A quoi Baron, piqué de cette réprimande, répondit froidement:

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Mademoiselle, je vous demande excuse... c'est que je venois chercher mon bonnet de nuit que j'ai oublié ici ce matin. »

En 1703, le vieux duc de Gesvres, gouverneur de Paris, ayant pris pensée de se remarier, choisit pour cela une jeune demoiselle de quinze ans, au grand étonnement de tout le monde qui sçavoit ses infirmités. Quelques jours après son mariage, étant allé voir M. de Harlay, premier président au Parlement, celui-ci ne put s'empêcher de lui tesmoigner en riant sa surprise de ce qu'il venoit de faire.

A quoi le duc ayant répondu qu'il s'y étoit porté par l'envie qu'il avoit d'avoir des enfants: « Ma foi! monsieur, repartit le premier président, j'ai trop bonne opinion de Mme la duchesse pour croire qu'elle en ait jamais. »

Peu de temps après la mort de M. de Louvois,

feu M. de Barbesieux, son fils, se trouva dans l'antichambre du Roi avec M. de Harlay et son fils, alors avocat général au Parlement de Paris. Après quelques compliments, M. de Barbesieux, qui n'aimoit pas les conversations sérieuses, se mit à chanter en un coin entre ses dents. Le premier président l'écouta quelque temps, et, se tournant ensuite vers son fils: «— Il faut avouer, lui dit-il, que voilà un ministre d'État qui chante bien! »

Le comte d'Aubigné, frère de Mme de Maintenon, étant sur le théâtre de la Comédie, vit aux premières loges une dame extraordinairement parée, mais d'ailleurs extrêmement maigre et laide. Sur quoi, il s'écria assez haut pour qu'elle pût l'entendre: «Ma foy ! j'aimerois mieux l'assortiment que la carcasse.» A quoi elle repartit vivement et de sorte que tout le monde l'entendît: << - Et moi j'aimerois mieux le licol que le cheval: » faisant allusion à son cordon bleu.

Le feu maréchal de Vivonne étoit extrêmement gros. Le Roi lui reprochant un jour qu'il ne faisoit point d'exercice:

«

<<- Vraiment, Sire, dit-il, je vois bien que Votre Majesté ne sait pas ce que je fais tous les jours. Et que faites-vous donc ? dit le Roi.

Ce que je fais, Sire! je fais tous les jours trois fois le tour de M. le comte d'Auvergne1. »

1. Celui-ci était encore plus obèse que M. de Vivonne que Madame de Sévigné appelait cependant le gros crevé.

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