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Ici se trouvent les armes de la ville de Chambéry. 3o Face nord-est :

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y dans cette inscription quelques lettres liées et quelques abréviations.

Voici comment je pense qu'il faut la lire :

Nicolao Danerio Jureconsulto, Johanne de Calcibus patricio, Petro Pilleto procuratore Guillelmo Mojono mercatore, scindicis. Posita primum fundamenda VI° idus februarii anno à christo nato 1552 Moneto Sotur nomine, gebennensi, architecto..... (Ici il manque la date de l'époque où l'œuvre a été achevée.) Adversus Lessiæ fluminis vim et crebros impetus cæptum opus mox Chamberiacensium accolarum sommo impenso perfectum atque absolutum.

On voit par cette inscription que la digue élevée contre le torrent de Leisse avait été commencée en 1552, par l'architecte Monet du Seytour, sous le syndicat des sieurs Danières, de Leschaux, Pillet et Mojon, mais il manque la date de l'achèvement de cette digue.

Tout cela est conforme aux documents qui nous restent de cette époque aux archives de la ville. Il y avait en 1552 pour syndics l'avocat Nicolas Danières, noble Jéhan de Leschaux, le procureur Pierre Pillet et le marchand Guillaume Mojon (4). C'était la règle de prendre un des quatre syndics dans le corps des avocats, un autre dans la noblesse, le troisième parmi les procureurs et le quatrième parmi les marchands. On trouve aussi dans les registres de la ville un Monet du Seytour ou du Seyteur, maître maçon de Genève.

On dépensa en effet beaucoup pour cette digue. Une grande inondation avait eu lieu le 21 février de l'année précédente (1551) et avait ruiné la digue. Le surlendemain le Conseil général de la ville décide qu'on fera les réparations nécessaires et qu'on fera une cotisation tant sur l'esglise noblesse qu'aultres estats de 2000 escus.

(1) J'ai publié dans les mémoires de l'Académie de Savoie, 2 série, tome 1, l'inscription funéraire de ce marchand qui est sur une dalle de l'église de Lémenc: Ici est la sépulture de sieur Guill. Mojon marchand...... décedé le XXIII août M. V. LV. (1555).

Mais cela ne suffit pas, et par lettres du 19 septembre 1551, Henri II, qui occupait alors la Savoie, autorise la ville d'imposer les villages et les propriétaires circumvoisins de six mille livres pour faire face à la dépense. Le 5 février 1552, les syndics dont les noms se trouvent sur notre inscription font un prix fait pour les travaux qui ont commencé trois jours après, suivant le document que je publie. On peut combler en partie la lacune relative à l'époque où fut achevé ce travail, en ajoutant qu'on y travaillait encore en 1555 et en 1557, ce que nous apprennent les registres de l'hôtel-de-ville. (Sera continué.)

BULLETIN SCIENTIFIQUE

F. RABUT.

Genève, 10 juillet 1864.

Analyse chimique du spectre solaire, par Kirchhoff. Se basant sur des considérations astronomiques, M. Leverrier, contrairement à la théorie d'Arago, soutient que le soleil est lumineux par incandescence de son noyau, et que ce corps est entouré d'au moins deux atmosphères, de densité et de composition différentes. L'étude des lignes noires du spectre solaire avait amené MM. Kirchhoff et Bunsen à reconnaître la presence des métaux alcalins (potassium, sodium, calcium, etc.) à l'état de vapeurs, dans l'atmosphère solaire. (4) D'après une communication plus récente (2) de M. Kirchhoff, le magnesium, le chrôme, le nikel et le fer ce dernier surtout) existent dans l'atmosphère du soleil. Par contre, l'argent, le cuivre, le zinc, l'aluminium, le cobalt, l'antimoine, paraissent ne pas s'y trouver. Nous ajouterons que les procedés des deux savants ci-dessus nommés leur permettent de reconnaitre dans une flamme quelconque, pourvu qu'elle soit assez intense, le présence des composes volatils renfermant un métal quelconque. Il y a là, on le sent bien, les bases de toute une nouvelle chimie analytique qualitative.

