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vente de la Menarsiana faite à La Haye en 1720, tandis qu'ils sont presque tous dans le catalogue de la vente Soubise. Par exemple, pour ne citer que la section des Bibles Latines: Schoiffer, Mayencc, 1462 (1); Jenson, Venise, 1476; Rob. Estienne, Paris, 1532, 1545, 1546; Goin, Anvers, 1540; Gryphius, Lyon, 1550; Benedict, Paris, 1563; Rome, 1590; Hanovre, 1603; Plantin, Anvers, 1650; Martin, Paris, 1656; Vitré, Paris, 1662 et 1666; Francfort (interpr. Sebast. Castalion), 1697; Schmidt, Strasbourg, 1697, toutes relevées ici exclusivement sur les additions manuscrites menarsiennes, correspondent aux nos 80, 83, 86, 89, 91, 92, 94, 96, 100, 112, 101, 105, 106, 107, 111, 115 du catalogue Soubise de 1788.

VIII

RÉCAPITULATION

C'est de Christophe de Thou, premier président au parlement de Paris, mort en 1582, que JacquesAuguste Ier, son plus jeune fils, tenait ce grand amour de l'histoire et des beaux livres. Christophe avait réuni un nombre considérable de documents en vue d'une

(1) Un des catalogues Soubise annotés porte en marge de cet important article la note suivante : « 2 vol. in-fol., vélin. Cet exemplaire est bien conservé et relié en maroquin, à compartiments. C'est l'exemplaire de Colbert. Il y avait dans le 2 vol. une page blanche ou moisie rétablie à la plume, imitant parfaitement l'impression; acheté [par un nommé Gibert] pour l'Electeur palatin, 3,900 francs. >> Le catalogue de la Colbertina cite sous le n° 40, « Bibliorum sacrorum prima editio, Moguntiæ, 1462, 2 vol. Exemplar in membrana exusum. mar. » (Vendu 3,000 francs). Ce beau livre serait donc entré dans la bibliothèque Soubise après 1728.

Selon Gustave Brunet, le cardinal de Rohan aurait acheté un autre exemplaire de cette Bible sur vélin en 1738, 2,000 livres seulement, et ce serait celui du comte d'Hoym. C'est un point à vérifier.

histoire de France qu'il commença d'écrire, dit Moreri, et les cinq volumes précieux dont Grolier lui fit hommage (1) témoignent de ses goûts de bibliophile.

En 1573, à l'âge de vingt ans, Jacques-Auguste, qui se destinait à l'Eglise, malgré sa répugnance pour cet état (2), vint loger dans le cloitre Notre-Dame chez son oncle Nicolas de Thou, alors chanoine de cette église. C'est là que fut commencée la bibliothèque que, dès 1574, au cours de ses voyages en France, en Italie et dans les Pays-Bas, il enrichit de livres rares (3).

Lorsqu'on éleva Nicolas de Thou à la dignité d'évêque de Chartres, il résigna ses bénéfices en sa faveur. Mais, dit Blanchard, après la mort de Jean de Thou et celle de Christophe-Auguste de Thou, frères de Jacques-Auguste,

(1) Voir les lettres de J.-A. de Thou Ier à Dupuy concernant ces livres, dans Le Roux de Lincy, Recherches sur Jean Grolier; Paris, 1866, p. 92. Inutile d'ajouter que nous avons soigneusement examiné le 17,921 et tous les autres catalogues thuaniens, dans l'espérance d'y rencontrer une mention de l'exemplaire de la traduction latine d'Hippocrate par Calvus, Rome, 1525, in-folio, offert par Grolier à Christophe de Thou, vers 1562, espérant que son fils ou son petit-fils avait pu le retrouver; mais en vain. Quant au livre même, le lecteur n'ignore pas qu'il a été détruit avec la bibliothèque du Louvre, en 1870. Nous sommes une des dernières personnes qui aient travaillé sous la Commune dans cette somptueuse bibliothèque.

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(2) L'évêque de Chartres assura que quand son neveu fut pourvû d'une charge de conseiller-clerc, il n'avait pris ce qu'on appelle les quatre Moindres, que par obéissance aux volontés du premier Président, et que du vivant de son père il avoit souvent témoigné sa répugnance pour cet état. » Nos renseignements biographiques sont empruntés pour la plupart aux Jac. Aug. Thuani Comment. de vita sua, placés en tête de l'édition de 1620 de l'Historia sui temporis, et traduite en français [par Le Petit et d'Ifs], Amsterdam, 1711, in-4°. C'est cette traduction et édition que nous citons.

(3) A Venise il s'occupa dans les boutiques des libraires, et y trouva entre autres plusieurs livres fort rares en France, dont il enrichit sa bibliothèque qu'il avoit déjà commencée.... A Lyon, il acheta bien des livres de Jean de Tournes et de Guillaume Roüillé... A Anvers, il alla chez Christofle Plantin... » Mémoires, pp. 32, 34, 37.

celui-ci se fit relever de ses vœux (1584) et il accepta de Henri III une charge de maître des requêtes. L'année suivante, cédant aux désirs de sa mère, veuve alors depuis trois ans, et qui souhaitait de l'avoir auprès d'elle, il quitta le cloître Notre-Dame pour l'hôtel de la rue des Poitevins. Son premier soin fut d'y faire transporter sa bibliothèque, devenue déjà très nombreuse (1).

En 1587, sa mère, peu de temps avant de mourir, lui fit donation par testament (2) de la maison paternelle, qu'il ne cessa plus d'habiter.

