Page images
PDF
EPUB

Mais rien ne peut remplacer d'une manière sûre et utile les indications de localité.

Ces indications sont d'autant plus indispensables qu'actuellement la science a abandonné la voie aride de la simple nomenclature, pour entrer dans la voie bien plus fertile et plus intéressante de la philosophie naturelle. Ce que l'on étudie maintenant, c'est le rapport des ètres entre eux, c'est leur distribution, soit dans le sein du globe, soit à sa surface; mais pour alimenter cette étude, afin de lui fournir les données nécessaires, il faut que les collections soient riches de détails sûrs et précis. Ces détails ne peuvent être fournis que par les étiquettes qui accompagnent les échantillons.

Ces étiquettes doivent porter, tout-à-fait en bas, le nom de la personne qui les a faites; renseignement utile. Lorsque cette personne a recueilli elle-mème l'échantillon et que, par conséquent, elle est parfaitement sûre de la localité, elle fait suivre le nom de cette localité d'un point d'exclamation (!).

Dans le cas où l'échantillon lui vient d'une autre personne, elle doit, au coin de l'étiquette, à droite, après le nom de la localité, indiquer le nom de cette personne.

En agissant ainsi on fait un acte de justice, laissant à chacun la responsabilité et le mérite de ses œuvres. Telles sont les règles que j'observe dans l'exécution de mes étiquettes. Ce sont, je crois, les meilleures. Voici un exemple à l'appui :

[blocks in formation]

Que de gens à lorgnons, que de gens à binocles! Que de livres qui ont les yeux ouverts sur les autres livres !

Que de parasites littéraires qui grimpent le long de l'écorce des véritables écrivains!

D'où vient cette avalanche de brochures de quinzaine qui s'écroule sur tout ce qui se hasarde dans les sentiers difficiles du Parnasse moderne, sur les flancs escarpés de la véritable science?

Pourquoi tant de livres qui parlent des autres livres, si ce n'est pour donner le change et attirer le regard du côté de la planète au préjudice du soleil, dans cette

idée que le soleil éblouit le regard et que la planète est plus facile à contempler?

Il en paraît des Revues, il en naît tous les jours. On a raison de traiter le monde écrivain de phalange littéraire. La phalange macédonienne qui a conquis les Indes n'a jamais autant que la phalange littéraire, étalé sur les champs de fète les armes qui ne lui sont confiées que pour briller aux champs des combats.

La Revue de Paris avait ouvert le cortège; la Revue des Deux-Mondes semblait être digne de le terminer. Mais il s'en est trouvé d'autres qui, comme des masques à la barrière, escortent le bœuf gras, sans prendre garde que le crescendo nécessaire à la circonstance est interrompu. Brutus accompagne César, le char de triomphe de l'empereur est le plus haut degré de sublimité que la mascarade puisse atteindre, et l'on croirait que tout est dit quand César a passé. Mais point, les masques qui n'ont pas trouvé place au milieu des licteurs ou des gladiateurs, se ruent en désordre sur les pas du char triomphal, qui en arlequin dépareillé, qui en pierrot dégingandé, qui en paillasse dépaysé, qui en cassandre rafraîchi.

Et c'est ainsi qu'on s'y prend quand on ne trouve pas place au soleil des deux Mondes: on se fait un soleil en fer blanc.

Oh! combien j'en ai vu naître de ces Revues!

On a frappé à la porte du sanctuaire de Bulloz, Bulloz a fait la sourde oreille..... On s'en venge et..... l'on crée une Revue. On l'appelle nationale, générale, impėriale, royale..... tout comme une diligence. Le catalogue des titres n'est jamais épuisé.

[ocr errors]

S'il s'en trouve qui sortent de l'ornière, elles font trop d'efforts. Elles ne se désembourbent à la gauche que pour se rembourber à la droite du chemin. On croit être original, fantaisiste, en disant qu'on l'est. On en donne à croire au public, et on ne parvient pas à s'en conter à soi-même, différant en cela de ce bon baron de Crac qui avait fini par se croire sur parole. On met sur son chapeau : C'est moi qui suis Guillot..... et les moutons ne s'y laissent plus prendre. Aussi, combien en verra-t-on mourrir de ces Revues..... et si elles meurent..... qui aura la charge de les regretter et de pleurer sur leur tombe?