Sur l'unité des phénomènes géologiques dans le système planétaire du soleil, par Louis Sæmann. (3) Il est généralement admis, depuis les travaux de Laplace, que tous les corps formant le système planétaire duquel nous faisons partie se sont formés aux depens d'une même substance primitive, ou, en d'autres termes, qu'ils ont une composition chimique analogue, et qu'ils ont tous passé successivement par les diverses phases de l'état gazeux, liquide, puis solide par suite d'un refroidissement graduel. La lenteur de ce refroidissement aura dépendu et depend en grande partie, mais non uniquement, du volume des astres dont nous parlons.

Cette unité d'origine et cette analogie de mode de formation, les travaux des geologues, des chimistes (voir plus haut) et des astronomes s'accordent généralement pour en démontrer la très grande probabilité, nous allions dire la réalité. Cet accord sur un même sujet de sciences dont les procedés sont si différents, ont suggéré à M. Sæmann quelques réflexions dont nos lecteurs nous sauront gré de les entretenir.

La terre est couverte de montagnes, et il en est de même de la

lune; mais celle-ci manque d'eau et d'air, ces deux agents qui ont dù certainement contribuer si puissamment au soulèvement des montagnes terrestres. Dès lors les phénomènes geologiques lunaires ne sont pas comparables à ceux dont notre globe a été le théâtre, et, par suite, la conception de l'unite de formation des corps planetaires est contestable.

Voilà une objection embarrassante, et M. Sæmann s'attache à la résoudre à l'aide de considérations qui méritent certainement d'être examinées de près. Nous allons en faire une analyse telle que la comportent les limites de notre cadre.

Le volume de la lune étant des 21100es de celui de la terre, on conçoit qu'en admettant un point de départ identique pour les deux corps, la température de la première doit avoir baissé cinquante fois plus vite que celle de la terre; et les époques géologiques de la lune comparées à celles correspondantes de notre planète doivent avoir présenté une durée d'autant moins longue. Pour bien

(1) Voy. Bibl. univ. de Genève (bullet. scient.) septembre 1860. (2) Voy. Bibl. univ. de Genève (bullet. scient.) mars 1861. (3) Bull. soc. géologique de France, 2a série, L. XVIII (4 fé~ vrier 1861).

rendre la pensée de M. Sæmann, et s'il nous était permis de nous exprimer ainsi, nous dirions qune la lune a déjà énormément vécu, plus vécu, à àge égal, que la terre. Il est logique de supposer que celle-ci présentera un jour les principaux traits qui caractérisent actuellement son satellite. La terre verra donc disparaître à la longue l'eau de ses mers et l'air de son atmosphère. Mais cette eau et cet air que deviendront-ils?

Les roches, même les plus compactes, contiennent un nombre considérable de petites vacuoles et leur cristallisation y produit des retraits. Ces vacuoles et ces retraits se remplissent d'eau, et des expériences directes le prouvent. Quand, par suite du refroidissement, la terre se sera complètement solidifiée, c'est-à-dire aura passé tout entière à l'état de roche, l'eau et l'air s'introduiront dans les vides qui y existeront, pour les remplir, et ils n'y suffiront pas. Alors le contenu des mers disparaitra, et notre globe présentera la même absence d'atmosphère que nous nous étonnons de voir chez la lune. Au reste, la marche des eaux vers l'intérieur de la terre doit évidemment s'opérer depuis longtemps. Telle est en substance l'opinion de M. Sæmann, et nous devons ajouter qu'il l'étaie de données et de calculs qui lui impriment un grand caractère de probabilité. Une discussion sur un sujet si intéressant serait assurément fort désirable, et nous espérer que M. Sæmann cherchera des faits nouveaux en corroboration de ceux contenus dans la note dont nous venons de rendre compte. M. DELAFONTAINE.

