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supposé, si ce volume lui avait réellement appartenu, et si les notes étaient de sa main, et sur son affirmation, les questeurs de la chambre donnèrent ordre au bibliothécaire d'acquérir ce précieux volume à tout prix. Il valait 12 à 1,500 fr.: le bibliothécaire ne rougit pas de faire profiter l'État de la détresse du vendeur, lui en offrit 500 fr., et il lui fut cédé.

Ce volume est aujourd'hui conservé avec tout le soin de son premier propriétaire dépossédé; c'est-à-dire qu'il est sous clef, dans un tiroir de la bibliothèque du Corps législatif.. J. M. Q.

De quelques supercheries littéraires en Allemagne.

La probité est pratiquée en Allemagne dans toutes les actions de la vie ; aussi est-il très rare qu'on ait à reprocher à nos voisins d'outreRhin de ces fraudes qui sont assez communes dans d'autres pays. Quelques exceptions ont pourtant été signalées dans ces derniers temps, et nous croyons devoir reproduire ces accusations pour effrayer les écrivains qui pourraient être tentés plus tard d'imiter les coupables que nous allons nommer. L'histoire littéraire est cultivée aujourd'hui par tant de personnes, qu'il est impossible qu'une fraude passe inaperçue.

Il paraît à Hambourg une feuille quotidienne qui, aujourd'hui, est à sa cent-vingt-cinquième année! son titre est: Staats und Gelehrte Zeitung des Hamburgischen unpartheiischen Correspondanten. Un homme très savant en histoire littéraire, non-seulement de l'Allemagne mais encore de la France, et qui, quoique étranger, écrit avec une rare élégance notre langue aussi bien que sa langue maternelle, et auquel on doit une série d'excellents articles qui n'ont point l'aridité de ceux dus à la plume de la plupart des bibliographes, le docteur F.-L. Hoffmann, de Hambourg, est l'un des principaux rédacteurs actuels de cette feuille pour la partie littéraire, et il y écrit beaucoup. Obligeamment, et à titre d'encouragement, M. le docteur Hoffmann bien voulu consacrer dans cette feuille quotidienne, quatre ou cinq articles à notre petit journal: nous l'en remercions très cordialement; hélas, il faut bien le reconnaître ; c'est plutôt bienveillance que justice : nous tâtonnons trop encore pour mériter sa juste approbation. C'est à des numéros récents de la feuille dans laquelle M. F.-L. Hoffmann écrit que nous empruntons les deux premières fraudes littéraires suivantes, assez singulières.

La supercherie littéraire qui fut découverte il y a quelque temps à Weimar, où quelqu'un eut l'effronterie stupide d'évoquer le génie de Goethe et de Schiller pour se l'approprier, rappelle à l'auteur une supercherie analogue, qui eut lieu à Berlin il y a quelques années.

Les fils du philosophe Mendelsohn entreprirent dans cette ville une

nouvelle édition des œuvres de leur père, et dans ce but, ils invitèrent, par une annonce dans les journaux, toutes les personnes qui pourraient posséder un manuscrit quelconque de leur père, de le leur envoyér moyennant une rétribution convenable.

De Hambourg on leur envoya onze lettres parfaitement conservées, que Mendelssohn avait adressées à son beau-frère qui avait résidé dans cette ville, et qu'on avait retrouvées chez un marchand du pont de Wedde.

Puis un certain Dr H..... parut à Berlin avec de très-belles poésies posthumes de Mendelssohn en langue hébraïque, et dont il demandait une très-forte somme aux éditeurs. Ceux-ci regardèrent le travail comme précieux et envoyèrent les poésies au prédicateur Jallowitz, de Leipzig, qui devait revoir l'édition. Jallowitz trouva le trésor suspect. Car il est connu que Mendelssohn n'était rien moins que poète, et il n'existait de lui qu'une seule pièce de poésie en allemand, qu'il fit pour l'anniversaire de sa femme, et une autre en hébreu sur le retour de Frédéric-le-Grand après la guerre de sept ans.

Jallowitz fit des recherches qui le conduisirent au résultat suivant : Il y a 40 ans, le docteur susdit publiait une feuille périodique où se trouvaient des poésies en langue hébraïque, qui provenaient la plupart du poète hébreu Moïse Mendelssohn, de Hambourg. Cette feuille eut bientôt une fin malheureuse, et il resta dans les mains du docteur diverses compositions, que l'auteur ne jugea pas valoir la peine d'être redemandées.

Parmi celles-ci se trouvaient les poésies hébraïques que le rusé docteur voulait convertir en argent.

Jallowitz les renvoya à Berlin avec l'observation que lesdites poésies étaient très-belles, il est vrai, mais que l'auteur n'était pas lé philosophe défunt, mais bien son homonyme le poète vivant à Hambourg.