II

LE POUR.

Moi..... moi qui n'ai pas assez d'yeux pour les lire, et de temps pour les apprécier;

Moi qui en ai reçu un ballot ces jours derniers, et qui ne sais par laquelle commencer;

Moi qui, au fond, suis le premier à reconnaître que lorsque la finance est l'arbitre de la publication, les hommes d'un talent vrai sont obligés de se cotiser pour mettre au jour les idées saines et généreuses que la finance répudie et voudrait anéantir;

Moi qui ferais volontiers partie de tous les régiments qui s'organisent autour d'un drapeau quelconque, au risque d'être enseveli avec tous ces vaillants champions de l'idée dans les plis mêmes de ce drapeau, avant d'avoir été porté à l'ordre du jour ;

Moi qui retrouve en tête ou en queue de chacune de ces livraisons des noms connus d'abord et amis ensuite, près desquels j'aimerais à voir figurer le mien;

[blocks in formation]

J'allais dire moi, dis-je, et c'est assez.

Oui, que la Revue fantaisiste vive plus ou moins de fois ce que vivent les roses, elle n'en renferme pas moins le germe d'une plante qu'on aimerait à voir grandir, et d'un fruit qu'on serait heureux de voir éclore.

Oui, que la Revue savoisienne continue son petit chemin; que l'Association florimontane prenne garde à l'œil jaloux qui la guette: que son journal paraisse bientôt deux fois par mois, et l'on verra à la marge des journaux de Paris que la Savoie n'est pas ce que l'on pense et que sur ce chapitre-là comme sur bien d'autres, un amour de parler,

Des auteurs de Paris fait toute la science.

Chambéry, 40 septembre 1861.

ANTONY DESSAIX.

[blocks in formation]

CHRONIQUE

Une nouvelle Société, appelée à rendre de grands services à Annecy, vient d'être fondée sous le nom de Société des Arts. Son but est de répandre et d'encourager, par des réunions artistiques ou des expositions, le goût des arts libéraux, soit de la musique, de la sculpture, de la peinture et de l'architecture.

Le 8 septembre, cette Société a célébré son inauguration en donnant une petite fète de nuit sur le lac, avec le concours de la musique municipale et de la Société chorale.

[blocks in formation]

Voici la seconde partie de la lettre de M. l'abbé Martin, curé de Courtes (Ain):

Un mot sur votre biographie de saint Anthelme. Nous sommes tellement habitués à vénérer ce saint évêque, en deçà du Rhône, qu'il n'est pas possible de ne pas protester contre vos appréciations inexactes. C'est Moreri qui vous a servi de guide; mais, vous ne pouvez l'ignorer, l'érudition de cet auteur est souvent en defaut. La science historique a du reste poussé les investigations beaucoup plus loin qu'il ne pouvait le faire de son temps, et fait jaillir des lumières dont l'éclat nous met à même de mieux approfondir l'histoire du siècle dans lequel vécut notre saint.

Selon vous, ou plutôt selon Moreri, l'évêché de Belley aurait été donné à saint Anthelme en récompense du dévouement qu'il avait montré pour faire reconnaître le Pape Alexandre III. Aucuns en lisant votre article, seront peut-être tentés de penser que saint Anthelme n'avait favorisé le parti d'Alexandre contre Octavien que dans une pensée d'ambition. - Rien n'est moins vrai cependant. Sa conduite ultérieure ne permet pas d'en douter.

Ce fut sur la demande du peuple et du clergé que le Pape le nomma, et notre saint avait si peu couvoité cette haute dignité, qu'il la refusa et fit immédiatement le voyage de Bourges. où se trouvait alors Alexandre, afin de lui faire agréer son refus Mais ce fut en vain. Le Souverain-Pontife, en l'entendant parler avec tant de science et de sagesse, s'affermit de plus en plus dans la résolution de maintenir son choix. - Il le sacra lui-même le jour de la Nativité de la Sainte Vierge 4163. Si saint Anthelme. de retour dans son diocèse montra de l'ambition, ce fut celle de sauver les âmes qui lui étaient confiées et de défendre la liberté et l'indépendance de son saint ministère. Fleury lui-même lui rend cette justice. C'est à ce sujet qu'on a laissé le plus d'ombres sur saint Anthelme. D'après les récits de tous les historiens du temps, nous voyons l'illustre évêque de Belley et Humbert III comte de Savoie vivre en mésintelligence et se poursuivre dans d'interminables querelles, qui finissent par attirer sur le comte les foudres de l'excommunication, et la désapprobation implicite de l'évêque par le Souverain-Pontife. Les historiens qui ont