CORRESPONDANCE

Nous recevons de M. Martin, curé de Courtes (Ain), une lettre contenant diverses rectifications relatives aux articles que le directeur de la Revue savoisienne a publié sous le titre de Gloires de la Savoie. Les objections de M. Martin ne détruisent en aucune manière la thèse que nous soutenons, et elles ne portent que sur quelques appréciations de détail. Voici la première partie de la lettre de notre honorable correspondant; l'abondance des matières nous force à renvoyer à notre prochain numéro la publication de la dernière partie, exclusivement consacrée à la biographie de Saint-Anthelme :

Monsieur le Directeur,

Mû par un sentiment patriotique auquel je m'associe de grand cœur, vous venez de grouper dans quelques articles de la Revue savoisienne, les illustrations de votre pays. A ce sujet, permettez-moi quelques observations dans l'intérêt de l'histoire.

Vous faites naître Vaugelas à Chambéry, et le cardinal Allemand, à Saint-Jeoire en Faucigny : c'est là une double erreur. Vaugelas est né à Meximieux (Ain), où son père avait une résidence. M. Ruivet, ancien curé et supérieur du petit-séminaire de cette ville, ne manquait jamais de relever l'erreur des biographes, lorsqu'il avait à parler à ses élèves de cet illustre grammairien. J'ai voulu vérifier son assertion, et l'ai trouvée exacte. Voici son extrait de naissance et de baptême, copié textuellement sur les registres de la paroisse.

« Année 1585. - Le 6 du dict moys, (janvier) a esté baptizé Clavde, fils de spectable Anthoyne Favre, juge mage de Bresse, et Damoyselle Benoiste Favre (sa femme). Et a esté parrein Clavde Favre, et marreyne Damoyselle Bonna vesve de noble Philibert Favre. - Et a esté baptizé par Loys Estion. »>

On montre encore à Meximieux l'emplacement où s'élevait la maison Favre, démolie seulement depuis quelques années, et qui a conservé le nom de place Vaugelas.

Le cardinal Louis Allemand n'est pas originaire du Faucigny, comme le répète encore après vous l'auteur des Variétés historiques, mais du Bugey. Indépendamment du témoignage de plusieurs écrivains français et italiens, j'invoque, pour le prouver, deux titres qui me paraissent incontestables. C'est d'abord un portrait du bienheureux, peint de son vivant, portant cette inscription Véritable portrait du B. Louis Allemand, cardinal archevêque d'Arles, né au château d'Arbent en Bugey en 1390. »> Dans le rescrit de la Sainte Congrégation des Rites, obtenu par Mgr l'évêque de Belley, portant permission de faire l'office du bienheureux dans son diocèse, on lit ces mots: In castro Arben- ¦

tio, diœcesis Bellicensis in Gallià, ubi ejus virtutum memoria adhuc extat, natus fuit (4).

Vous savez combien est minutieux l'examen de la béatification d'un saint on ne peut pas supposer la moindre inexactitude dans les actes authentiques qui le concernent.

CHRONIQUE

ASSOCIATION FLORIMONTANE

Séance du 11 juillet 1861

PRÉSIDENCE DE M. REPLAT

Dans cette séance, M. le docteur Bouvier a donné communication d'une note sur le père Baranzan, professeur de philosophie à Annecy en 1615 Le père Baranzan fut un des premiers à reconnaître les idées de Bacon et entra en correspondance avec ce célèbre philosophe. « Je dois l'avouer, a dit M. Bouvier, en li«sant, il y a quelques jours, le remarquable ouvrage de M. Ré« musat sur Bacon, j'ai éprouvé un vrai plaisir en voyant consi« gné à la page 412, qu'un simple professeur de philosophie dans la petite ville d'Annecy (en Savoie), vers l'année 1613, avait pris parti pour les nouvelles idées du chancelier d'Angleterre, « alors que cette dernière semblait à peine reconnaître son génie. J'ai pensé que c'était là un titre nouveau dans la vieille histoire de notre ville et qui était assez digne d'intérêt pour ne « pas être oublié. »

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M. Bouvier a ensuite communiqué à l'assemblée une étude biographique sur le docteur Baud, de Rumilly, recteur de l'Université de Louvain, par le docteur Brunier, d'Aiguebelle.

M. Replat a lu un fragment très intéressant d'un nouvel ouvrage qu'il prépare et qui est intitulé: Bois et vallons des environs d'Annecy.

