Page images
PDF
EPUB

sonnes pour le subgect de leur mestier, pourront user ainsi qu'ils ont faict par cy-devant.

Les termes indécis de cette rédaction indiquent bien la position d'un métier cherchant à s'affranchir de ceux dont elle est issue. Au xvIIe siècle, les Spirinx et les Palliot ont porté l'art de la gravure à une perfection inconnue jusqu'alors à Dijon.

ÉCRIVAINS, GRAMMAIRIENS, MAITRES D'ÉCOLE (1)

PATRONAGE Saint Nicolas.

ARMOIRIES D'or, à quatre fasces de sinople.

Sans remonter aux sources de l'enseignement et sans recourir aux documents originaux, nous savons que des écoles dijonnaises prospéraient déjà sous l'abbé Guillaume de Saint-Bénigne de Dijon. Un peu plus tard, les Dominicains, établis en 1237 par la duchesse Alix, fondèrent une école de théologie réputée et fréquentée par un grand nombre d'étrangers. Quant aux écoles publiques de la ville, Courtépée nous apprend qu'elle en avait dès le xive siècle dans la rue du Chatel, vis-à-vis le logis des fillettes.... Dans la suite elles furent transférées dans la rue qui prit en 1513 le nom de rue Tour de la Trémouille. Au xve siècle, dit M. J. Garnier, « si l'on excepte les cours de théologie professés dans leur couvent par les Dominicains et les Cordeliers, la ville n'avait pour toute sa jeunesse qu'un seul établissement d'instruction publique, ses anciennes écoles. Placées sous la direction suprême du chantre de Langres, elles avaient, dès le xve siècle, soit à cause de l'éloignement de ce dignitaire, soit à cause de sa négligence, nécessité l'intervention de l'au

(4) Arch. munic., G. 39.

torité laïque qui exerçait une surveillance constante sur ces écoles et s'était réservé le droit de présentation à toutes les fonctions (1) ».

Ces deux autorités, toujours en désaccord, nuisaient à la prospérité des écoles; témoin la requête suivante, de 1480 environ, adressée par la mairie au Parlement: << Considérant que par suite des débats survenus entre maitre Jacques Juing, recteur des écoles de grammaire, et Ferry Potier, chanoine de Langres, le nombre des enfants qui allaient à l'école et qui dépassait 2.000, a été réduit à 600, au grand dommage de la fondation des petits enfants et de la renommée de la ville qui de tout temps a eu le nom de avoir en cette partie la meilleure manière d'instruction des autres villes et cités du royaume ». La mairie n'obtint que le droit de nommer << un notable commis» pour la surveillance de ses écoles.

Elles étaient dirigées, dit encore M. Garnier, par un recteur dont le grade ne pouvait être inférieur à celui de bachelier, et six régents maitres es-arts, que secondaient des maîtres subalternes. On y enseignait la philosophie, la logique, les mathématiques, les langues grecque et latine, la grammaire et la musique. Quatre fois par an on y soutenait des thèses publiques auxquelles prenaient part les élèves des couvents. Aussi jouissaient-elles d'un grand renom. Le chantre de Langres s'intitulait dans ses lettres: Collateur, proviseur, directeur des fameuses écoles de la célèbre ville de Dijon, et les documents contemporains témoignent qu'elles étaient fréquentées aussi bien par les étrangers que par les étudiants de race française. Malheureusement le voisinage de l'Université de Dôle, ouverte en 1424, les fit peu à peu déchoir de leur splendeur. A la fin du siècle, elles n'étaient plus qu'une sorte de collège communal encore bien délaissé par suite des guerres et des malheurs pu blics qui, depuis 1477, avaient assailli la cité. Mais déjà s'était

(4) Analecta Divionensia, tome VI.

manifesté, à la suite des premières guerres d'Italie, un mouvement de renaissance dans les lettres et les arts, dont François Ier fut la glorieuse personnification, et dont nos magistrats ne tardèrent pas à subir l'influence. Informés qu'il existait à Autun «< un notable et scientifique personnage » du nom de Turrel, elle (la mairie) le plaça à la tête de ses écoles où sa réputation attira de nombreux élèves.

Pierre Turrel prêta serment à Dijon le 2 décembre 1517. Pour faire honneur à son mérite, la ville restaura son ancienne école de la rue des Moulins de Suzon où «<l'on souloit tenir la grande escole ». A l'école de Turrel, tombée en décadence, succéda le collège dit des Martin, fondé en 1531 et fermé en 1599, mais celui des Godrans fonctionnait brillamment depuis 1581 (1).

A côté de ces écoles supérieures il y avait de modestes · établissements où les enfants du peuple pouvaient apprendre à lire et à écrire sous la direction de Maîtres d'école salariés par la ville sous son contrôle absolu. En 1401, il est délibéré « que veu que le maistre d'escole de Dijon ne peut bonnement maintenir son estat de la revenue de l'escole, pour la mortalité qui a esté grosse à Dijon où il est mort plusieurs enfans et aussi la grosse charge que doit ledit maistre pour ladicte escole, que la ville li donne dix francs d'or pour une fois » (2).

