Page images
PDF
EPUB

» Lettre de Giacomo Sorunzo (en italien) sur la mort du duc de Guise, 1588.

» Sur l'édition originale des Adages d'Erasme.

» Lettres du cardinal Bembo (en italien), à Lorenzo Loreduno, doge de Venise.

>> Nous laissons de côté quelques articles qui n'intéressent spécialement que des amateurs anglais, et nous avons suffisamment montré quel intérêt présentent les Mélanges en question; il est à regretter que les bibliophiles auxquels on les doit, et qui vont y joindre un second volume, portent à un point excessif la parcimonie dans le nombre d'exemplaires qu'ils font exécuter. C'est le moyen de conserver à leurs travaux tout l'attrait du mystère, mais ce n'est pas servir la cause des études historiques. (Revue crit. de livres nouveaux.) »

M. A. Baron, professeur ordinaire à l'université de Liége, membre de l'Académie royale de Bruxelles (1) a adressé au directeur de « l'Athenæum français » une lettre, reproduite par le « Bulletin du Bibliophile belge» sur l'article de S. Ex. M. Sylvain Van de Weyer qui fait partie de ces Mélanges. Nos lecteurs la retrouveront ici avec plaisir.

Il y a dix-huit mois environ, il s'est formé à Londres, sous le patronage du prince Albert, une petite société de bibliophiles curieux, délicats, difficiles, et dont je ne dirai pas les publications (l'égoïsme sui generis des bibliophiles ne leur permet pas de rien publier); mais les impressions promettent aux happy few ces savantes et exclusives voluptés de l'œil et de l'esprit qui ne sont bien goûtées que des adeptes. Cette Société vient de faire imprimer le premier volume de ses Mélanges, et comme le réglement concède aux sociétaires vingt-cinq ou trente exemplaires tirés à part des articles qu'ils fournissent, une de ces raretés m'est parvenue, et je pense être agréable à vos lecteurs en lui en disant un mot,

Figurez-vous d'abord un papier d'une éblouissante blancheur, et en même temps sec, solide, sonore comme les beaux papiers de Hollande de la meilleure époque, une encre aussi noire que le papier est blanc, des caractères tous neufs, d'une netteté et d'un brillant elzévirien, une justification d'in-18, encadrée dans des marges spacieuses qui donnent à l'ensemble le format in-8; voilà pour le matériel de la chose.

Quant au livre lui-même, il suffirait pour en faire l'éloge ici de dire qu'il sort de la plume de M. Sylvain Van de Weyer, notre ambassadeur à Londres. M. Van de Weyer n'est pas seulement un homme d'État éminent et qui a fait ses preuves dans les circonstances les plus

(1) M. A. Baron, l'un des meilleurs écrivains de la Belgique actuelle, auteur, entre autres ouvrages, d'une bonne Histoire abrégée de la littérature française depuis son origine jusqu'au XVIIe siècle, qui a obtenu une seconde édition (1851, in-8), n'a pourtant pas d'article dans la Biographie dite Universelle publiée par la maison Didot; c'est une des trop nombreuses omissions de cette Biographie pour que M. Baron en soit affecté.

épineuses; il était un de nos meilleurs littérateurs avant d'entrer dans la carrière diplomatique, et, depuis bientôt vingt-cinq ans qu'il représente la Belgique en Angleterre, il n'a pas cessé d'y cultiver activement les belles et bonnes lettres. Au moindre intervalle que lui laissent ses fonctions officielles et les exigences non moins impérieuses de la représentation, vous le trouvez armé d'un volume et d'un coupelivre. C'est le plus infatigable liseur qu'on puisse imaginer, et comme il est peu de langues qu'il ne possède et peu de sujets qui ne lui soient familiers, son insatiable curiosité est sans cesse ravivée. Il lit partout où les autres fument, c'est tout dire; mais, doué d'une merveilleuse mémoire et d'un grand esprit d'analyse, il classe à l'instant et retrouve au besoin cette infinité d'acquisitions successives. Nul ne justifie mieux le mot de Cicéron sur les belles-lettres Delectant domi, non impediunt foris, pernoctant nobiscum, peregrinantur, rusticantur. Nos plus obscurs écrivains belges peuvent être sûrs qu'il existe au moins un homme au monde qui connaît leurs noms et leurs œuvres.

Dans ses trop rares opuscules, des pensées souvent profondes, toujours justes, se revêtent d'un style à la fois vif et contenu, piquant et discret, qui rappelle la fine manière des derniers écrivains du XVII siècle et des premiers du XVIII, Fontenelle, Lamothe, la marquise de Lambert, Hamilton même. Il porte au rigorisme la pureté du langage et les scrupules de l'érudition; et comme, sous ces deux rapports, sa conscience est inflexible pour lui-même, sa critique l'est également pour les autres. Deux ou trois de ses boutades en ce genre, la lettre sur Simon Stevin, par exemple, sont de véritables chefs-d'œuvre.

