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Et quoique naturellement on deust ne point souffrir les estrangers vendre les cuirs qu'aux jours de foire, cependant ils en amènent journellement aux halles pour en fournir les cordonniers, et lorsqu'ils ne trouvent pas l'occasion de les débiter, ils les mettent en dépôt pour les exposer en vente au marchef publique suivant ce qui empêche la vente de ceux façonnés par les tanneurs de cette ville.

Pour ce qui est de l'augmentation des droits qui sont sur ces marchandises depuis l'année 1686, les tanneurs n'ont pas mieux vendu leurs cuirs depuis ce temps, quoique en 1690 il aye plu à sa Majesté leur imposer une troisième marque sur le même cuir qui se nomme parisis pour laquelle et pour les deux autres ces sept tanneurs qu'ils sont doivent soixante sept mille livres, savoir: pour la marque du Prudhomme et qu'est la première 37.000 livres et pour les deux autres 30,000 livres, pour payer l'une desquelles sommes, ils sont obligés de se cottisez parce que par le moyen de ce qu'on a remarqué cy-devant, le produit de ces mêmes marques n'est pas suffisant, et si sa Majesté n'a la bonté d'y remédier, non seulement ces mêmes marques s'aboliront, mais ils seront nécessités d'avoir le même sort que tous leurs deffuns confrères.

Le tableau était navrant, mais il ne désarma pas les créateurs d'offices: en 1705, fut institué l'office de Juréhongrieur. Il fut supprimé, il est vrai, cinq ans après, mais la fabrication des cuirs dits de Hongrie fut cédée, moyennant finances, à des spécialistes pris en dehors des corps jurés et propriétaires du monopole de la vente. Les tanneurs furent donc encore obligés de subir cette concurrence. Cependant parurent quelques règlements ou arrêts favorables: défense de sortir du tan du royaume, d'acheter des cuirs ailleurs qu'aux halles, d'accaparer les cuirs verts, défense aussi aux cordonniers de vendre des cuirs non travaillés. L'industrie ne s'en porta pas

mieux, témoin une requête de 1731 qui fait constater que trois tanneurs dijonnais ne travaillent pas faute de cuirs.

En fin de compte, les tanneurs essayèrent d'obtenir des statuts, ils y réussirent en 1733 et ces statuts furent homologués l'année suivante. Ils eurent alors le droit. d'élire eux-mêmes leurs jurés; les bourreliers et les cordonniers ne devaient vendre le cuir que dans les objets fabriqués par eux les étrangers hors du ressort du Parlement qui achetaient des cuirs à Dijon devaient les déclarer au bureau des jurés et acquitter les droits de « demi marque ». En ce qui concerne la confrérie, les tanneurs voulant entretenir le vœu fait en 1598 par leurs prédécesseurs à l'image de la Décollation de saint Jean-Baptiste, patron de leur corps, dont la fête se célébrait le 29 août en l'église Saint-Philibert, décident que le dernier maître reçu entretiendra à ses frais les deux gros cierges qui brûlaient devant cette image depuis 1580.

De nouvelles plaintes s'élevèrent bientôt et se traduisirent par cette requête adressée à la mairie en 1765.

Supplient humblement les marchands tanneurs de cette ville et disent que leur communauté qui était autrefois composée de 35 maistres fabricants, se trouve aujourd'hui réduite à six qui sont chargés de 51.900 livres de capitaux, pour raison des différentes finances faites au roy, qui depuis plus de quatre ans vient de leur supprimer les charges de prudhommes et controleurs qui servaient à acquitter leurs intérêts, sans que depuis ce temps ils aient pu toucher un sol en capital et intérêts, de sorte qu'ils sont obligés de prendre sur leur travail et sur leurs propres fonds pour payer les intérêts qu'ils doivent à différents créanciers... Les cordonniers et autres vendeurs de cuirs, jusqu'à des fayanciers, se donnent la liberté de faire des enharremens de cuirs en poils qu'ils vendent aux étrangers... Pour faire cesser ces étranges abus, les supplians se sont assemblés le 5 de ce mois (mars 1765) et ont délibéré que vous serez suppliés, Messieurs, de leur accorder les statuts qu'ils ont fait rédiger en 19 articles qui sont ci-joints.