rapporté leurs débats n'étant pas remontés jusqu'à leur source, n'ont pu porter un jugement impartial, et ont faussé leur caractère, devant lequel le lecteur se scandalise, avec quelque raison. C'était l'époque à laquelle Frédéric Barberousse, revenu de la croisade et trouvant tous ses Etats insurgés contre son pouvoir, voulut les soumettre par la force des armes. Ayant mis le siége devant Alexandrie, il nomma, dans une pensée plutôt politique que religieuse, comme le fait très bien remarquer M. J. Baux, les évêques de Savoie. parmi lesquels se trouvait alors l'évêque de Belley, princes du Saint-Empire. -- A ce titre étaient attachés, on le sait, les droits régaliens, c'est-à-dire la puissance absolue (Bulle d'or).

Les évèques qui avaient déjà joui de ces droits sous les rois de Bourgogne et les empereurs caroligiens, les reçurent comme une institution de leur ancien pouvoir, d'une autorité qu'ils devaient regarder à bon droit comme légitime, la souveraineté des empereurs n'ayant été ni abolie ni abandonnée. Humbert, dont les ancêtres avaient cherché à s'affranchir de cette suzeraineté, se croyait de son côté indépendant dans ses Etats, et ne voulait pas consentir à partager son autorité avec les évèques.

On le voit, à ce temps de composition et de décomposition, il était facile de se faire illusion sur ses droits et de contester ceux des autres. Il ne faut donc pas s'étonner de ces conflits, mais plutôt admirer les hautes vertus de ces deux illustres adversaires, dont l'un, pour ne pas perpétuer des querelles, quitte son diocèse et va se préparer à la mort dans une cellule de la GrandeChartreuse, et l'autre, ne se croyant pas tout-à-fait innocent, vient se jeter aux pieds de son évêque pour lui demander son pardon.

Ces éclaircissements me paraissent suffire pour dissiper les nuages au milieu desquels sont demeurées obscurcies, jusqu'à ce jour, ces deux belles figures de saints. Veuillez monsieur, les accueillir avec bienveillance; votre véracité pas plus que votre amour-propre n'ont à en souffrir: dans la recherche loyale de la vérité il ne peut y avoir ni blessé ni vaincu. L. MARTIN.

Le 15 août 1861, un guide de Chamonix a rapporté des débris humains qu'il avait trouvés sur le glacier des Bossons. On a acquis la certitude que ces restes avaient appartenu aux victimes de la catastrophe du 20 août 1821.

Le docteur Forbès, savant géologue anglais, auteur d'importantes études sur les glaciers et leur marche déclinante continue, avait dit à son dernier voyag: à Chamonix (1858) qu'il ne serait point étonnant qu'au bout de 35 à 40 ans les victimes de ce terrible évènement fussent déposées par le glacier à ses dernières bases dans la vallée. En effet, à quarante et un an de distance presque jour pour jour, le gouffre à rendu sa proie.

Les débris humains retrouvés consistent en deux cranes avec leurs teguments. Toute la partie maxillaire garnie de belles et blanches dents; plusieurs touffes de chevelure blonde et noire adhérentes au cuir chevelu recouvrent les fragments de cranes; un avant-bras et la main adhérente à laquelle il ne manque qu'un doigt, ce bras et cette main revê us de leurs chairs, portant les traces sanguinolantes de la coupure d'un des doigts et conservant une certaine flexibilité dans les articulations.

