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l'autre bord du lac, est le bourg d'Aix célèbre par les eaux alumineuses et souffrées qui attirent tous les ans quantité de malades de toutes les provinces voisines.

Il y reste des monuments et des inscriptions romaines qui font voir que ce lieu a été autrefois considérable. L'Ecurie du Château est le reste d'un vieux temple. Je ne m'arrêtai pas à transcrire les inscriptions, parce que le chevalier Guichenon les a données dans son histoire généalogique de la Maison de Savoye quoique peu exactement.

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Les Etats du duc de Savoye au deça des monts sont divisés en sept petites Provinces: la Savoye, le Genevois, le Faucigni, le Chablais, la Maurienne et la Tarentaise.......

« Le Genevois est un assez beau pays; et si le Duc de Savoye avait la ville de Genève, il aurait un état assez considérable deça les monts, cette ville étant d'un grand commerce pour être la clef de la Suisse et de l'Allemagne. Elle est située sur le bord d'un grand lac. L'évêque qui en fut chargé quand cette ville quitta la religion catholique, s'établit depuis à Annecy qui est une petite ville placée sur le bord d'un autre lac à qui elle a donné son nom. Elle a été longtemps l'apanage des ducs de Nemours jusqu'à ce que par le défaut de måles elle a été réunie au domaine des Ducs de Savoye. Saint François de Sales l'un de ses évêques l'a rendue considérable par sa sainteté et le concours qu'on faisait à son tombeau célèbre par un grand nombre de miracles, s'est beaucoup accrû depuis sa canonisation. Ses reliques reposent sur le maitre autel des Dames religieuses de la Visitation dans un grand reliquaire d'argent où à travers les christaux, on voit l'image de ce saint vêtue des habits sacerdotaux avec la mitre et la crosse à ses côtés. Ses ossements sont couvers de cette représentation et l'on peut baiser le crane de sa tête par une petite ouverture pratiquée dans ce reliquaire.

Cette ville est encore illustre pour avoir été le premier berceau de l'Institut de la Visitation fondé par ce saint. Il y en a deux monastères, en cette ville, parce que les premières filles qui lui avaient donné commencement ayant été du vivant du St. fondateur transféré au lieu où est à présent le premier et grand monastère, pour conserver cependant le lieu que ces filles avaient sanctifié par leurs premiers essais, et où elles avaient reçu leurs règles de leur bien heureux père, en ont fait un second monastère qui n'est que le soixante cinquième de l'Institut selon l'ordre de son établissement.

Le Chablais est un assez agréable pays pour être en partie sur l'une des rives du lac de Genève, vis-à-vis le pays de Vaud qui était autrefois aux Ducs de Savoye, mais qui ayant été engagé au canton de Berne, est demeuré entre les mains des Suisses.

« Je ne dirai rien ni du Faucigni ni de la Tarentaise, dont je n'ai vu que la pointe des montagnes chargées de neige.

« C'est à l'entrée de la Tarentaise et de la Maurienne que l'on rencontre à deux lieues de Chambéri la citadelle de Montmeillan. C'est une petit eforteresse plantée sur la pointe d'un rocher escarpé qui la rend assez forte, elle est d'un plan irrégulier, accomodé à l'assiette du roc dans lequel les fossés ont été taillés. Elle a des bastions et des tenailles de bonne défense, avec quelques bas forts, et des sources d'eau dans les fossés. Elle parait commandée d'une montagne assez proche

a

où l'on a autrefois porté du canon pour dresser des batteries; et quoiqu'on ait pris soin de ruiner ces endroits il n'est pas impossible d'y en pratiquer d'autre. La Maurienne est le paysage le plus ordinaire de France en Italie; il semble qu'elle ait eu le nom de la couleur de ses habitants qui sont fort noirs, assez difformes et vêtus d'une manière extravagante. Je parle du paysan et des gens de la campagne. Ce sont les anciens Brannoviciens dont César fait mention en ses commentaires; Braman en était autrefois la capitale, aujourd'hui ce n'est qu'un village. St. Jean de Maurienne est l'unique ville de cette province si l'on peut donner le nom de ville à un bourg qui n'est pas fermé mais qui est siége épiscopal. Il a ce nom à cause de la grande église dédiée à St. Jean Baptiste dont elle a deux doigts dans un reliquaire d'argent qui fait les armoiries du chapitre et de la ville avec cette différence que l'un porte d'azur à un bras d'argent la main levée pour bénir, et l'autre le porte en champ de gueules. A la porte de cette église est un ancien tombeau des trois premiers comtes de Maurienne Humbert, Amé et Boniface, à qui les chanoines ont fait depuis quelques années une espèce d'épitaphe peinte sur le mur.

