Page images
PDF
EPUB

affaire-ci me cause la moindre tracasserie avec Valère,

prenez garde à vous.

LUCINDE.

Oui, oui.

ANGÉLIQUE.

Songez un peu à Léandre.

LUCINDE.

Ah! ma chère Angélique....

ANGÉLIQUE.

Oh! si vous me brouillez avec votre frère, je vous jure que vous épouserez le mien. (bas.) Marton, vous m'avez promis le secret.

[blocks in formation]

J'entends la voix du chevalier. Prenez au plus tôt votre parti, à moins que vous ne vouliez lui donner un cercle de filles à sa toilette.

LUCINDE.

Il faut bien éviter qu'il nous aperçoive. (Elle met le portrait sur la toilette.) Voilà le piége tendu.

MARTON.

Je veux un peu guetter mon homme, pour voir....

Paix. Sauvons-nous.

LUCINDE.

ANGÉLIQUE.

Que j'ai de mauvais pressentimens de tout ceci !

SCÈNE III.

VALÈRE, FRONTIN.

VALÈRE.

« SANGARIDE, ce jour est un grand jour pour vous. » (*)

FRONTIN.

Sangaride, c'est-à-dire Angélique. Oui, c'est un grand jour que celui de la noce, et qui même allonge diablement tous ceux qui le suivent.

VALERE.

Que je vais goûter de plaisir à rendre Angélique heureuse !

FRONTIN.

Auriez-vous envie de la rendre veuve?

VALÈRE.

Mauvais plaisant.... Tu sais à quel point je l'aime. Dis moi; que connois-tu qui puisse manquer à sa félicité ? Avec beaucoup d'amour, quelque peu d'esprit, et une figure.... comme tu vois, on peut, je pense, se tenir toujours assez sûr de plaire.

FRONTIN.

La chose est indubitable, et vous en avez fait sur vous-même la première expérience.

VALÈRE.

Ce que je plains en tout cela, c'est je ne sais combien de petites personnes que mon mariage fera sécher de regret, et qui vont ne savoir plus que faire de leur

cœur.

(*) Vers d'Atys, opéra de Quinault, acte 1, scène 6.

FRONTIN.

Oh que si. Celles qui vous ont aimé, par exemple, s'occuperont à bien détester votre chère moitié. Les autres.... Mais où diable les prendre, ces autres-là ?

VALERE.

La matinée s'avance; il est temps de m'habiller pour aller voir Angélique. Allons. (Il se met à sa toilette.) Comment me trouves-tu ce matin? Je n'ai point de feu dans les yeux ; j'ai le teint battu ; il me semble que je ne suis point à l'ordinaire.

FRONTIN.

A l'ordinaire! Non, vous êtes seulement à votre ordinaire.

VALERE.

C'est une fort méchante habitude que l'usage du rouge ; à la fin je ne pourrai m'en passer, et je serai du dernier mal sans cela. Où est donc ma boîte à mouches? Mais que vois-je là? un portrait...... Ah! Frontin, le charmant objet !...... Où as-tu pris ce portrait?

FRONTIN.

Moi? Je veux être pendu si je sais de quoi vous me parlez.

VALÈRE.

Quoi! ce n'est pas toi qui as mis ce portrait sur ma toilette ?

[blocks in formation]

Ma foi, je n'en sais rien. Ce ne peut être que le

diable, ou vous.

VALERE.

A d'autres! On t'a payé pour te taire.... Sais-tu bien que la comparaison de cet objet nuit à Angélique ?.... Voilà, d'honneur, la plus jolie figure que j'aie vue de ma vie. Quels yeux, Frontin !... Je crois qu'ils ressemblent aux miens.

C'est tout dire.

FRONTIN.

VALÈRE.

Je lui trouve beaucoup de mon air.... Elle est, ma foi, charmante.... Ah! si l'esprit soutient tout cela.... Mais son goût me répond de son esprit. La friponne est connoisseuse en mérite!

FRONTIN.

Que diable! Voyons donc toutes ces merveilles.

VALÈRE.

Tiens, tiens. Penses-tu me duper avec ton air niais? Me crois-tu novice en aventures?

FRONTIN, part.

Ne me trompé-je point? C'est lui.... c'est lui-même. Comme le voilà paré! Que de fleurs! que de pompons! C'est sans doute quelque tour de Lucinde; Marton y sera tout au moins de moitié. Ne troublons point leur badinage. Mes indiscrétions précédentes m'ont coûté trop cher.

VALÈRE.

Hé bien! monsieur Frontin reconnoîtroit-il l'original de cette peinture?

FRONTIN.

Pouh! si je le connois! Quelques centaines de coups

de pied au cul, et autant de soufflets, que j'ai eu l'honneur d'en recevoir en détail, ont bien cimenté la connoissance.

VALERE.

Une fille, des coups de pied! Cela est un peu gaillard.

FRONTIN.

Ce sont de petites impatiences domestiques qui la prennent à propos de rien.

VALÈRE.

Comment! l'aurois-tu servie?

FRONTIN.

Oui, monsieur; et j'ai même l'honneur d'être toujours son très-humble serviteur.

VALÈRE.

Il seroit assez plaisant qu'il y eût dans Paris une jolie femme qui ne fût pas de ma connoissance!... Parle-moi sincèrement. L'original est-il aussi aimable que le portrait?

FRONTIN.

Comment, aimable! savez-vous, monsieur, que si quelqu'un pouvoit approcher de vos perfections, je ne trouverois qu'elle seule à vous comparer ?

VALÈRE, considérant le portrait.

Mon cœur n'y résiste pas.... Frontin, dis-moi le nom de cette belle.

FRONTIN, à part.

Ah! ma foi, me voilà pris sans vert.

VALÈRE.

Comment s'appelle-t-elle ? Parle donc.

« PreviousContinue »