A côté de ces restes, on a ramassé de larges morceaux d'étoffes de drap ou de velours indiquant les premiers la forme d'une veste, les seconds celle d'un collet de gilet; une mitaine de peau chamoisée, des fragments de deux sacs de peau de diverses nuances, un chapeau de feutre noir, un crampon en fer à quatre dents et à charnières pour attacher des patins sous la chaussure, une lanterne de fer blanc écrasée et aplatie, mais laissant très bien deviner sa forme primitive des lanternes rondes du pays.

Des trois guides de la caravane du docteur Hamel qui périrent si tragiquement en 1820, l'un, Pierre Balmat, était blond, et le premier crane retrouvé porte plusieurs touffes de cheveux de cette nuance. Il y avait déjà peu de doutes sur l'identité de ces premiers débris, quand on a pu obtenir du guide chef de la caravane, Joseph-Marie Couttet, septuagénaire vivant et encore plein de raison et de santé, l'attestation que Pierre Balmat, qui ouvrait la marche des excursionnistes,était porteur de la lanterne qui servait à constater le phénomène de la raréfaction de l'air dans les régions élevées où se produisit l'épouvantable accident.

Il résulte encore des renseignements de Couttet et de plusieurs contemporains survivants que Pierre Balmat portait un chapeau de paille; or, à côté du crâne garni encore de cheveux blonds, on a recueilli un fragment de tresse de paille.

Un chapeau de feutre noir presque entier a été ramassé à côté de l'autre crâne que plusieurs indices ont fait reconnaître pour celui de Pierre Carrier.

Toutes ces dépouilles ont été inventoriées minutieusement dans un procès-verbal dressé par M. le commissaire spécial de Chamonix, assisté d'un médecin, le docteur Million, qui a pu constater la nature des diverses parties anatomiques comprimées et déformées par ce séjour de près d'un demi-siècle sous la glace.

Ce fait vient en aide à la science pour confirmer sans réplique la théorie, déjà peu contestée, de la marche constante des glaciers par leur force d'expansion ou leur dilatation. Agassiz, Escher de la Linth, Charpentier, Forbès, Mgr Rendu, admettent unanimement le principe, en variant sur la donnée des périodes de progression. Ces débris humains viennent d'être rejetés par une fissure à près de trois mille mètres au-dessous du lieu de la chûte des corps en 1820.

L'Académie de législation de Toulouse rappelle qu'elle a proposé pour le concours de 1862 le sujet suivant :

Etude sur la vie et les travaux d'Antoine Favre, premier président du Sénat de Chambéry.

[ocr errors]

Programme L'Académie désire qu'après avoir retracé les phases principales de la vie du savant et du magistrat, les concurrents se livrent à une appréciation critique de ses œuvres, en signalant celles que l'admiration des jurisconsultes a placées à côté des plus fameux monuments de la science du droit; qu'ils en caractérisent la methode et qu'ils marquent leur part spéciale d'influence sur la pratique des tribunaux, notamment dans les pays qui obéissaient au droit écrit. »

Le prix consistera en une médaille d'or de la valeur de 300 fr. Les conditions du concours sont indiquées dans le Journal de l'instruction publique, numéro du 7 septembre 1861.

[ocr errors]

La Société d'histoire de la Suisse romande vient d'avoir sa deuxième assemblée générale annuelle à Sion.

M. Vuy y a donné lecture d'une partie d'un travail qu'il prépare sur un bail du XIV siècle, relatif à la chatellenie de Villela Grand. Il a parlé de la guerre civile de 1507 et du rôle que joua le château de Ville-la-Grand dans les guerres acharnées du XIV siècle entre les comtes de Genève et les comtes de Savoie. Il a prouvé qu'en 4397, les seigneuries de Rolle, de Grilly (pays de Gex) et de Ville-la-Grand, appartenaient à la famille de Graitly, qui, originaire du pays de Gex, est devenue souveraine dans le midi de la France. Il a parlé, d'après les chroniqueurs contemporains, du chaptal de Buch, le chef du parti anglais dans la Gascogne, et qui, fait prisonnier, préféra se laisser mourir de faim plutôt que de trahir son drapeau et d'obtenir sa délivrance au prix de son honneur.