Toute cette petite province n'est qu'une chaine de montagnes avec une vallée fort étroite tout le long de laquelle coule l'Arc, rivière très rapide que l'on passe quinze ou seize fois sur divers ponts. A l'entrée de cette vallée est Argentine qui est le lieu des mines de fer et de cuivre qu'on y fond et qu'on y met en œuvre, en faulx, clouds, carreaux d'acier et fil de fer, que l'on envoye en France.

Au fond de la Maurienne on trouve le Mont-Cenis qui sépare la Savoye du Piémont; on le passe ordinairement sur des mulets, pour soulager ses chevaux et pour plus de sûreté. Au-dessus est une plaine de deux lieues et un lac sur lequel on donna à Madame Royale Chrétienne de France l'an 1619 le 12 de décembre le divertissement d'une naumachie et d'une armée navale qui représentait le siége et le secours de la ville de Rhodes. Ce fut quand cette princesse passa cette montagne la première fois pour aller à Turin après son mariage avec le prince Victor Amédée......

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Quel coup d'œil depuis ma fenêtre! La Méditerranée étend sa nappe grise et verdâtre, bornée à l'horizon par une ligne d'outremer qui se détache en force sur un ciel voilé de nuages blancs. Le port infléchit les cornes de son croissant pour étreindre les navires entre deux bras forts contre la tempête. On remarque peu de grands bâtiments deux ou trois frégates étrangères seulement dorment au pied du môle, comme dorment les lions, en entr'ouvrant les yeux de leurs sabords; mais les bricks, les goëlettes et les tartanes se pressent autour des ponts de débarquement, et tracent dans les airs un lacis inextricable de mâts, d'antennes et de cordages.

Si l'on ne m'avait dit que j'étais en face du port franc, je n'aurais eu nulle peine à le deviner. C'est un tapage dont on pourrait se procurer une représentation affaiblie en faisant exécuter par cinquante tams-tams l'ouverture du Cheval de bronze. Les facchini et les matelots rivalisent de hurlements; les camions chargés de denrées coloniales font gémir les dalles; un débordement de cris et d'injures s'exhale dans tous les dialectes méditerranéens; et, par-dessus tout cela, le petit chemin de fer qui relie la gare au port franc envoie à toute heure des trains de marchandises qui font un vacarme inouï en se ruant sur les rails. Entre la voie ferrée et le quai s'étend une terrasse extrêmement longue; la partie inférieure est percée d'arcades servant de portiques et de magasins; la plate-forme, en dalles de marbre blanc comme le parapet, constitue une promenade fort goûtée des étrangers. Au premier moment, on reste ébahi devant cette prodigalité de marbre blanc; il a fallu sans doute épuiser une carrière pour construire une terrasse d'une pareille longueur. Mais on finit par s'habituer à un tel luxe; le marbre apparaît partout à Gênes l'hôtel le plus modeste a son grand escalier de marbre, et beaucoup d'édifices n'ont pas d'autres matériaux de construction.

Et si vous en voulez une preuve, entrons dans l'église de l'Annonciade, une des plus grandes et des plus riches. L'extérieur offre un portique composite orné de six épaisses colonnes de marbre blanc. La grande nef est séparée des bas-côtés par de hauts piliers dont les quatre faces de marbre blanc sont cannelées et incrustées de bandes rouges. Des marbres multicolores, et en particulier un rouge superbe, miroitent au pavé, dans les chapelles, à la balustrade du chœur. Il s'y joint un chatoiement de dorures, de bronzes polis, une suite de fresques aux couleurs flamboyantes, un éclat méridional au suprême degré. Cette richesse vous écrase, vous éblouit; les détails absorbent l'attention, et ce n'est que plus tard que l'on est impressionné par les proportions grandioses de l'édifice. J'avoue que je professe une admiration très modérée pour de pareils monuments. Combien je préfère nos églises catholiques, où les vitraux tamisent une lueur adoucie qui favorise le recueillement; où la nudité relative des murs de grès, sans rien faire perdre à l'art, permet à la pensée de voyager vers les catacombes, vers les cryptes, vers la grotte de Bethleem! Et puis, les temples grecs ont quelque chose d'éminemment païen leurs grandes lignes, majestueuses, il est vrai, ont le tort de se traîner vers la terre, de s'étendre en largeur comme pour se cramponner le plus longtemps possible à ce monde. Le style ogival, au contraire, marque dans les moindres détails une aspiration continuelle vers les régions supé