Cette rédaction fait supposer que la ville ne payait pas régulièrement son maitre d'école, la « revenue » était à la charge des familles, mais quelques années après un <«<juif baptizé », nommé Poul de Bonnefoy, s'engage avec la mairie pour un an entier à partir du 1er mai 1420, « de aprandre ceulx de la ville qui veuldroient aprandre

(1) Nous laissons la parole à M. Ch. Muteau, qui s'est occupé des écoles de Dijon dans son livre Les Ecoles et Collèges de Province, Paris, 1882. Voir aussi : Les Ecoles de Bourgogne sous l'ancien régime, Langres, 1875. (2) B. 144.

à lire, escrire et entendre ébrief. Afin qu'il soit plus obligié de bien instruire ceulx qui vouldront aprandre de lui en lad. science, la ville donnera vingt frans pour une fois, qui lui seront payés par porcion durant ledit an» (1). L'année suivante ses gages furent portés à 30 francs. Donc la ville avait, comme aujourd'hui, son école communale et absolument indépendante des collèges supérieurs, et quand les établissements des Martin et des Godran rayonnaient sur la cité, nous voyons maître Denis Lucey recevoir des enfants pour les instruire « à l'abécédaire sans rien payer, vu que ce maistre est salarié par la ville ». En 1595, c'est Duval « maître expert-écrivainarithméticien » qui est aux gages de la ville (2).

La gravure et l'imprimerie ayant presque détrôné les anciens enlumineurs, il ne resta guère que les simples écrivains avec la seule ressource, suffisante à ces époques, d'écrire pour ceux qui ne le savaient pas. Entre temps ils moulaient des modèles d'écritures pour les écoliers et grâce à eux les grimoires des xvIe et XVIIe siècles se transformèrent en calligraphie correcte. Nos statuts de métiers du xve siècle furent en grande partie transcrits par les «escripvains » pour être affichés à l'Hôtel de Ville.

Ces humbles pédagogues donnaient aussi des leçons à domicile et nuls autres que ceux de la corporation n'avaient le droit de le faire, excepté les précepteurs, mais ceux-ci ne pouvaient donner des leçons qu'aux enfants des familles où ils étaient logés et nourris, hors de là il y avait contravention. Comme signe de leur profession, les maîtres admis officiellement avaient le droit, sous réserve des formalités exigées par la mairie, de mettre au-dessus de leur porte un écriteau annonçant leur titre et qualité.

(1) B. 150.

(2) B. 226.

Les maîtres d'école et d'écriture furent obligés de se constituer en communauté en 1654 comme nous l'apprend la requête suivante datée de 1669.

Veu la requeste de Jean Debalicourt, Hector Cousturier, Henry Petit, Jean Tournier, Samuel Joseph Regnier, Joseph Lebeuf, François Jubainville, Thomas Moret, Thomas Berthelot, Louis Vigeon, Hugues Besson, Estienne Dumont et Claude Alexandre, maistres escrivains à Dijon, disant que des personnes exercent sans estre approuvées; que s'étant formés en confrérie sous l'obéissance de la loi de 1654, on veuille bien empêcher les empiétements... La Cour du Parlement ordonne que ceux qui voudront faire fonction de maistres escrivains et de maistres d'escole, seront approuvés par l'évêque diocésain ou son grand vicaire et qu'ils se présenteront à la Chambre du conseil de lad. ville pour estre informé de leurs vie, mœurs, âge et religion, et qu'ils seront examinés sur leur capacité et expérience par deux maistres escrivains receus et approuvez (1).

Au seuil du XVIIIe siècle, nos maitres eurent à lutter contre une concurrence qui leur porta un coup terrible: l'établissement des écoles des Frères de la doctrine chrétienne qui s'installèrent à Dijon le 16 mai 1705. Malgré de nombreuses requêtes où nos maitres donnaient cours à leurs doléances et à leur jalousie, les écoles des Frères

(4) C'est à ces treize maîtres experts et jurés écrivains que l'imprimeur dijonnais, Ant. Michard, dédie, en 1676, son livre De l'ortografe françoise, ou Méthode nouvelle pour rendre notre langue facile... Quelques années après, son fils, Claude Michard, édite son fameux Roti-cochon ou méthode très facile pour bien apprendre les enfans à lire en latin et en françois, dont le seul exemplaire connu est à la Bibliothèque de l'Arsenal, à Paris. Rien de plus curieux que cet abécédaire; les gravures provenant de publications antérieures, et dont le texte est approprié aux figures, sont d'un charme si naïf, si étrange, qu'une réimpression fac-similé en fut faite en 1890 par les soins et aux frais de la Société des Bibliophiles françois.

« PreviousContinue »