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de son modèle; mais il a surtout contre lui le procédé en vogue alors, qui veut que les visages ne soient faits qu'à l'aide de teintes uniformes excluant entièrement le modelé. C'est un procédé barbare, et d'autant plus étrange que l'enlumineur qui l'emploie sait admirablement draper les étoffes et faire jouer la lumière dans les ornements. Il y a donc là une lacune considérable de plusieurs siècles, pendant lesquels les portraits ne sont à vrai dire que des essais. Saint Louis est l'un des personnages dont on a le plus souvent voulu reproduire les traits, non pas peut-être de son vivant, mais dans les cinquante années qui ont suivi sa mort. Cepen dant nous n'avons de lui aucun portrait qui soit absolument authentique (1).

Ce n'est, en réalité, que vers le milieu du XIVe siècle qu'on commence à trouver en France de véritables portraits au sens moderne du mot. Il n'en serait pas moins fort intéressant de recueillir tous les essais de l'époque antérieure. En les groupant et en les juxtaposant on parviendrait peut-être à en dégager pour chaque personnage connu de notre histoire un type qui pourrait en quelque façon suppléer au défaut de portrait véritable. C'est là un travail qui nécessiterait de longues recherches et une grande prudence. Il ne s'agit point ici de dresser une liste des portraits que nous a légués le moyen âge, non pas même de tous ceux que nous montre l'Exposition de la rue Vivienne je voudrais seulement en signaler quelques-uns parmi ces derniers, sans m'interdire

(1) Voir Aug. Longnon, Documents parisiens sur l'iconographie de saint Louis (Publications de la Société de l'Histoire de Paris), 1881; Salomon Reinach, Portraits présumés de saint Louis et de sa famille (Gazette des Beaux-Arts, 3o période, t. XXX, p. 177-188) et Le Musée chrétien dans la chapelle de Saint-Louis au château de SaintGermain-en-Laye (Revue archéologique, 1903, t. II, p. 262-301).

toutefois d'une façon absolue certains rapprochements avec d'autres œuvres qui ne figurent point dans les vitrines de la Bibliothèque nationale.

Les plus anciens portraits que nous y trouvions sont ceux du roi Philippe le Hardi et de Primat, moine de Saint-Denis (1), antérieurs par conséquent à 1285. Il est à remarquer que tous les personnages de ce tableau, y compris le roi, portent la barbe. Malgré l'intérêt que présente cet essai, nous ne pouvons en tirer des données bien nettes sur la physionomie du fils et successeur de saint Louis. Pour cette même époque, on possède, dans un manuscrit que le manque de place n'a pas permis d'exposer, de meilleures représentations de Marie de Brabant, femme de Philippe le Hardi, de Blanche, fille de saint Louis et veuve de Ferdinand de Lacerda, de Jean II, duc de Brabant encore enfant, de Robert II, comte d'Artois, et enfin du ménestrel très connu, Adenet le Roi (2). Mais là même le modelé fait presque entièrement défaut. Il n'apparaît pas encore dans le portrait de Jeanne, comtesse d'Eu et de Guines (fig. 3), qui est exposé dans une des vitrines contenant les manuscrits de la Bibliothèque de l'Arsenal (3). Ce portrait est daté de 1311; mais il est dans la pure tradition du XIIIe siècle, qui se continuera longtemps encore dans le XIVe. Au

(1) Bibl. Sainte-Geneviève, ms. no 782 (Catalogue des Primitifs français, 2 partie, n° 9). - Cette miniature a été reproduite en tête du t. XXIII du Recueil des Historiens de la France.

(2) Tous ces portraits, qui se trouvent dans le ms. de l'Arsenal no 3142, ont été reproduits et étudiés récemment. Voir Henry Martin, Cinq portraits du XIIIe siècle, dans le Recueil de Mémoires, publié par la Société des Antiquaires de France à l'occasion de son Centenaire (1904), p. 269-279, avec une planche.

(3) Bibl. de l'Arsenal, ms. no 6329 (Cat. des Primitifs français, 2e partie, no 221). J'ai étudié ce portrait dans Notes pour un « Corpus iconum » du moyen âge Mémoires de la Société des Antiquaires de France), 7o série, t. Ier (1902), p. 23-51.

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PORTRAIT DE JEANNE, COMTESSE D'EU ET DE GUINES (1311)

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