rieures. La matière paraît vouloir y devenir un être immatériel, y passer à l'état de pensée religieuse : les colonnes s'amincissent, elles s'élancent en nous montrant le ciel, semblables à ces bienheureux émaciés que peignait l'Ange de Fiésole; elles vont rejoindre des nervures entrelacées là-haut comme pour se donner le baiser de dilection. Un penseur de nos jours a su traduire en quelques mots la différence si marquée des deux styles: Dans le genre grec, dit-il, les colonnes portent l'édifice; dans le gothique, elles l'emportent. » (Sera continué. )

LES DIAMANTS

LOUIS REVON.

PASTICHE SCIENTIFIQUE

D

Il est de ces erreurs issues de l'ignorance et accréditées par les siècles, qui finissent par prendre un air de vérité et faire croire que rien n'est plus vrai qu'elles.

Il est des réputations que l'histoire a transmises, que les temps ont colportées, qui sont si bien assises que les renseignements les plus exacts, que les preuves les plus péremptoires ne sauraient les ébranler.

Au nombre des unes et des autres il faut placer en première ligne les vertus innombrables du diamant.

L'ignorance avait dit que le diamant est le corps le plus dur de la création, le réflecteur le plus brillant, la moins fusible et la plus insoluble de toutes les substances.

Le préjugé s'est chargé d'embellir ce personnage; on l'a taillé en roses, en brillants, et les femmes se sont dit: Je porte à mon oreille la chose la plus dure, la plus brillante, la plus infusible et la plus insoluble de toutes

les choses.

Par ainsi cette chose est devenue la plus précieuse et la plus chère. Et dès ce jour, le mérite des femmes se mesure au poids de leurs diamants.

Il s'agit bien d'orner son intelligence et son cœur... On décore son oreille, on pare son front ou sa ceinture, suivant la mode du moment; on met à se parer toute l'adresse qu'un art aussi restreint peut comporter; et l'homme qui ne devrait demander à la femme que de compatir à ses misères, que de le soulager du poids de la vie, l'homme s'est laissé prendre à l'oreille de diamant, à l'épingle de diamant, à la ceinture de diamant.

Oh! si ces étalages sont l'échantillon de la marchan dise qu'ils recouvrent, le cœur le plus diamanté veut, à coup sûr, avoir l'air d'ètre le corps le plus dur et le plus incombustible.

Eh bien, examinons l'échantillon, analysons ses vertus secrètes ou évidentes, et nous ne tarderons pas à reconnaître l'erreur de nos femmes qui déjà du temps de Cornélie avaient l'impudeur d'ouvrir leur écrin sous les yeux de ceux qui n'en ont que faire.

Le diamant n'est pas ce qu'un vain peuple pense,
Notre crédulité fait toute sa..... valeur.....

Tant pis pour le vers, nous sommes habitués à n'y pas regarder de si près.

C'est le corps le plus dur profonde erreur, et si les anciens le croyaient invincible, on sait aujourd'hui, depuis longtemps déjà, qu'il ne résiste plus au marteau et qu'un lapidaire peut en casser autant que sa bourse ou sa fantaisie peuvent le permettre et le désirer.

On le croyait inaltérable an feu, comme la salamandre; mais la science a fait justice de ces deux vieilles erreurs en même temps, en nous faisant espérer encore qu'elle en démasquera bien d'autres. Le diamant mis dans un creuset au foyer d'un fort reverbérateur, brûle comme le charbon le plus modeste et disparaît en fumée comme de l'eau claire.

Où sont donc ses vieilles vertus? Croyons-nous encore aux charmes et aux amulettes? Quelle peut être la cause qui perpétue sa valeur ?

Pas autre que la faculté de faire bisquer celle qui n'en

a pas.

On dit qu'il réfléchit les rayons lumineux, mais estil seul à jouir de ce privilége, et n'existe-t-il aucune substance qui puisse rivaliser avec lui à jeter feu et flamme?