M. Ducis

présenté quelques considérations sur les voies romaine qui paraissent avoir existé près d'Annecy. Il a signalé aussi avec regret la légèreté d'un membre de l'Association qui a cru devoir porter au dehors une fausse interprétation d'une communication qu'il avait faite dans la dernière séance.

Le Président déclare que l'Associaion est au-dessus de pareils procédés, qui ne peuvent être commis que par un homme à l'esprit étroit.

M. Revon a déposé le plan d'une villa romaine qui vient d'être découverte à Gévrier, près d'Annecy, ainsi que plusieurs objets antiques trouvés dans cette localité.

L'assemblée a entendu ensuite la lecture de la seconde partie d'un mémoire scientifique de M. Charles Calloud, de Chambéry, sur les miels de la Savoie. Acte a été donné du dépôt de ce travail intéressant à plus d'un titre, et qui est en voie de publication dans la Revue.

Une commission a été nommée pour préparer le programme d'une course scientifique dans les environs d'Annecy. Les membres de cette commission sont: MM. Bouvier, Ducis et Dunant Camille. Le rapport devra être prêt pour la prochaine séance, qui aura lieu dans quinze jours.

Des remerciments ont été votés à M. Joseph Ferrand, prefet de la Haute-Savoie, qui a bien voulu faire hommage à la Société de deux ouvrages dont il est l'auteur.

A la fin de la séance ont été déposés des dons et des échanges de la part de la Société des sciences naturelles de Milan; de la Société pour l'encouragement des sciences de Dunkerque; de la Société d'agriculture de Chambéry; de l'Institut genevois; de la bibliothèque universelle de Genève; de Mgr Dupanloud, évêque d'Orléans; de Mgr Magnin, évêque d'Annecy; de MM. F.-J. Pictet, de Genève; Antoine Stoppani, de Milan; Lecoy de La Marche, archiviste de la Haute-Savoie; Gabriel de Mortillet; F.-J. Bebert, de Chambéry; Constant Despine, d'Aix; B. Poulet et Ch. Burdet, d'Annecy. J. Philippe.

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Pour la chronique,

(1) Au bas du rescrit: Pro gratia - Die 7° Aprilis 1832. C. M. Episc. Præn. Cardin. Pedicini, S. C. R. præfectus. -- J. C. Fanti, S. C. R. secretarius. (Locus sigilli).

Le Directeur-gérant, J. PHILIPPE.

Annecy, typ L. Thésio.

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ON S'ABONNE

EN FRANCE

REVUE SAVOISIENNE

Par un bon postal à l'or- JOURNAL PUBLIE PAR L'ASSOCIATION FLORIMONTANE D'ANNECY

dre du Directeur,

A L'ÉTRANGER

Par un effet sur une mai

son d'Annecy.

La Revue rendra compte des ouvrages dont deux exemplaires lui auront été adressés.

PARAISSANT LE 15 DE CHAQUE MOIS

Histoire Sciences-Arts - Industrie-Littérature

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L'ASSOCIATION laisse à chaque auteur la responsabilité entière
des opinions qu'il émet.

SOMMAIRE Les Gloires de la Savoie : IV. Hommes de guerre (suite), par M. J. Philippe. Notes géologiques sur la Savoie (suite): V. Questions soumises à la Société géologique de France, par M. G. de Mortillet. — Quelques inscriptions recueillies en Savoie (suite): Chambéry, par M. F. Rabut Bulletin scientifique, par M. M. Delafontaine.

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Chronique.

Quelque temps après que la Révolution française eût commencé à ébranler le monde, les Alpes devinrent un des remparts de la jeune république; la vieille Allobrogie retourna à la Gaule et toutes deux marchèrent unies dans la victoire comme dans les revers. Le sang savoyard arrosa tous les champs de bataille de la République et de l'Empire, et partout nos robustes montagnards se montrèrent jaloux de conserver la réputation de bravoure que leurs ancêtres s'étaient acquise.