De même aussi, dans le volume qui nous occupe, il persiffle trèsagréablement M. Arsène Houssaye et cette école hybride de biographes fantaisistes, ni romanciers ni historiens, qui demandent quelque chose aux réalités, beaucoup plus à leur imagination; si bien que le lecteur. après avoir cru qu'ils disent vrai quand ils mentent, finit par croire qu'ils mentent quand ils disent vrai.

C'est qu'il faut vous dire que, dans sa bibliothèque, une des plus riches et des plus précieuses qu'aient pu élever les trois maîtres ouvriers du bibliophile, le savoir, le goût et l'argent, M. Van de Weyer s'est fait une collection spéciale et bien complète de tous les livres écrits en français par des Anglais, collection également intéressante pour les deux nations; et maintenant il a entrepris d'écrire l'histoire de tous les auteurs qui en font partie, et, en quelque sorte, une monographie du genre.

Le premier qui s'est offert à lui, et qui fait l'objet du présent livre. est d'Hèle, l'auteur du Jugement de Midas, de l'Amant jaloux, des Evènements imprévus et de Gilles Ravisseur, jolies petites pièces dont Grétry faisait la musique, les meilleures, avec celles de Favart, du bon temps de l'Opéra-Comique, comme disait Hoffman, du temps où l'on demandait encore au librettiste de l'esprit et du style. D'Hèle était Anglais, du comté de Glocester, très-probablement marin dans sa jeu

nesse. Aucun de ses compatriotes n'en a dit un mot, sinon dernièrement quelques bribes, copiées des biographies françaises. Né vers 1740, il vint à Paris en 1770, s'y fit un nom pendant deux ou trois ans par ses piquantes compositions, et y mourut en 1780 dans toute la maturité de l'âge et du talent, et lorsqu'il allait peut-être s'élever beaucoup plus haut. Une insoucieuse prodigalité l'avait ruiné ; l'abus des liqueurs fortes avait affaibli sa poitrine; un fol amour pour une actrice de la Comédie-Italienne l'acheva; homme d'honneur, au reste, franc, sans gêne, original, sérieux et mélancolique, autant que doit l'être tout Anglais bien élevé. La biographie qu'a donnée de lui M. Van de Weyer, et l'appréciation qu'il a faite de son talent et de son caractère sont exactes et complètes autant que purement et spirituellement écrites.

Or, ce personnage est un de ceux que M. Arsène Houssaye a fait entrer dans sa Galerie des portraits du XVIIIe siècle, et il a intitulé le chapitre qu'il lui consacre: Un Philosophe, comme s'il suffisait, pour mériter le titre de philosophe par excellence, d'avoir été vingt ans le jouet de ses passions, et d'en être mort la victime à quarante ans. « Pour être cynique, dit M. Van de Weyer, on n'en est pas plus philosophe».

Le véritable nom d'Hèle était Thomas Hales, qui se prononce en Anglais comme le mot ailes, en faisant légèrement sentir l's, et non pas Hélas, ainsi que le dit M. Houssaye, afin, sans doute, de pouvoir ajouter, avec un profond soupir: « Hélas! d'Hèle eut souvent cette exclamation sur les lèvres! ».

Tout l'article de M. Houssaye est une curieuse mosaïque de détails imaginaires et de phrases empruntées, sans nommer les prêteurs, bien entendu, aux Mémoires de Grétry, et à la Correspondance de Grimm, les deux hommes qui ont le mieux connu d'Hèle. C'est dans la Corབ་ས་ respondance que se trouve une petite nouvelle de notre auteur, intitulée le Roman de mon oncle, une jolie figurine délicatement ciselée.

Il faut bien avouer que, dans la sévérité de M, Van de Weyer à l'égard de M. Arsène Houssaye, il entre peut-être un peu de ressentiment patriotique. Mais comment blâmer cet entraînement, bien naturel dans un critique qui a si positivement et si finement raison. Les Français sont trop malins pour ne pas être ici de l'avis du Belge. Voici, par exemple, une note qui vous donnera tout à fait l'idée de la manière de M. Van de Weyer :

-

« On sait, dit-il, que, dans un certain monde littéraire, un Liégeois est un Flamand, et un Flamand est un Béotien. Quoique Flamand, dit M. Houssaye, Grétry avait de l'à-propos. Quoique Flamand, je suis trop poli pour dire à M. Houssaye comment on qualifie, en bon Français, un pareil propos à la Bouhours, et pour ajouter ce que nous pensons en Flandre de son article sur Grétry, où, croyant faire de la couleur locale, il met en réquisition les fêtes à la Teniers, les paysages à la Berghem, la gaîté flamande avec ses décors agrestes,

le ciel nébuleux et les blondes Flamandes de Liége (dont les neuf dixièmes sont aussi brunes, mais moins jolies que les Andalouses), sans oublier la pinte de bière obligée. Nous pardonnons à sir Walter Scott, en faveur de son génie, d'avoir fait parler flamand aux Liégeois du temps de Louis XI. Espérons qu'un jour viendra où nous pourrons étendre la même indulgence à M. Arsène Houssaye ».