Si le diamant possède cette singulière qualité, il la partage avec les verroteries de toute espèce, les verroteries qui ont conquis la reine Pomaré, aidées du secours d'une pipe de tabac. Mais encore à l'état naturel il ne la possède pas; c'est la main de l'homme qui la lui donne, et c'est cette même main qui lui suscite des rivaux.

Or, ces rivaux sont sans valeur aucune; il faut être des Indes ou du Brésil pour se présenter dignement quand on se pose en diamant, et quiconque n'a pas fait enregistrer sa naissance dans des paroisses de nègres ou de mogols n'a pas droit à passe-port. Quant au brésilien, il fait comme les parvenus: personne n'est plus vain que lui qui naguères n'était qu'un roturier.

Et pourtant on a vu les seigneurs de la cour, au sacre de Charles X, revêtir la fausse hermine en lieu et place de cette véritable fourrure blanche qui n'a plus de valeur que parce qu'elle devient plus laide que l'autre. On a passé sur toutes les exigences surannées du cérémonial officiel; on a acheté toutes les peaux de chat dont disposaient les marchands de peaux de lapins, et c'est ainsi qu'on s'est soustrait à un usage ruinatif pour le peuple qui alors déjà payait les violons.

Eh bien, faisons-en autant pour les diamants. Adoptons les faux pour faire plier la sottise outrecuidante des véritables.

Puis alors, femmes qui oubliez que vos qualités sont vos plus belles parures, vous penserez moins à votre oreille, moins à votre tour de cou et un peu plus à votre ANTONY DESSAIX.

cœur.

SCENES DES ALPES

POÈME, PAR F. OYEX-DELAFONTAINE

Les disputes des écoles littéraires, si vives naguères, n'ont plus aujourd'hui aucun retentissement; on peut même dire qu'il n'y a plus d'école chacun écrit à sa fantaisie. Une tendance se remarque cependant d'une manière assez prononcée chez certains poètes, c'est celle de chercher leur inspiration dans les détails. S'imaginant que les grandes veines sont épuisées, ils essaient des filons étroits jusqu'alors inexploités. Au lieu de se faire la voix des aspirations de l'humanité, de s'adresser aux passions qui vibrent dans le cœur de tous, ils nous redisent leurs pensées tout individuel les; au lieu de tracer un type, ils font un portrait; au

lieu de peindre les grands spectacles de la nature, ils se bornent à mettre en scène un petit coin de pays. Les premiers écrivains chez lesquels est apparue cette tendance sont Robert Burns en Ecosse, et Hebel en Allemagne, Hebel qui a chanté d'une manière si originale la Forèt-Noire et la fraîche vallée de la Wyse. On peut reprocher à ces poètes de manquer d'élévation; mais ils réunissent deux mérites incontestables, la vérité et l'originalité. S'ils ne parlent guère que de leur pays et de ses habitants bien simples, bien primitifs, il faut avouer qu'ils n'en font pas des descriptions menteuses; leur poésie est empreinte de la véritable couleur locale, qui ne procède pas de l'entassement des épithètes, mais de la connaissance intime des êtres et des choses.

On peut ranger M. Oyex, l'auteur des Scènes des Alpes, dans ce groupe de poètes. Il a le naturel de ceuxci, et en outre l'élévation qui leur fait souvent défaut.

Si nous devions absolument le comparer à un poète français, nous dirions qu'il nous a rappelé le chantre de la Bretagne, Brizeux. Il n'a pas, comme ce dernier, la mer pour horizon de ses tableaux, la mer aux cent voix, la mer aux aspects si divers; mais nos Alpes tantôt empourprées par le soleil, tantôt påles, enveloppées de brumes, ne sont-elles pas aussi un sublime horizon? Si nos pâtres n'ont pas la foi ardente et naïve des bergers bretons, ils ont un coeur, une passion sainte qui ne s'est jamais démentie, l'amour du sol natal. C'est dommage que M. Oyex n'ait évoqué aucune douce figure de femme dont la blanche vision vienne rasséréner ses tristesses sur la terre étrangère, telle que l'image de Marie, la Beatrix de Brizeux.

On a beau dire, l'amour est la plus touchante et la plus poétique des passions; deux beaux yeux nous en diront toujours davantage que le spectacle le plus grandiose.

Si jamais un nom de femme ne se retrouve dans les vers de M. Oyex, ce n'est pourtant pas qu'il n'ait pas le cœur aimant, mais il a réservé tout son amour pour son pays, pour la nature.