[ocr errors]

Presque chaque année de hardis voyageurs gravissent le MontBlanc mais pour la plupart d'entre eux cette pénible ascension n'a d'autre objet que de jouir de la vue magnifique qui s'offre du sommet de ce roi des montagnes de l'Europe. Le docteur Wilhelm Pitschner, de Berlin, a fait, la semaine dernière, par ordre du gouvernement prussien, une ascension dans un but purement scientifique.

Sa mission a ce triple but constater d'abord, par la comparaison du résultat des mesurages actuels avec celui des précédents, jusqu'à quel point la quantité des plus hautes masses de neige et de glace, et par conséquent aussi l'élévation du MontBlanc, peuvent par suite de chargement de température, de nouvelle chute de neige et de la fonte des glaciers, s'augmenter ou diminuer. Ensuite, étudier la vie microscopique des hauteurs, les plantes phanérogames et cryptogames, ainsi que les infusoires qui donnent souvent à des masses entières de neige une teinte rougeatre; enfin, faire des observations astronomiques qui, audessus du voile de l'atmosphère, sont naturellement plus faciles et plus abondantes. Le docteur Pitschner doit consigner dans un grand ouvrage le résultat de sa pénible expédition, qui a duré plusieurs jours, passés au milieu des glaciers.

On a découvert à Prague, il y a quelque temps, un manuscrit inconnu de Jean Huss.

Pour la chronique, J. Philippe. JULES PHILIPPE, directeur-gérant.

Annecy, typ Thésio

me

Année N° 10

--

(Omnes omnium caritates patria una complexa est.)

15 octobre 1861

ON S'ABONNE

EN FRANCE

REVUE SAVOISIENNE

Par un bon postal à l'or- JOURNAL PUBLIÉ PAR L'ASSOCIATION FLORIMONTANE D'ANNECY

dre du Directeur;

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

FRAGMENTS DE LA CHRONIQUE DU COMTE ROUGE (AMÉ VII COMTE DE SAVOYE)

(Suite)

CHAPITRE XIII

Les louanges et grand honneur que le roi attribua à son beau cousin de Savoie pour le haut devoir qu'il avait accompli.

Nous avons ci-dessus dit qu'après avoir pris le sire de Ponnins, le comte de Savoie voulut en faire présent au père de sa femme; mais Berry, au lieu de l'accepter pour lui-même, alla l'offrir au roi au nom de son beaufils; et le roi, prisant fort celui qui l'envoyait, dit en présence de tous: Gloire, louange avec honneur perpétuel et perdurable soit imparti par notre rédempteur « à beau cousin de Savoie! Par sa haute valeur, vertu et prouesse, pour porter bonheur à notre entreprise, dans le premier assaut que les ennemis ont osé ten«ter, il a mis Anglais en tel malheur qu'il leur a fait perdre environ deux cents combattants, les meilleurs ⚫de toute leur compagnie, et avec eux celui qui est le meilleur de leurs capitaines après messire Thomas. Nous remercions notre beau cousin du très haut service et beau présent qu'il nous a fait offrir par vous en témoignage du commencement de ses hauts faits.. Monseigneur, dit alors le duc de Berry, si le com<< mencement de beau fils de Savoie a été bon, j'espère, « Dieu aidant, que la conclusion de ses services sera << encore meilleure. Suivant les traces de ses pères anciens, qui ès affaires de vous et des vôtres se sont

[ocr errors]
[ocr errors]

-

[ocr errors]
[ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors]
[blocks in formation]

PAYABLE D'AVANCE

On ne reçoit que des abonnements annuels.

Les communications de tous genres adressées à la Revue savoisienne doivent être affranchies.

mera notre germain sera notre ami; celui qui le haïra sera de nous haï, fût-il notre propre frère. » De ce langage tous furent ébahis; et Berry retourna tout joyeux dans sa bastille où, de la part du roi, il remercia le comte Noir du présent qu'il avait envoyé au seigneur des fleurs de lys.

CHAPITRE XIV

Le prince de la Morée donne au roi le conseil de ne pas assaillir Bourbourg.