Nous croyons utile de résumer à cette place, par des chiffres, le développement de la bibliothèque thuanienne. Elle contenait :

En 1617, selon le catalogue 10.389, environ 6.600 volumes.

En 1643, selon le P. Jacob de Saint-Charles, environ 8.000 volumes.

En 1653, selon Boulliau (lettre à Storino), environ 11.000 volumes.

Vers 1656, selon le catalogue 879-80, environ 12.545 volumes.

En 1659, selon Boulliau, pas moins de 13.000 volumes. Après 1662, selon le catalogue 17.919-20, environ 12.883 volumes.

En 1679, selon le catalogue de Quesnel, environ 13.178 volumes.

(1) Op. cit., p. 12.

(2) La fortune venait de son côté. « Christophe de Thou espousa une demoiselle nommée Jacqueline Tulleu, fille unique, qui lui apporta de grands biens. » Estienne Pasquier, Lettres, Paris, 1586, in-4, f. 216.

On ne connait pas les noms des premiers bibliothécaires thuaniens. Sur le point de mourir, le grand de Thou confia le soin de sa collection, tant de livres que de manuscrits et de médailles, à Pierre Dupuy, qui, né le 27 novembre 1582, a pu le seconder dans ce travail dès la première décade du XVIIe siècle. Son frère Jacques Dupuy, de quatre ans plus jeune, s'en occupa aussi, comme le prouvent les nombreuses fiches qui sont de sa main. Ils demeurèrent ensemble dans l'hôtel de la rue des Poitevins vingt-neuf ans à dater de la mort du célèbre historien ; c'est-à-dire jusqu'en 1646, et ne cessérent d'aider de leurs conseils son dernier fils survivant et héritier (1).

Mais ces deux érudits étaient des personnages en quelque sorte, cousins de Jacques-Auguste de Thou (2) et, conséquemment, plutôt des amis personnels que des salariés. L'aîné, Pierre, avocat en parlement, devint conseiller du roi en son conseil d'État, et il figure parmi les Hommes illustres de Perrault; l'autre, Jacques, fut titulaire de l'important prieuré de Saint-Sauveurlès-Bray. Ils possédaient en outre une certaine fortune, puisqu'on les voit dépenser 20.000 écus à se former une bibliothèque (3). Enfin, ils succédèrent conjointe

(1) Hanc Bibliothecam non degener hæres Jacobus etiam Augustus Thuanus Præses, et in Belgio Legatus Regius cum Puteanis qui, in ædibus Thuanus per annos undetriginta ab obitu patris hujus habitarunt, communi cura etiam officiosissimè servavit, amplificavit, nec solum hæreditatis quodam, sed proprio ac peculiari affectu studiosos omnes fuit complexus... » Préface de Quesnel, p. 9.

(2) La mère des Dupuy était Claudie Saugain, fille de Barbe de Thou sœur de Christophe et tante du grand historien.

(3) Delisle, ubi supra. En outre, par acte notarié du 5 sep. 1653, de Thou IIe se reconnaît être débiteur envers Jacques Dupuy de plus de 30,000 livres. Thoisy 124, fo 35.

ment à Nicolas Rigault, en 1645, dans la charge de garde de la Bibliothèque du roi.

Entre temps vint Ismaël Boulliau. Né protestant, il avait abjuré et avait été promu à la prêtrise depuis six ans, lorsque François de Thou l'accueillit avec amitié dans l'hôtel de la rue des Poitevins dès 1636 (1). A ses heures, il s'occupa de la bibliothèque et en rédigea même le catalogue dans l'année 1653, mais sans enthousiasme (2). Quoi que connu surtout comme mathématicien et astronome, Boulliau connaissait bien les livres, ainsi qu'en témoigne une lettre de Jacques-Auguste de Thou IIe à Mazarin, du 7 mars 1658, dont nous détachons le passage suivant :

Je me trouve bien heureux d'avoir eslevé une personne dans nostre maison, que Vostre Eminence aye jugé capable d'avoir la conduite et gouvernement de la plus nombreuse bibliothèque de l'Europe en toutes sortes de langues et de sciences, et que Mr. Boulliau soit celuy que V. E. a honoré d'un choix si glorieux et advantageux. Et j'ose dire à Vostre Éminence qu'il n'y a qu'elle seule qui eust été capable de lui faire quitter le recueil de livres qui est dans la maison de son très obéissant serviteur.

Pour la cognoissance des livres et des langues, il en a certainement, mais ce dont je prétends répondre à V. E., c'est d'une très constante et très asseurée fidélité (3).

(1) Dans une lettre de Boulliau à Constant L'Empercur, du 25 juin 1641, il lui dit : « Depuis cinq ans j'ay l'honneur de demeurer chez M. de Thou [François] avec son frère l'abbé de Bonneval [JacquesAuguste]. Ms. fr. 13,042, fo 212. Il accompagna ce dernier comme premier secrétaire d'ambassade à La Haye en 1657. On a une lettre de lui remerciant de Thou avec effusion de ses bontés. (Ms. fr. 13,026, fo 94).

(2) Lettre à Christophoro Storino, supra, VI, p. 12.

(3) Lettre citée par M. Alfred Franklin, Histoire de la Bibliothèque Mazarine, 2e édition, 1901, p. 117. Voir aussi, ms. fr. 13,027, fo 121, lettre de Boulliau du 12 avril 1658.

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