N'allez pas croire, au reste, que M. Van de Weyer donne dans le chauvinisme. Loin de là, il se déclare vivement contre ces dénigrements de peuple à peuple, ces hostilités nationales qui se font jour au théâtre ou dans la presse en certaines circonstances. Ainsi, à propos des satires contre l'Angleterre, qui succédèrent en France, en 1780, à l'anglomanie ridicule des années précédentes, et que les Anglais nous rendirent bien, il écrit ces paroles, si souvent opportunes dans l'histoire de presque tous les peuples de l'Europe.

« Il serait bien digne des deux grandes nations qui travaillent si noblement à humaniser la guerre, d'interdire à l'avenir les lettres de marque à ces corsaires littéraires, qui, au moindre différent politique entre les peuples, s'arment des traits les plus envenimés, et, par les blessures qu'ils font à l'amour-propre national, ravivent des haines plus déplorables que la guerre même. C'est un reste de barbarie qui déshonore toute la littérature ».

On a eu beau crier contre la piraterie littéraire, je regrette fort, je l'avoue, que la contrefaçon soit désormais interdite, non-seulement de France en Belgique, mais de Belgique en France; j'aurais recommandé tout ce qu'a produit M. Van de Weyer à l'attention de M. Delalain, par exemple; il choisirait beaucoup mieux, ainsi qu'il le fit il y a une vingtaine d'années, en réimprimant un opuscule de l'auteur du présent article, lequel déclare, sans fausse modestie, qu'il ne méritait assurément pas tant d'honneur : ce qui est certain, c'est que tous les peuples ont beaucoup à se pardonner réciproquement,

A. BARON.

Etudes sur la Typographie genevoise du quinzième au seizième siècle (sic) et sur l'origine de l'Imprimerie en Suisse. Par E. H. Gaullieur (1). Genève, 1855, in-8, fig.

L'imprimerie s'introduisit de bonne heure en Suisse et s'y répandit promptement. Treize années après la publication du Psautier donné par Jean Fust et Pierre Schaeffer, en 1457, à Mayence, l'imprimerie était pratiquée à Bâle et à Munster. Le canton de Berne en fut doté vers 1475; Genève en 1478; Promenthoux en 1482; et Lausanne en 1493. Ainsi, dans les dernières années du quinzième siècle, la Suisse

(1) Pages 162 et 163, nous avons fait connaître les diverses publications de cet écrivain.

possédait déjà de nombreuses imprimeries, dont plusieurs se distinguèrent par la beauté de leurs produits. Contrairement aux autres arts, la typographie atteignit dès ses premiers essais une perfection qui n'a guère été surpassée depuis. Du moins pour la beauté des types, pour la netteté du tirage et l'excellence du papier, les incunables offrent en général une supériorité bien marquée. L'état de conservation dans lequel on les admire encore après trois siècles d'existence témoigne assez des soins apportés à leur fabrication. Malheureusement le but de l'Imprimerie, qui est de répandre les livres et de les mettre à la portée du plus grand nombre, ne pouvait être atteint qu'en renonçant à ce luxe, employé d'abord pour rivaliser avec l'élégance des manuscrits. Bientôt l'on voulut faire vite et produire à bon marché ; il en résulta presque partout une décadence rapide, et les bonnes traditions de l'art ne furent maintenues que par quelques rares typographes qui réussirent, non sans peine, à les concilier avec les exigences de leur époque.'

Les études de M. Gaullieur ont surtout pour objet les travaux des premiers imprimeurs établis en Suisse. Il donne la description des principaux ouvrages sortis de leurs presses, avec des extraits propres à caractériser la nature du contenu de ceux qui présentent quelques singularités, mais il s'étend plus spécialement sur Genève et nous y fait suivre les vicissitudes de l'Imprimerie jusqu'au dix-neuvième siècle. Ses recherches dénotent des connaissances bibliographiques trèsétendues. On y trouve une foule de détails curieux, de remarques intéressantes, de documents originaux très-précieux pour l'Histoire. Peut-être ces matériaux paraîtront-ils un peu trop accumulés, pêlemêle, sans l'ordre et la méthode nécessaires pour en rendre la lecture facile. Mais c'est le défaut inhérent à ce genre de compilations, où des développements même succincts entraîneraient beaucoup trop loin. Cependant il est un point sur lequel M. Gaullieur prête à la critique; son travail n'offre pas toute la correction désirable : les fautes d'impression s'y sont glissées jusque dans le titre, et nous lui signalerons (page 124) une citation de différents passages extraits de Saint-Paul, qui sont, par inadvertance, attribués à l'auteur de l'Instruction des enfants. Cela vient du reste à l'appui de ce qu'il dit de l'état actuel de l'art typographique à Genève. Si, dans le seizième siècle déjà, la décadence commençait à se manifester, les règlements de Calvin, dont M. Gaullieur donne le texte, prouvent du moins une grande sollicitude pour l'Imprimerie, ainsi qu'une haute intelligence de ses véritables intérêts, tandis que de nos jours elle est complétement abandonnée à elle-même; il n'existe plus d'autres règlements que ceux d'une société formée entre les ouvriers pour empêcher autant que possible la baisse des salaires. Or la liberté absolue ne s'est pas montrée le moins du monde favorable aux progrès de l'art typographique. (Revue crit. des livres nouveaux.)

« PreviousContinue »