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critique étudie avec sagacité les difficultés de tout travail bibliographique, et l'impossibilité matérielle qui s'oppose à la rédaction d'une bibliographie générale ou universelle.

Dans le Bibliophile français, publié par BachelinDeflorenne, tome I (1868), p. 5-16, se trouve une notice de Jules Janin sur Brunet. Elle est écrite brillamment, mais elle ne nous apprend rien de particulier sur le bibliographe et ses travaux. Elle est accompagnée d'un portrait. On lira avec plus de profit, aux pages 119-130, 197-208 et 266-271 du même volume, trois articles de Le Roux de Lincy rendant compte de la vente des collections formées par Brunet.

Les amateurs raffinés goûteront le charme tout spécial des lignes émues et agréablement ciselées, écrites à la même occasion par Silvestre de Sacy pour le Bulletin du Bibliophile (1868, p. 249-258). L'éminent collaborateur du Bulletin a aussi inséré une courte note nécrologique sur Brunet dans le Journal des Débats du 17 novembre 1867. Cette note a été reproduite par Le Roux de Lincy dans le catalogue de la vente (1re partie, p. XXIX). Elle ne fait nullement double emploi avec le compte rendu que S. de Sacy avait donné, longtemps avant, dans le Journal des Débats et qui a été réimprimé en tête du tome II (1861) du Manuel de Brunet.

prendre la place éminente qu'il occupe à la tête des bibliographes. M. Brunet possède encore [en 1863] le manuscrit... Ce n'est pas M. Brunet lui-même, c'est un de ses amis, M. Parison, qui se chargea de la tâche délicate de mettre les Mémoires de madame d'Épinay en état d'être imprimés... M. Brunet a pris lui-même une grande part à ce travail... » (Mémoires de madame d'Épinay, publié par P. Boiteau. Introduction). Brunet dans sa Notice sur Parison avait attribué à ce dernier tout le mérite de cette édition. - Cf. Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. II (3o édition), p. 207.

J'ajouterai que, du contexte de la Préface anonyme de l'édition de 1818, il résulte clairement que cette Préface a été écrite par Brunet.

Pour terminer je dois rappeler que Dibdin ne manqua pas de rendre visite à Brunet quand il vint à Paris en 1818. Le bibliographe préparait alors la troisième édition de son ouvrage. Dibdin nous a donné, en cinq pages, le récit de la visite qu'il fit à l'auteur du Manuel, alors établi libraire, rue Gît-le-Cœur. Ce récit, ainsi que la conversation qu'il rapporte, sont assez curieux (1).

Jacques-Charles Brunet, né à Paris le 2 novembre 1780 est mort dans la même ville le 14 novembre 1867. Non content des augmentations et des améliorations qu'il avait introduites dans sa cinquième et dernière édition, il avait, postérieument à la publication de celle-ci, rédigé parait-il un assez grand nombre de notes qui n'ont pas été retrouvées. Elles eussent peut-être été précieuses pour les auteurs du Supplément (1878-1880, 2 vol. in-8) qui est malheureusement, malgré la bonne volonté des auteurs, tout à fait insuffisant.

(A suivre).

PAUL LACOMBE.

(1) Voyage bibliographique, archéologique et pittoresque en France, par le Rev. Th. Frognall Dibdin (Paris, Crapelet, 1825, 4 vol. gr. in-8), t. IV, p. 84-88. Le traducteur, G.-A. Crapelet, a pris soin de rectifier dans d'excellentes et trop rares notes celles des assertions du voyageur qui lui ont paru offrir de graves erreurs. Il est à regretter que Crapelet n'ait pas multiplié davantage ses rectifications et ses observations.

Cette citation est pour moi l'occasion de faire un grand Meâ culpâ : parmi tant de lacunes que l'on peut remarquer dans la Bibliographie parisienne (Tableaux de mœurs) que j'ai publiée en 1887, je constate celle de la description du Voyage de Dibdin. C'est une grave omission; un critique me l'a très amicalement reprochée. Je me la reproche bien plus sévèrement, celle-là, ainsi que beaucoup d'autres.

Da veniam scriptis, dirai-je avec Brunet, qui a emprunté à Ovide deux vers charmants pour les placer, en épigraphe, en tête de son Manuel.

LES DE THOU

ET LEUR

CÉLÈBRE BIBLIOTHÈQUE

1573-1680-1789

(D'après des documents nouveaux,)

(Suite)

VI

SECONDE SÉRIE DE CATALOGUES THUANIENS

Les anciens catalogues que nous venons de décrire, outre d'importants renseignements bibliographiques, fournissent les données essentielles, comme point de départ, pour tracer le développement de cette célèbre bibliothèque. Ceux qu'on dressa quand Jacques-Auguste de Thou II, seul héritier måle survivant du célèbre historien, fut entré en possession nous conduiront jusqu'à l'évolution définitive, - par autorité de justice, — de la Bibliotheca Thuana.