Pour faire opposition, l'anecdote suivante mérite d'être rapportée. Le premier écrit de Mendelssohn fut un commentaire de la logique de Maimon. Mendelssohn en fit présent à un Polonais voyageur, nommé Jankowsky, qui, en faisant la seconde édition fit mettre après le titre: Rédigé et publié par le rabbin Jankowsky.

Quelle fut la vengeance du philosophe?

Lorsque celui-ci, à la prière instante de la Communauté, composa un sermon et la pièce de poésie précédemment citée, sur le retour du roi, il fit mettre en tête de l'ouvrage : Rédigé et publié par le rabbin Jankowsky.

« Si ce Polonais, écrivait Mendelssohn à Lessing, a rédigé mon commentaire, il peut bien être le père de ces pauvres enfants ».

Il nous reste à signaler un fait plus grave et aussi plus récent. Un philologue du nom de Charles Rambach a osé publier à Stuttgard, et sous son propre nom, le Glossarium eroticum linguæ latine, de M. Pierrugues, sans oublier un seul mot depuis la préface, jusqu'à

la fin. « J'ai voulu », nous mande l'un de nos abonnés, M. Th. M., D. M., à Chalons-sur-Marne, « me rendre compte de la fidélité avec la» quelle cette copie avait été faite, et j'ai trouvé dans ces deux ouvra»ges le même nombre de mots faisant tête d'articles, c'est-à-dire : » 1995. Sous ce rapport, le ferè duorum millium sermonum an>> noncé dans le titre est parfaitement exact. L'ouvrage de M. Pierru» gues a paru en 1826 et celui de M. Charles Rambach en 1833. » M. Pierrugues a intitulé son ouvrage : Glossarium eroticum lingua » latina; M. Rambach a intitulé le sien: Thesaurus eroticus linguæ » latinæ, etc. (1), ce qui fait que les bibliophiles sont indignement >> trompés et que j'ai été moi-même victime de cette supercherie. Il » n'y a donc que les deux premiers mots des titres de ces deux » ouvrages qui diffèrent, et il y a en plus sur le folio de la couver>>ture de la soi-disant publication de M. Rambach, un titre très-long, » en langue allemande, qui n'est que la périphrase du titre de » M. Pierrugues (2) ».

M. Ch. Rambach n'est pas, comme on le voit, un vulgaire plagiaire, mais un éhonté........... contrefacteur, que tous ses compatriotes flétriront lorsqu'ils connaîtront ce charlatanisme si peu en usage chez eux. J. M. Q.

RETROSPECTIF.

Dans une lettre adressée à M. A. D.-B., à Grenoble, imprimée page 194, nous avons dit d'un ouvrage faussement attribué à Llorente:

« Quant à la traduction espagnole des Aventures de Faublas, >> qu'aurait faite Llorente, c'est, au dire d'un bibliophile espagnol très» distingué, que j'ai l'avantage de recevoir quelquefois chez moi, >> tout simplement une infamie qu'on prête gratuitement à ce digne >> Llorente >>.

Il n'y a point dans ce paragraphe d'appréciation émise sur le roman Louvet il y a une défense de Llorente, qui, d'après sa position et son caractère, n'a pu traduire un roman quel qu'il fût. Une malveillante critique fait dire à M. S. P., dans le « Bulletin du Bibliophile belge », t. XI, page 316: « Une traduction espagnole de Faublas (Paris, 1821, 4 vol. in-12) a été attribuée au célèbre Llorente, mais à le Quérard, archives d'histoire littéraire » (nos 5 et 6, mai-juin 1855, page 194), dit que c'est une infamie (?) qu'on prête gratuitement à Llorente. « Le

(1) Stuttgartiae, MDCCCXXXIII. Typis Hasselbrinkianis. Apud Paulum Neff, bibliopolam, in Commisione, in 8 de vj et 312 pages.

(2) Ainsi conçue: Erotischer Sprachschatz der Römer. Mit mehreren tausend Citaten aus Dichtern und Prosaisten, Studien und critischen Erläuterungen. Erotographie für Freunde und Kenner des Alterthums; von Carl Rambach.

Quérard » de « la France littéraire » (t. V, 1835, p. 375) n'a pas été de cette opinion sur Faublas; loin de le qualifier d'infame, il a cité le jugement de la « Biographie universelle et portative des contemporains », qui trouve le roman de Louvet, un « livre ingénieux et exempt d'obscénités ».

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Peut-on plus mal lire? Mais ce n'est pas sans intention.

Aimez-vous la muscade ? on en a mis partout.

L'auteur de cette note aussi fausse que malveillante voudrait forcer l'Europe à suivre sous lui un cours de bibliographie russe, le moment est vraiment bien choisi! et sa bourde volontaire lui donne un prétexte pour remplir près de deux pages par la mention de versions russes de deux romans de Louvet. C'est où le professeur voulait arriver en faisant rire à nos dépens.