Il n'aime pas les vallons ombreux, comme d'autres rêveurs, parce qu'il est doux d'y errer seul à seul, les bras entrelacés, mais il les aime pour eux-mêmes; il s'est entretenu avec eux, avec la source, la montagne, le chamois et l'aigle. Il comprend leur langage, il nous le traduit en gracieux vers.

Voici la chanson du roitelet :

On me nomme roitelet,
Inclinez-vous, s'il vous plaît;
Mon royaume est une haie,
J'ai pour trône un coin de mur,
Je m'en contente, il est sûr.
Mieux qu'un grand roi je m'égaie.

Sans redouter un huissier,
Mes sujets, à plein gosier,
Osent chanter à la ronde.
Sans papier le pèlerin
Peut poursuivre son chemin...
N'a-t-il pas sa part du monde ?

Ainsi donc le roitelet, Tout petit oiseau qu'il est,

A du bon sens sous sa plume.
Pas de conseil près de lui,
Ni d'avocat qui le plume.

Ce type des potentats

N'a ni journaux, ni soldats :
Chacun comme lui travaille.
A quoi bon ces paresseux
Nourris du travail de ceux

Qui dorment sur de la paille?

M. Oyex a su nous rendre même d'une manière touchante les gémissements d'un animal vulgaire, de la marmotte.

De mon maître je suis chérie !
Je le nourris depuis trois ans :
Nous pleurons tous deux la patrie,
Moi mes névés, lui ses parents.
J'étais heureuse, solitaire
Sur les pentes du Montanvert,
Logée à vingt pieds sous la terre,
Trottant l'été, dormant l'hiver.

Que l'on souffre en courant le monde!
Aussi je plains ce bon José :

Le soir, en finissant sa ronde,
Son faible corps est épuisé,

Et moi seule je le console.
Qui penserait à l'orphelin?
L'aumône lui jette une obole,
Mais qui le presse sur son sein?

Une chapelle hospitalière
La nuit, nous abrite souvent.
José, quand tu dis ta prière,
Moi, je te garantis du vent,

Et sur ta poitrine glacée

Tu m'attires bien doucement;
Maintes fois tu m'as embrassée.
Aussi je t'aime tendrement!

Les vers de M. Oyex sont limpides; il sait passer, comme le dit Boileau, du grave au doux, du plaisant au sévère. Son style est toujours en rapport avec la pensée qu'il exprime: simple et familier lorsqu'il reproduit les scènes patriarcales des pâtres, vif et pimpant lorsqu'il nous redit ses joies et ses tribulations de voyageur, noble et majestueux lorsqu'il chante les magnificences de nos cimes couvertes d'une neige éternelle. FÉLIX NESSI.

ARCHÉOLOGIE

VOIES ROMAINES

Quand les Romains prenaient possession d'un pays vaincu, ils engageaient, pour ainsi dire, une guerre nouvelle contre le sol. Ils tenaient avec raison la terre inculte pour la meilleure alliée des barbares qui l'avaient habitée, pour la plus dangereuse ennemie des maîtres nouveaux qui la subjuguaient. Il fallait premièrement

l'assujétir par une chaîne de constructions fortes, et par un réseau de chemins qui la rattachassent au reste de l'empire. Il fallait ensuite la dompter par le défrichement, lutter contre les éléments rebelles, assainir l'air en ménageant l'écoulement des eaux, percer les bois, féconder le désert. Les dieux avaient mis l'ordre dans le ciel; Rome se chargeait de le réaliser sur la terre, en y portant la sécurité, la régularité, la fertilité. Voilà pourquoi son peuple, le plus guerrier du monde, fut aussi un peuple constructeur et laborieux. Voilà pourquoi le travail était honoré comme un combat, et la culture comme une conquête (1). »

Mais le prix de ces bienfaits fut toujours regardé comme exorbitant par les vaincus en effet, c'était aux dépens de leur liberté, de leur autonomie qu'ils participaient à la civilisation, et bientôt après à la corruption de l'empire. Les vainqueurs eux-mêmes, non contents d'anéantir de fait l'indépendance des peuples, ne se plaisaient-ils pas à repaître les regards de leurs victimes d'inscriptions qui leur rappelassent sans cesse le souvenir de leur humiliation? de statues dont le matérialisme sensuel insultait à leurs croyances simples, souvent sublimes et plus rapprochées de la vérité primitive? de villas dont la magnificence et le luxe se nourrissaient des usures prélevées sur leur labeur? d'amphithéâtres destinés à l'extinction des vaincus réduits à l'esclavage? Et cependant, une fois soumis, ces peuples ambitionnaient l'honneur de faire partie du grand empire le nom romain, contre la terreur duquel le leur n'avait pu soutenir une lutte égale, les grandissait en raison de leurs prétentions antérieures et des efforts de la résistance. Ils convoitaient surtout les prérogatives de la cité, qui devinrent plus tard si lourdes. qu'elles équivalaient à la servitude.