Le premier capitaine que fournit la Savoie dans cette époque mémorable fut le général Doppet, né à Chambéry en 1753. Après s'être engagé dans un régiment de cavalerie française, Doppet, dégoûté du service militaire, alla à Turin où il fit son cours de médecine. Etabli ensuite à Paris, il prit une part active à la grande question qui agitait alors les savants et soulevée par Mesmer, celle du magnétisme animal. La révolution éclata, et Doppet, qui avait fixé sa résidence à Grenoble, embrassa avec ardeur les principes démocratiques; il partit pour Paris avec Aubert-du-Bayet, et bientôt il devint un des membres les plus actifs du club des Jacobins qu'il présida plusieurs fois.

Doppet travailla plus que tout autre à amener la réunion de la Savoie à la France, et lorsque l'assemblée nationale décréta la formation de la légion franche des Allobroges, il fut nommé lieutenant-colonel de cette troupe que Bonaparte eut plus d'une fois sous les yeux et qu'il qualifia souvent du titre d'excellente. Protégé par son parti politique alors à la tête du gouvernement, et grâce aussi à sa bravoure éprouvée, notre jeune compatriote franchit avec rapidité les degrés de la hiérarchie militaire, et il assista, en qualité de général de

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brigade, au siége de Toulon. Puis il passa au commandement de l'armée des Alpes et fut chargé de faire le siége de Lyon comme général en chef.

On connaît le sort de cette malheureuse ville, dit un biographe de Doppet, mais ce que l'on ignore, c'est que Doppet, ardent sans- culotte, loin de prendre part aux atrocités commises par les Couthon, les Collot-d'Herbois et autres, contre les Lyonnais, sauva la vie à plusieurs de ces derniers au péril même de la sienne.

Doppet se vit ensuite investi du commandement en chef de l'armée des Alpes, et successivement de celle de Toulon et de celle des Pyrénées-Orientales; enfin la chûte des jacobins le surprit dans les deux Cerdagnes, où il était allé remplacer le général Dagobert et où il avait obtenu quelques succès; il tomba avec son parti; ardent républicain, il ne voulut pas pactiser avec ceux qu'il regardait comme réactionnaires; il se retira de la scène politique et mourut à Aix en 1800. Doppet brilla plus par sa bravoure que par ses talents militaires, mais il n'en doit pas moins être compté au nombre des hommes remarquables qu'enfanta la Révolution; au nombre de tous ces jeunes généraux, la plupart improvisés, qui montrèrent au premier jour de bataille autant de sangfroid, de courage et d'expérience que des chefs vieillis dans les camps.

Doppet a publié une assez grande quantité d'ouvrages scientifiques ou politiques. Ses Mémoires politiques et militaires, qu'il fit imprimer en 1797, ont été reproduits dans la Collection des mémoires de la Révolution française, en 1824.

A côté de Doppet et à la même époque, vient se placer l'une de nos plus grandes illustrations militaires : le lieutenant-général Dessaix, comte de l'Empire. Comme le colonel des Allobroges, Dessaix était médecin; lorsque la Révolution éclata, il habitait Paris, et, le 12 juillet 1789, il entra comme volontaire dans la garde nationale parisienne. En 1792, il s'aida à organiser la légion des Allobroges dont il fut un des capitaines; il prit part avec une portion de cette légion, à la journée du 10 août, et à la fin de la même année, il fut envoyé avec les troupes chargées de s'emparer de la Savoie. Dans cette campagne Dessaix se distingua plus d'une fois, surtout à Lanslebourg, où, à la tête de vingt-cinq cavaliers, il entra au galop et épouvanta les troupes piémontaises démoralisées. Son intrépidité et ses talents lui valurent le grade de chef de bataillon; il avait alors 28 ans.

Envoyé ensuite contre les Marseillais, Dessaix entra à Marseille avec le grade de chef de brigade qui lui avait été donné le 17 août 1793. Puis nous le voyons, toujours à la tête de ses intrépides Allobroges, au siége de Toulon, où il refusa le grade de général de brigade. En 1794, il passa à l'armée des Pyrénées, et avec seize cents hommes, trois pièces de canon et un obusier, il défit huit mille Espagnols devant Oms; il décida la victoire, par un mouvement habile, dans la bataille de Saint-Laurent de la Mouga; peu après, cerné par quatre mille hommes, il se précipita sur l'ennemi à la tête d'un bataillon d'Allobroges, culbuta tout sur son passage et fit sept cents prisonniers! Les Allobroges étaient des rustres courageux, il faut l'avouer !