Après la capture du sire de Ponnins, et messire Thomas étant blessé comme nous l'avons dit, les Anglais, redoutant le comte Noir, n'osèrent plus s'aventurer sur le quartier du siége que Berry gardait; toutefois, avant que la clôture du parc fût complète, ils firent des sorties sur les Guyennois, Normands, Manceaux, Poitevins, Angevins, Lorrains, Orléanais, Touranjaux, Bourguignons, Bourbonnais, Picards, Lombards, Germains, Ecossais, Espagnols et Siciliens. Là, de part et d'autre, furent faites armes vives et prouesses, dont je n'ai à parler parce qu'elles ne concernent pas les gestes de Messeigneurs de Savoye. Pour retourner à eux, je dis qu'après le parachèvement de la clôture du parc, les Anglais se tinrent cois et menèrent si peu de bruit qu'on pouvait croire qu'il n'y avait dans la place aucun homme en vie. Les choses étant restées en cet état le nombre de trois jours entiers, le roi fit par ses hérauts crier aux ennemis qu'ils eussent à se rendre. Il fit aussi apprêter ses engins, coillars et grosses bombardes pour battre les murs; mais ayant tenu conseil touchant le fait de l'assaut, messire Amé de Savoye, alors prince de Morée, donnant son opinion au roi qui l'avait demandée, discrètement parlant, dit:

[ocr errors][merged small]
[ocr errors]

sert. Ce serait grand dommage pour vous et les vôtres, point pour vos ennemis; ils voudraient que déjà vous «eussiez rué bas les murs de toutes vos villes et cités, de tous vos châteaux et autres places fortes; ils auraient moins de peine à soumettre vos pays. D'autre part, Sire, je n'approuve pas l'assaut, car il est prouvé et connu que messire Thomas n'a pas là dedans un homme avec lui qui ne soit vaillant, vigoureux, assuré et éprouvé de sa personne. C'est pourquoi je

a

[ocr errors]

a

dis, considérez qu'ils sont tous gens de haut cour, et que ceux qui sont chargés de défendre une place, étant sur les murs, jetant pierres et cailloux sur ceux qui du pied prétendent vers eux monter contremont, « ont trop plus d'avantages que ceux qui s'aventurent d'assaillir la place. Or grand merveille sera si à cet assaut vous ne perdez aucun des vôtres ; et vous serez de leur mort à cent doubles plus courroucés que vous • ne l'êtes de l'occupation de Bourbourg par les Anglais. Il me semble donc que sans assaillir ni abattre guérites, créneaux et murs, vous pouvez les mettre hors de la place, en faisant deux choses que vous êtes puissants de faire sans dégarnir votre siége. Vous pouvez faire garder vos hâvres par ceux de vos bonnes villes, en telle manière que les Anglais ne reçoivent aucun secours par mer. Secondement, vous pouvez leur couper les vivres; et vu qu'ils sont très nombreux, qu'ils ont peu de victuailles, il faudra qu'ils meurent de faim, ou bien que les genoux fléchis, le chef découvert, les mains jointes, ils viennent requérir miséricorde avec grâce et pardon de l'offense qu'ils ⚫ ont commise en cuidant soumettre vos pays. Qu'ils ⚫ veuillent ou non, dans le brief temps ils seront forcés de se rendre. »

a

Ce parlement du prince de la Morée fut bien ouï, bien noté, clairement entendu par le roi de Germanie, les ducs de Berry, d'Orléans, de Tourraine, de Bourgogne, d'Anjou, de Bourbon, d'Alençon et autres là présents; tous se rangèrent à cette opinion du prince, et par ainsi le roi à son tour sans difficulté s'y tint. Il fit garder ses ports de mer, et empêcha les vivres d'entrer dans la place. Il fit si bonne garde et tint conduite si discrète que les Anglais perdirent l'habitude de faire des sorties. Ceux du siége, malcontents de la défense d'assaillir la place, allaient sans cesse devant les portes de Bourbourg chercher la façon de faire à l'escarmouche sortir et venir les Anglais. Ceux-ci, animés de haut vouloir pour défendre leurs barrières sans les dépasser, venaient à pointe de lance, coups de hache et d'épée, résister aux Français. A ceux qui les voyaient et les coups ne recevaient, il était plaisant regarder les armes que faisaient de part et d'autre les chevaliers et écuyers de valeur.

Réédité par J. REPLAT.

DEUX CHARTES

DU PRIEURÉ DE VALLON EN CHABLAIS.