Dans cet ordre d'idées, le premier catalogue qui après un laps d'au moins vingt-sept ans, suivit le 10,389 est le Dupuy 879-880; ainsi que le prouve la lettre précitée de Jacques Dupuy à Bouchard.

Ce catalogue consiste en deux très forts volumes in

folio faits de fiches originales, montées sur papier des deux côtés de la feuille, au nombre de six mille cinq cent quarante articles pour le tome Ier et de six mille cinq pour le tome II; en tout, 12,545 ouvrages, auxquels il convient d'ajouter six feuillets consacrés à des titres de pièces de musique (1).

C'est l'œuvre combinée de Pierre Dupuy, Jacques Dupuy et Ismaël Boulliau (2). Cette fois, la forme alphabétique a été adoptée: fait qui dénote l'intention de dresser un inventaire, plutôt que de faciliter les recherches des érudits, comme dans le 10,389 et ses dérivés.

Ces fiches, d'époques et d'écritures différentes, ont été classées et collées toutes en même temps. Il ne s'y trouve pas de livres imprimés après 1644 (3).

Au verso d'un feuillet blanc du tome I, on remarque la note suivante, d'une autre écriture :

Ce catalogue de la Bibliothèque de Mr. de Thou en deux volumes a esté décrit aussi depuis en 2 vols. par M. Dupuy, et mis au net et beaucoup augmenté. Ils sont présentement entre les mains de Monsieur le Marquis de Menars (4), qui possède cette illustre Bibliothèque depuis l'année 1680, et qui l'a enrichie de plusieurs livres très bons et très rares. Ce 24 mars 1688 (5).

Nous ne savons si ce Dupuy est Pierre, décédé le

(1) Le P. Louis-Jacob de Saint-Charles, écrivant de visu en 1644, dit : « Cette bibliothèque possède plus de 8.000 volumes des plus rares et curieux, qui ont été recherchez dans l'Europe avec une despense excessive, lesquels sont reliés en maroquin et veau dorez. » Op. cit., p. 566. Le savant carme se trompait de plus d'un tiers.

(2) Léon Dorez, Catalogue de la collection Dupuy; Paris in-8, 1899, t. II, p. 635.

(3) Au tome I, fo 68, v., on remarque un livre daté de 1688, mais par erreur, car c'est l'ouvrage de N. Fabricio Boderiano, imprimé à Paris en 1588.

(4) Ce catalogue n'a pu être retrouvé.

(5) Léon Dorez, ubi supra.

14 décembre 1651, ou bien son frère cadet, Jacques, prieur de Saint-Sauveur-lès-Bray, mort le 16 novembre 1656. De toute façon, le 879-880, que nous venons de décrire, donne la liste apparemment complète des livres que contenait la bibliothèque thuanienne au milieu du XVIIe siècle, liste qui accuse une augmentation du double environ sur le 10,389 et ses dérivés. Ajoutons qu'elle indique aussi un surplus de 1500 à 1800 volumes sur l'année 1653, comme on le verra par la suite.

Nous notons dans une lettre écrite par Boulliau, de Paris, le 11 juillet 1653, à un de ses correspondants nommé Christophoro Storino, qu'à cette date, il avait presque terminé, « non sans dégoût et ennui », un catalogue de la bibliothèque thuanienne rédigé avec les titres des divisions et matières, en respectant la suite des auteurs (3). C'est-à-dire un catalogue méthodique, qu'on ne saurait confondre avec le 879-880 précité. A notre sens, c'est celui que Quesnel désigne dans le titre du sien propre comme étant « secundum scientias et artes à clariss. vero Ismaele Bulliado digestus. >>

Cette lettre renferme en outre l'intéressant détail que le 11 juillet 1653 la bibliothèque des de Thou contenait onze mille volumes et huit cents manuscrits. (1)

Jean-Henri Bocler, l'un des plus grands érudits de l'Allemagne et de son temps, avait donné une lettre de recommandation à deux personnes du Brunswick pour

(1) « Catalogo scilicet Thuanæ Bibliothecæ per professionum et materiarum titulos digerendo, servata auctorum serie, amplissimæ equidem Bibliothecæ noscendæ, quæ voluminum impressorum undecim millibus, manuscriptis vero octingentis constat opus utilissimum at extra fastidium ac tædium nulli absolvendum, ad finem prope perduxi. » Ms. fr., 13,043, fo 147.

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