Eh bien, triste destinée des choses humaines ! il ne tint pas aux barbares du moyen-âge que l'empreinte romaine ne fût complètement effacée de l'Europe. Les ravages du temps et des éléments ont pris à tâche de poursuivre l'œuvre d'extermination. Pour étudier l'histoire, il faut aujourd'hui fouiller les décombres accu mulés par les torrents de nos montagnes, ou sonder la vase des lacs, au sein desquels les villas se sont abîmées dans leurs cataclysmes. Souvent même de précieux monuments n'ont survécu à tant de causes de destruction que pour venir se pulvériser sous le marteau de l'industrie; ou s'ils échappent aux vandales modernes, c'est pour aller grossir les musées des grandes villes; et la cupidité mercantile nous force bientôt d'aller chercher notre histoire à l'étranger.

Recueillons, tandis qu'il en est temps encore, ce qui reste des nations qui ont foulé notre sol; évoquons de leurs tombes l'Allobroge, le Centron, aussi valeureux et peut-être moins barbares que ceux qui leur ont jeté cette injure; le conquérant romain, civilisé par la théurgie étrusque et par l'artistisme grec; le conquérant du moyen-âge transformé par le christianisme, le Goth, le Burgonde, le Franc, le Sarrasin, qui tous nous ont laissé quelque peu de leur sang, de leur caractère, de leurs usages. Etudions leurs œuvres et voyons si, enrichis de la tradition et de l'enseignement de toutes les époques, nous valons plus qu'eux; si notre civilisation. vaut plus que leur prétendue barbarie.

Ozanam, Les Germains avant le christianisme.

Déjà, grâce à l'esprit d'association, les collections particulières viennent enrichir les musées publics d'inscriptions, de médailles, de fragments d'architecture, de pierres sépulcrales, d'autels, de cippes, d'armes, d'ustensiles, de tableaux, de statues, de mosaïques. Il faut espérer qu'avec le temps nous pourrons un jour reconnaitre tout le mobilier domestique, militaire, etc., des sociétés qui nous ont précédés.

Mais il y a des objets que les musées ne peuvent contenir: ce sont les grandes constructions, les thermes, les mansions et surtout les voies romaines. L'emploi des matériaux dans de nouveaux édifices, les travaux des nouvelles routes, la division de la propriété, l'ignorance ou la pauvreté des acquéreurs, le nivellement exigé par l'agriculture, l'emplacement qui semble dérobé à la production; tout concourt à faire disparaître ce que le temps, les guerres, les éléments en ont laissé subsister jusqu'aujourd'hui. C'est donc là qu'il faut porter son attention, sinon pour conserver des ruines. que les circonstances ne permettent plus de protéger, au moins pour en constater l'existence, la position; pour en copier les dernières traces et essayer de reproduire le plan intégral à l'aide de tous les débris encore reconnaissables et des principes fournis d'ailleurs par l'étude de monuments analogues.

Parmi les différentes branches d'archéologie, l'étude des voies romaines n'est pas une des moins intéressantes. Les routes sont un cachet remarquable de civilisation. Leur réseau établit l'étendue des relations, fixe les grands centres de commerce, d'administration ou de stratégie; leur direction, leur tracé accusent les connaissances odométriques, les lois du nivellement; de leur forme et de leur largeur on peut déduire leur destination, le rang qu'elles occupaient dans l'état, et même les moyens de transport.

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La ville d'Annecy vient de perdre un de ses citoyens les plus estimés dans la personne de M. le docteur-médecin Louis-Philibert Fleuret, frappé d'une attaque d'apoplexie foudroyante dans les appartements de la Prefecture.

M. Fleuret, depuis de longues années, exerçait la médecine dans notre ville avec un dévouement sans bornes, surtout auprès des pauvres; bien que très souffrant dans ces deux dernières années, son zèle ne s'était pas ralenti et on peut dire qu'il est mort à la brèche, emportant les regrets de tous ses concitoyens.