Le grave et savant bibliothécaire du roi de Şaxe, M. J. Petzholdt lit mieux que M. S..P. Aussi, pour son « Anzeiger für Bibliographie »>, ann. 1855, p. 254, où il rappelle notre note, n'a-t-il vu que ce qu'il y a: qu'on a eu l'infamie d'attribuer au digne Llorente une traduction de Faublas.

Sous le n° 775, nous avons annoncé la France mystique... par M. Alexandre Erdan. Les auteur, imprimeur et éditeur de ce livre ont été condamnés, le 17 ou 18 septembre, pour le fait de cette publication. Voici le dispositif du jugement:

M. Alexandre Erdan, homme de lettres, est l'auteur d'un livre intitulé la France mystique, édité par M. Coulon-Pineau, libraire, rue Monsieur-le-Prince, et imprimé par M. Maulde.

MM. Maulde, Coulon-Pineau et Alexandre Erdan ont, à raison de cette publication, été traduits devant le tribunal de police correctionnelle, les deux premiers comme prévenus d'outrage à la religion catholique, M. Erdan comme prévenu de s'être rendu complice de ce délit en leur fournissant les moyens de le commettre.

Le tribunal a rendu le jugement suivant :

«Attendu qu'il est établi qu'en publiant, en 1855, l'ouvrage intitulé la France mystique, Maulde et Coulon-Pineau ont outragé et tourné en dérision la religion catholique, dont le culte est légalement reconnu en France;

‚» Qu'il est également établi qu'Erdan s'est rendu complice de ce délit en fournissant aux deux premiers inculpés le manuscrit par eux successivement imprimé et édité;

» Attendu que les passages incriminés et constitutifs du délit se trouvent notamment aux pages 39 et 40 de la préface, 12, 229, 232, 233, 282, 312, 313, 329, 330, 344, 345, 346, 393, 394, 413, 667, 668, 725;

» Vu l'art. 59 du Code pénal, et attendu que les trois inculpés ont ainsi encouru la peine prononcée par l'art. 1er de la loi du 25 mars 1822 et par l'art. 26 de la loi du 26 mai 1819:

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» Ayant toutefois égard à la position particulière de chacun des inculpés et aux regrets par eux manifestés ;

» En conséquence, modérant la peine en faisant l'application permise par l'art. 8 du décret d'août 1848 de l'art. 463 du Code pénal, >> Condamne Erdan en huit jours d'emprisonnement et 100 fr. d'amende ;

>> Coulon-Pineau en 100 fr. d'amende, et Maulde en 40 fr. d'amende; >> Ordonne la destruction des exemplaires saisis dudit ouvrage, ainsi que de tous ceux qui pourraient l'être ultérieurement,

» Et les condamne en outre solidairement aux dépens ».

Page 370, nous avons reproduit une opinion de M. G. Molinari d'après laquelle les Belges seraient les pères de la statistique, qu'ils ne se connaîtraient guère de rivaux dans cette spécialité. Mais voici venir à Paris un congrès international de statistique qui contredit un peu l'opinion de M. G. Molinari.

Les membres du congrès national de statistique ont été le 18 septembre reçus au Tuileries dans la salle des Maréchaux. M. Rouher, ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics a présenté à l'Empereur les délégués officiels des gouvernements étrangers. Ils ont exprimé leur reconnaissance de la cordiale hospitalité qui leur aété accordée en France, et, notamment, des mesures prises par le gouvernement pour faciliter leur mission et rendre aussi agréable que possible leur séjour à Paris ».

<< Plusieurs ont saisi cette occasion pour rendre à la France la justice qui lui est due au point de vue de l'initiative en matière de travaux statistiques. L'un d'eux, M. Heuschling, représentant de la Belgique, a rappelé que le premier dénombrement des forces productives d'un grand pays a été fait, en France, sous Louis XIV, en 1698, et que la création du premier bureau de statistique en Europe est due à Napoléon Ier ». (Siècle, 19 septembre.)

DE CECI, ET DE CELA.

Les travaux de décoration de la bibliothèque de la ville de Paris sont aujourd'hui terminés. Un escalier d'un beau style a été établi, qui relie les salles de lecture avec la galerie supérieure, construite en prévision des accroissements de ce précieux dépôt bibliographique. Au sommet de cet escalier, on a placé une tête de Cybèle, trouvée, en 1657, dans les fondements d'une ancienne tour dépendant de la seconde enceinte de Paris, rue Coquillière, vis-à-vis l'église SaintEustache, dont l'emplacement paraît avoir été consacré autrefois à cette divinité fort célèbre chez les Gallo-Romains.

Cette tête est en bronze, plus grande que nature, et couronnée d'une

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