Vous connaissez ce joli coin de terre qui s'étend comme une bordure fleurie tout le long du Léman, sur la rive de Savoie. La nature l'a traité en enfant gâté, les poètes y sont venus chercher des inspirations, et aujourd'hui qu'il n'y a plus de poètes, les touristes vont y dépenser une part de leurs loisirs. La route ombragée s'écarte à peine du lac, dont elle enchâsse le capricieux contour à gauche, l'eau bleue et limpide conduit l'œil jusqu'à la côte suisse, qui surgit dans un horizon lumineux; à droite, les vergers et les châtaigneraies masquent le sévère panorama des montagnes, pour ne laisser entrevoir, au milieu de la verdure, que la blanche habitation du châtelain bourgeois, où le débris noirci de quelque vieille construction féodale. C'est une

petite Touraine, c'est le jardin de la Savoie. Sur cette terre, riche aussi en souvenirs, s'élevaient jadis en foule les monastères et les manoirs, ces deux symboles qui résument les deux sociétés du moyen-âge. Autour de l'antique château et du bourg florissant d'Allinges, alors chef-lieu d'un doyenné qui embrassait soixante-quatre paroisses du Chablais, s'étaient groupées les abbayes de Filly, d'Aulph, d'Abondance, du Lieu, et plusieurs prieurés de différents ordres. Le plus ancien, parmi ces derniers, était la Chartreuse de Vallon, fondée au XII° siècle à côté de la ville de Thonon. Enrichi successivement par les largesses des princes et des particuliers, ce prieuré subsista jusqu'en 1536, époque où il fut saccagé et détruit, avec plusieurs autres, par une bande de protestants bernois. Dans le commencement du siècle suivant, lorsque le pape Paul V supprima les chanoines réguliers de saint Augustin établis depuis 1410 au village voisin de Ripaille, la Chartreuse de Vallon fut restaurée en leur lieu et place. Ses archives furent transférées avec elle, et lui survivant encore au moment de sa destruction définitive, se conservèrent jusqu'à nos jours assez intactes pour permettre de reconstituer T'histoire du prieuré depuis sa fondation.

Il a fallu que la meilleure partie de cette précieuse collection tombât dans les mains de vandales du XIXe siècle, pour être dilapidée et jetée aux vents, ou bien enfouie, trésor inutile, par quelque détenteur égoïste! C'est ce dont nous avons pu nous convaincre dans le cours de la mission que nous avons rempli dernièrement aux archives de la sous-préfecture de Thonon. Dans un inventaire qui y est déposé, nous avons retrouvé l'indication des principaux documents qui composaient le fond des Chartreux de Vallon et de Ripaille. Or, cet inventaire a été dressé en 1820, et prouve qu'à cette époque les pièces en question existaient encore, au nombre de 379, dans les archives de l'intendance du Chablais elles ont donc été détournées depuis, sans doute par ceux qui avaient le libre accès du dépôt, mais à coup sûr par des gens à la conscience large. Nous avons lieu d'espérer que des mesures vont être prises pour aviser à leur recherche et à leur réintégration dans les archives de la Haute-Savoie, ce qui sera un acte de justice non moins qu'un service rendu à la science.

Pour donner une idée de la valeur de ces documents, il suffit de reproduire un ou deux articles de l'inventaire :

Fondation de la maison de Vallon; 1138. Privilèges et donations accordés par des princes et des particuliers à la Chartreuse de Vallon; même année.

Donation faite à la dite Chartreuse par Aimé de Fulciniaco (Faucigny); même année.

Donations diverses au même couvent; années 1208, 1221, 1222, etc.

Fondation de la maison de Ripaille; 1410. »

D

Ces simples indications nous fournissent déjà la date exacte de la fondation du prieuré de Vallon. C'est sans doute par erreur que Besson, dans ses Mémoires pour l'histoire des diocèses de Genève, Tarentaise, etc., l'a reportée deux ans plus haut. Ce fut, dit-il, en 1136 que les frères seigneurs de Ballaison firent donation des fonds qui leur appartenaient dans la terre de Vallon, pour y bâtir une Chartreuse, ès-mains d'Hugues, qui

« PreviousContinue »