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Jean Bouhier naquit à Dijon en 1673; il fut élevé par les Jésuites et ne semble pas, si l'on en juge par ses œuvres, avoir gardé grande estime pour ses maîtres. Descendant d'une vieille famille de robe qui avait donné sept générations de conseillers au Parlement de Dijon, il devint président à mortier. Bibliophile, helléniste, latiniste, jurisconsulte, archéologue, théologien, poète, Bouhier brilla dans tous les genres; il composa même, lui goutteux, une Histoire des savants qui ont été sujets à la goutte. Bouhier avait une telle réputation de science et d'érudition que l'Académie française dérogea en sa faveur à ses règlements qui exigeaient la résidence, à Paris de tous ses membres, autres que les évêques. Mourant, il garda sa connaissance jusqu'au dernier souffle. Un de ses amis, le voyant très absorbé, lui adressa la parole. « Chut! lui dit Bouhier, j'épie la mort. » Voltaire fut en 1746 le successeur de Bouhier à l'Académie.

Les manuscrits laissés par Bouhier sont répartis entre les bibliothèques de Montpellier, de Troyes et de Paris. C'est à lui que, le 1er février 1737, Mathieu Marais adressait en fidéi-commis les journaux qu'il avait tous écrits de sa main depuis la moitié de 1720 jusqu'en 1726. C'est donc d'abord à Bouhier que nous devons être reconnaissants si ce journal n'a pas été perdu.

Un jeune Français se présenta un jour devant le pape Ottoboni pour lui baiser les pieds. Celui-ci, qui étoit familier, entra en quelques raisonnements avec lui, et lui demanda s'il avoit bien vu toutes les curiosités de Rome: «Saint Père, lui répondit innocemment le jeune homme, j'ai pris soin de me faire tout montrer, et il ne me manque plus

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rien que de voir le siège vacant. » — Aussitôt le pape, voulant se moquer de la simplicité de ce jeune homme, se leva de son siège et lui dit en riant: Ecco la sede vacante.

L'abbé de Dangeau, racontant un jour quelque histoire, le feu comte d'Armagnac, qui étoit présent, dit qu'il n'en avoit jamais ouï parler. L'abbé, qui crut qu'il vouloit inspirer de la défiance sur la vérité de ce qu'il avoit avancé, dit:

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On feroit un gros livre de tout ce que vous

ne sçavez pas.

Cela se peut, repartit le comte, mais on auroit peine à en faire un bon de ce que vous sçavez. »

Bautru ayant la goutte, ses amis alloient tous les jours lui tenir compagnie. Un jour que M. de Mortemart, père de Mme de Montespan, y étoit, Bautru se fit apporter la collation, qui consistoit en un très-bon jambon de Bayonne. Sur quoi, quelqu'un de la compagnie s'étonnant qu'il mangeât d'une viande si contraire à son mal:

«1 Messieurs, leur dit-il, si elle n'est pas bonne pour le goutteux, du moins je suis bien aise de vous faire voir que je ne suis point juif. »

Bautru montoit un jour l'escalier du Louvre avec un homme de la cour dont la bouche sentoit très mauvais. Cet homme s'étant trouvé fort essoufflé quand il fut arrivé au-dessus :

- Ouai! dit-il, je perds l'haleine.

-Ah! monsieur, repartit Bautru, quel bonheur pour vos amis si ce que vous dites est vrai !

en

Quand le Roi vint à Dijon, avec toute la cour en 1674, pour la conquête de la Franche-Comté, il laissa en cette ville M. le dauphin, son fils, sous la conduite du duc de Montausier. Pendant le séjour de ce jeune prince, on lui chercha quelques enfants de son âge qui fussent propres à lui donner de l'émulation. Jacques Valon effaça tous les autres; il sçavoit beaucoup pour son âge, et plut également au dauphin et à son gouverneur, sorte qu'on le fit l'un des enfants d'honneur de ce prince, qui l'emmena avec lui, et qui lui a toujours témoigné beaucoup de bonté. On prétend que, depuis, il entra dans la confidence de ses premières amourettes; il fut aussi de toutes ses parties de débauches, et, malheureusement pour lui, il se trouva dans une qui fit beaucoup de bruit, et dont furent aussi les princes de Conty, de La Roche-surYon et de Vermandois, avec quelques autres qui furent disgraciés et éloignés de M. le dauphin. Ce fut à cette occasion qu'on fit cette chanson sur le jeune Mimeure:

Mimeure étoit sans reproche,
A présent on le chevauche,
Pon, patapon, tarare ponpon.
Il est déchu par malheur
Du degré d'enfant d'honneur,
Il est enfant de débauche,

Pon, patapon, etc.

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