Et lorsque Dessaix passa ensuite à l'armée d'Italie, quels prodiges de valeur ne fit-il pas? A Saint-Jean, en 1796, où malgré un coup de baïonnette qu'il avait reçu à la tête, il se battit jusqu'à onze heures du soir; à Lodi, où par son impétuosité il rompit une charge de la cavalerie autrichienne; à la prise de Salo, de la Roccal d'Anfo, de Storo et de Riva; près de Lavis, où par un heureux stratagème, avec sept chasseurs seulement, il fit poser les armes à deux cents Autrichiens!

En novembre 1797, après avoir combattu comme un lion et reçu deux blessures dans les environs de Vérone, Dessaix fut fait prisonnier avec cinquante officiers de sa division, et envoyé en Styrie et en Hongrie.

Remis en liberté après le traité de Léoben, il reprit son commandement, et fut nommé député au conseil des Cinq-Cents par le département du Mont-Blanc, en 1798. Après le 18 brumaire, il fut envoyé d'abord à l'armée du Rhin et ensuite en Hollande, où il commanda les places de Nimègue, Berg-op-Zoom et Rotterdam. Plus tard, il fut investi du commandement supérieur de Francfort, de La Haye, de Bréda et des duchés de Lunebourg et de Lawembourg; partout il s'attira la reconnaissance des populations.

Nommé général de brigade en 1803, Dessaix fut envoyé au camp d'Utrecht, et lorsque Napoléon 1er lui confia la 1 brigade de la 2e division de l'armée d'Italie, notre compatriote était chef d'état-major du me corps de la Grande-Armée.

En 1809, il se couvrit de gloire en Italie, et àWagram, il fut nommé général de division; ce fut à la même époque que Napoléon Ier, qui le surnommait l'intrépide, le créa comte de l'Empire.

Dans la campagne de Russie, Dessaix cueillit de nouveaux lauriers; à la bataille de la Moscowa, un biscaïen lui fracassa l'avant-bras droit et il fut transporté à Moskou, où il reçut l'ordre d'aller prendre le commandement de Berlin. Obligé de se retirer à Thonon à cause de ses blessures, notre intrépide compatriote reprit son épée en 1814, pour défendre le sol de la France. Bien que ses blessures se fussent rouvertes, il soutint avec son courage et son énergie ordinaires, une lutte inégale, et avec quelques conscrits ou volontaires, il reconquit sur les Autrichiens une grande partie du département du Mont-Blanc: ses nouveaux exploits le firent surnommer le Bayard de la Savoie.

En 1815, Dessaix fut appelé par Napoléon au commandement de la 19me division militaire; passé ensuite à l'armée des Alpes, il en prit le commandement après le départ du maréchal Grouchy; enfin il fut placé à l'armée du Nord jusqu'à l'arrivée du maréchal Suchet, et

revint défendre la Savoie, sa patrie. Mais l'heure des revers ayant sonné, Dessaix déposa son épée; il crut pouvoir se soustraire à toute persécution en ne rentrant pas en Savoie et en se retirant à Saint-Etienne; là on chercha à le compromettre; chassé du pays de Gex, qu'il avait choisi pour lieu de refuge, il alla à Thonon, sa ville natale, où il fut arrêté dans le mois de mai 1816. Emprisonné dans le fort de Fénestrelles, ce brave soldat dont le sang avait coulé vingt fois pour la France, ce général qui partout, dans les revers comme dans la victoire, s'était montré honnête homme et avait attiré le respect sur le nom français, ne vit s'ouvrir la lourde. porte de son cachot que lorsqu'il eut obtenu des lettres. de naturalisation, dans le mois de septembre suivant: et cependant Mme de Staël elle-même avait intercédé pour lui!