Ces derniers statuts furent signifiés aux corroyeurs, chamoiseurs, cordonniers, savetiers, bourreliers, selliers et aux jurés des hôteliers-cabaretiers qui donnèrent leur assentiment avec une rare promptitude et qui dénonce bien la gravité de la situation; en effet, ils furent enregistrés à la Chambre de police, le 23 mars; en voici un résumé : Deux jurés seront élus annuellement ; l'assemblée aura lieu chez l'ancien juré et se composera d'au moins trois (sic) membres. L'apprentissage sera de deux ans, le service comme ouvrier de deux ans aussi; l'aspirant paiera un droit de trois cents livres et fera comme chef-d'œuvre quatre cuirs de vaches, une douz. de veaux et deux douz. de moutons; les fils de maîtres produiront simplement un certificat de capacité; les veuves pourront continuer, mais ne prendront point d'apprentis. Les tanneurs exportant à l'étranger feront aux jurés la déclaration des cuirs exportés et en paieront les droits comme cuirs tannés. Défense aux étrangers d'importer des cuirs qui ne soient secs, bien tannés et « labourés » ; ils ne pourront les vendre qu'aux halles après expertise et paiement des droits de six sols par douz. de cuirs de bœufs, quatre sols par douz. de cuirs de vaches et d'échines, et un sol par douz. de cuirs de veaux et de moutons. Tous les cuirs reçus seront marqués du fer aux armes de la ville. Les cuirs dijonnais porteront la marque personnelle du fabricant. Défense aux corroyeurs, cordonniers, etc. d'empiéter sur la profession des tanneurs. Les maitres et marchands seront suffisamment approvisionnés pour satisfaire à toutes demandes des cordonniers. Les juréstanneurs auront droit de visite chez les corroyeurs. Les cordonniers recevant des cuirs étrangers ne pourront s'en servir que s'ils sont marqués aux armes de la ville par les jurés-tanneurs (1).

(1) Nous n'avons pas rencontré d'exemplaires imprimés de ces sta

Avec ces statuts amplement protecteurs, et le petit nombre des tanneries, il semble que la profession aurait pu se relever; il n'en fut rien. D'abord dans la rédaction précipitée des statuts, un oubli, volontaire ou non, avait été fait en ce qui concerne la bonne façon des cuirs. En gens peu soucieux de l'avenir les tanneurs profitèrent de cet oubli pour préparer leur cuir « à l'orge ». C'était un travail nuisible, d'une part, à la qualité des cuirs et, d'autre part, un préjudice à l'alimentation par l'emploi d'orge retiré du marché. C'est surtout cette dernière considération qui contribua, en 1772, à faire rendre une ordonnance pour exclure l'usage de l'orge dans la tannerie. Ce genre de fabrication fut donc interdit et on accorda un délai de six mois pour l'écoulement des cuirs à l'orge, de plus il fut enjoint aux officiers de police de se transporter au moins quatre fois par an chez les tanneurs pour surveiller leur fabrication - et saisir tous les cuirs préparés à l'orge; des experts, nommés pour ces visites, devaient assister les officiers de police.

CORROYEURS (1).

PATRONAGE: saint Roch.

ARMOIRIES: De sable, à deux lunettes de corroyeur
d'argent posées l'une sur l'autre.

En principe, le corroyeur reçoit du tanneur les cuirs pour les mettre à point et rendre propres au travail; ordinairement ces deux professions sont exercées par le même industriel; il n'en était pas ainsi autrefois, elles

tuts; cependant, en vue de leur publication, les anciens statuts et règlements des tanneurs, antérieurs à cette époque, furent imprimés chez Hucherot en 1765, pour être présentés à l'assentiment des corporations intéressées.

(1) Arch. munic., G. 57, 58.

étaient distinctes et avaient chacune leurs ordonnances à Dijon. Elles leur furent données en même temps, 1418, et toutes deux calquées sur celles rendues à Troyes en 1409. Ces premières ordonnances des corroyeurs furent enregistrées au cartulaire des métiers à la date de 1454.

Ordonnances sur le mestier de Courroyeurs de cuirs.

A tous ceulx qui ces présentes lectres verront, Jacques Bonne, escuyer, mayeur de la ville et commune de Dijon, les eschevins et conseillers de lad. ville...... avons receue la supplicacion et requeste des maistres et ouvriers dud. mestier de courroyeurs de cuirs cy-après nommez, contenant en effect que naguères leur a esté fait commandement de par nous que eulx et chacun d'eulx aient un fer pour marquer et seigner les cuirs et ouvraiges qu'il par eulx seront composez et ouvrez de leur mestier afin de congnoistre et savoir se lesd. cuirs et ouvraiges seront bien et loyaulment faiz au prouffit de ceulx à qui ils seront, et que se faulte y estoit trouvée, cellui qui auroit faicte la faulte ne le peut nyer, mais soit congneu l'ouvraige par l'apportacion que en feroit led. fer el marque.... Considérans en oultre que depuis que ung cuir seroit bien et loyaulment tanné et estoit mal courroyé et conduit en sa graisse, plusieurs simples gens en pourroient estre déceuz. Pour remédier esquelles choses.... avons fait et faisons par ces présentes, les provisions et ordonnances sur led. mestier en la manière cy-après déclairée :

I. PREMIÈREMENT. Que aucun ouvrier dud. mestier de courroyeur ne pourra doresenavant lever ne tenir en lad, ville ne es feurbourgs, ne faire lever, ne faire tenir ouvreur, se non qu'il soit ouvrier dud. mestier. Et pour savoir et congnoistre se sera tel, lorsqu'il vouldra devenir et estre passé maistre, se tirera le compaignon ou ouvrier devers le maistre juré et visiteur dud. mestier pour l'année que sera, et lui requerra qu'il le veulle recevoir à faire son épreuve et chief d'euvre. Lequel maistre le recevra à ce et lui baillera à ouvrer et courroyer en l'ouvreur et hostel dud. maistre et en sa présence, se présent y

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