M. Fleuret est l'auteur d'un Traité de médecine légale et de plusieurs mémoires scientifiques insérés dans différents recueils. L'Association Florimontane perd en lui un de ses membres les plus utiles et les plus dévoués.

La Societé d'histoire et d'archéologie de Chambéry a fait distribuer le deuxième numéro de ses Bulletins de l'année 1860-1861. Nous y avons remarqué: 1° une nouvelle série de documents extraits des archives de Turin et envoyés à la Société par M. Dufour, lieutenant-colonel d'artillerie; 2° le compte-rendu de deux brochures de M. l'abbé Cochet: Sépultures chrétiennes de la pėriode anglo-normande trouvées à Bouteilles près Dieppe, en 1857, et Archéologie céramique et sépulcrale, ou l'art de classer les sépultures anciennes à l'aide de la céramique; 3° une communication de M. Fivel, architecte, au sujet d'un chapiteau qui existe sur le mur du cimetière de Clerv-Frontenex, près d'Albertville. M. Fivel a aussi présenté de fort beaux spécimens de sculpture du XIe siècle sur ivoire, dont l'un, représentant la Vierge portant l'enfant Jesus, provient du château de Charbonnière,

mas I. Cette précieuse statuette est faite avec une seule défense d'éléphant et mesure 0,50 de hauteur et 0,13 de diamètre à la base.

La plupart de ces routes étaient jalonnées de pierres près d'Aiguebelle, et a du appartenir au comte de Savoie Thotaillées indiquant la distance à partir du chef-lieu de la province et de la cité. Nos pierres kilométriques ne sont qu'une copie bien tardive du savoir-faire romain. Les distances étaient comptées en milles romains. La valeur du mille romain, qui a varié tant de fois dans les auteurs, selon les différentes recherches, paraît être fixée aujourd'hui à 1,481 mètres. Dès le troisième siècle, les pierres indiquent la lieue gauloise dans les Gaules lyon- à la découverte qu'a faite dernièrement M. Messikomer, à Wetzi

naise et belgique; elle valait 2,218 mètres. On croit même qu'elles représentaient des stades le long de la Méditerranée, dans les pays peuplés par les colonies grecques.

A ces considérations qui sont applicables à toutes sortes de routes, il faut en ajouter une spéciale à celles qui étaient primitivement entretenues aux frais du gouvernement romain pour le transport des courriers et mème des légions, lorsque leur marche n'était pas commandée dans des voies secondaires, selon les besoins de la stratégie. Ces voies prétoriennes étaient conséquemment pouvues de mutations et de mansions pour l'approvisionnement des courriers et des troupes. L'état en publiait la statistique avec les noms des localités et les distances relatives, comme on publie aujourd'hui celle des postes et des étapes militaires. Comme ces stations ont dû à la longue former des villages par le concours des fournisseurs, ces tableaux sont d'un prix inestimable pour les recherches sur la géographie ancienne. Et lorsqu'on a pu fixer avec certitude le lieu

M. Keller, président de la Société des Antiquaires de Zurich, a fait à cette société la communication suivante, sur des tissus trouvés dans les constructions lacustres :

« Je crois devoir rendre les amateurs de l'antiquité attentifs

kon, et qui est très propre à jeter un nouveau jour sur la civilisation de l'âge de pierre. En creusant dans le canal de l'Aabach, si riche en pilotis, et qui traverse la plus ancienne partie des constructions lacustres de Robenhausen, les ouvriers sont arrivés à un point où, du temps des premiers colons, doit s'être trouvée une sorte de chambre destinée au travail et à la préparation du lin. En enlevant du limon d'une place de la grandeur de quelques toises en carré, et à 8 ou 9 pieds au-dessous de la couche tourbeuse, on a trouvé du lin en tiges, et même avec semences; de plus, du lin prépare, puis des écheveaux de lin à simple et à double fil; des ficelles ou cordelettes d'épaisseurs diverses; des fragments de filets, et surtout des morceaux d'étoffe tissée qui ne peut avoir été produite que par le tressage, mais par un appareil simple, si l'on veut, qui devait ressembler à celui de nos tisserands. Parmi ces tissus se trouvent des franges, des lisières et du tissage assez compliqué. J'essaierai, dans le quatrième rapport sur les constructions lacustres, de décrire ces fragments et d'en donner une exacte représentation, ainsi que des appareils techniques qui ont probablement servi à leur confection. D J. Philippe.

Pour la chronique,

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