Outre les talents militaires, le général Dessaix possédait d'autres qualités éminentes qui le firent aimer et respecter des ennemis mêmes de la France. Partout où il exerça un commandement, il reçut des populations et des autorités étrangères les plus grandes marques de sympathies. Le roi de Prusse rendit un témoignage honorable de la bonne conduite et de la discipline des troupes confiées à notre compatriote pendant leur séjour dans son royaume. En 1815, dit un biographe, lors de la suspension d'armes convenue avec le feld-maréchal Crenneville qui commandait en Savoie, Dessaix reçut une preuve de l'estime que lui portaient les généraux ennemis, pour sa noble et belle conduite à la guerre. Le général Crenneville lui dit en présence d'un grand nombre d'officiers des deux armées : «Nous avons donné, général, les ordres les plus précis pour que vos propriétés et celles de votre famille fussent respectées ; c'est un devoir que nous remplissons à votre égard et que vous a mérité votre conduite franche, loyale et « désintéressée dans notre pays et dans tous ceux que « vous avez parcourus, où vous avez toujours maintenu la plus grande discipline, en protégeant les personnes et les propriétés..

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C'est avec bonheur que nous reproduisons ce témoignage éclatant de loyauté et d'honnêteté adressé à notre compatriote; la guerre est chose cruelle, et l'homme qui, au milieu des maux qu'elle engendre, s'efforce de la ramener autant que possible vers les principes humanitaires, mérite les applaudissements de tous les peuples. Malheureusement, les exemples de cette vertu sont rares, et c'est pourquoi nous sommes fiers de proclamer un nom savoisien au nombre des exceptions. (Sera continué.)

JULES PHILIPPE.

NOTES GEOLOGIQUES SUR LA SAVOIE

V.

QUESTIONS SOUMISES A LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE

DE FRANCE

Les questions dont doit s'occuper la Société géologique de France, pendant sa réunion extraordinaire en Maurienne, sont des plus importantes. Il s'agit de résoudre la difficulté qui a le plus embrouillé la géologie des Alpes, le problème anthracifère.

Sous le nom d'anthracifère on a confondu généralement tous les terrains qui se trouvent dans l'intérieur

des Alpes de la Savoie, du Dauphiné, du Piémont et d'une partie de la Suisse. Puis chaque géologue a subdivisé ces terrains d'une manière plus ou moins arbitraire, souvent, trop souvent, en désaccord avec toutes les lois géologiques et paléontologiques reconnues partout ailleurs.

Il s'agit maintenant d'établir une subdivision rationnelle, vraie, basée non seulement sur des observations stratigraphiques faites avec le plus grand soin, mais encore sur des données paléontologiques positives, rigoureuses. Il s'agit de démontrer que les terrains des Alpes, au lieu de se trouver dans des conditions anormales, exceptionnelles, ont été soumis aux mêmes lois que tous les autres; qu'ils ont été seulement plus profondément altérés, plus violemment bouleversés. Il s'agit de prouver que ces terrains contiennent les mêmes flores et les mêmes faunes distinctes que les terrains qui se trouvent en dehors des Alpes, et que ces faunes et ces flores caractérisent les mêmes époques diverses.

Tel est le but que se propose la Société géologique en venant en Maurienne, au centre des Alpes; but qui sera d'autant plus facilement atteint que les questions ont été déjà étudiées, depuis longtemps, avec ardeur, persévérence et talent, par les géologues que j'ai désignés dans un précédent article (1) sous le nom de révolutionnaires: la jeune école française et l'école suisse.

1° Cristallin.

La première course de la Société sera consacrée à étudier le terrain cristallin des environs de St-Jean. Les roches cristallines, Granite, Protogine ou granite talqueux, Gneiss, Micaschiste et Talschiste, forment la base sur laquelle reposent, contre laquelle s'appuient toutes les autres roches. |

Les roches de sédiment se sont d'abord déposées d'une manière horizontale sur les roches cristallines qu'elles ont recouvert. Mais, plus tard, par suite de violents soulèvements, les roches cristallines trouant les roches de sédiment, ont formé, au milieu de ces dernières, de vastes BOUTONNIÈRES, suivant l'expression si pittoresque et si heureuse de M. Elie de Beaumont, et se sont fait jour à travers ces boutonnières.

Ces TROUÉES de roches cristallines au milieu de roches de sédiment s'observent sur toute la longueur de la chaîne des Alpes, et leur ensemble forme, à peu près, l'axe central de cette chaîne.

Une belle trouée cristalline, partant de Flumet et de la vallée de Beaufort, traverse la Tarentaise ou vallée de l'Isère, entre Albertville et Petit-Coeur, la Maurienne ou vallée de l'Arc entre Aiguebelle et La Chambre, et, passant dans le Dauphiné, va se terminer en Oisans dans la vallée de la Romanche. Les bords de la boutonnière qui enferme cette trouée sont formés par les grès carbonifères, les grės supérieurs et cargneules, et surtout par les calcaires et schistes ardoisiers, si développés, du lias.

Tout près de St-Jean-de-Maurienne, entre cette ville et La Chambre, la grande trouée est flanquée d'une autre trouée de roches cristallines, beaucoup plus petite, qui forme le massif de Rocherai et à laquelle appartiennent les roches de l'Echaillon.

(1) Note III. Le terrain anthracifère, dans la Revue savoisienne du 13 mars 1861.

C'est un fait très fréquent de voir les grandes trouées cristallines des Alpes ainsi accompagnées de trouées beaucoup plus petites, de trouées accessoires.

Les roches cristallines ont ouvert les boutonnières à travers lesquelles elles se sont fait jour par une action de soulèvement.

Lorsque la poussée n'a pas été suffisante pour rompre les roches de sédiment, ces roches forment voûte au-dessus des roches cristallines. Dans la petite trouée voisine de St-Jean, les parois qui dominent Pontamafray et la source de l'Echaillon montrent les grès altérés, les schistes bariolés, les cargneules et gypses, enfin les schistes ardoisiers formant ainsi voûte sur le cristallin.

Mais lorsque la trouée est complète, lorsque la boutonnière est entièrement ouverte, les couches sédimentaires entourent tout le massif cristallin.

Si la poussée qui a mis à jour les roches cristallines s'est faite verticalement, les couches sédimentaires formant les bords de la boutonnière viennent s'appuyer des deux côtés sur le massif cristallin, suivant une inclinaison plus ou moins forte, mais dans leur ordre naturel de superposition; c'est ce qui a généralement lieu pour la trouée qui traverse la Maurienne.

Mais au contraire, si la poussée s'est faite obliquement, les roches cristallines, en ouvrant la boutonnière, se sont rejetées sur les couches de sédiment qui forment l'un des côtés et les ont renversées. Dans ce cas, d'une part les couches sédimentaires s'appuient bien régulièrement sur le massif cristallin, en conservant leur ordre normal de superposition, mais de l'autre part, du côté opposé, les roches cristallines recouvrent les couches sédimentaires qui se trouvent, par suite du renversement, dans un ordre inverse, les plus récentes supportant les plus anciennes et paraissant ainsi plus vieilles. Cette poussée oblique s'observe très bien dans le massif du Mont-Blanc. Du côté de Courmayeur, les roches sédimentaires ont conservé leur ordre normal, tandis que du côté de Chamonix elles sont renversées, le cristallin s'appuyant sur elles, comme on l'a signalé depuis longtemps.

Les roches cristallines, en trouant les roches sédimentaires, ont, suivant l'expression de Dolomier (1), déchiré le manteau qu'elles portaient sur leurs épaules en en conservant des lambeaux. C'est ainsi qu'il cite les Aiguilles-Rouges, près du Mont-Blanc, où M. Favre (2) a en effet reconnu, sur le sommet d'une pyramide cristalline, le grès carbonifère, les cargneules et les schistes calcaires du lias.

Sur la croupe du Grammont, entre la vallée de Beaufort et celle de l'Isère, j'ai signalé (3) des grès blancs et des cargneules isolés au milieu des roches cristallines qui composent la montagne.

Vers le sommet de la Belledonne, entre Allemont et Domêne, près Grenoble, M. Lory (4) indique un lambeau de grès carboniférien, etc., etc.

Mais ce n'est pas seulement sur les sommets que se trouvent ces lambeaux, ils sont parfois contenus dans

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