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Dans ces deux tracés, l'identité de plusieurs noms anciens et modernes est évidente, comme l'Alpe grecque ou le Petit-Saint-Bernard, Aixme; Lémenc, Aoste, Bourgoin, Genève, Lausane, Orbe. Il ne s'agit que de vérifier les distances des points connus et de rechercher l'emplacement des autres.

La mesure, sur des cartes même les plus détaillées, est très inexacte dans les pays de montagnes, où il y a tant d'accidents de terrain. Je me suis procuré les itinéraires des bureaux du génie de Chambéry, d'Albertville et de Moûtiers. Mais les mesures des routes actuelles sont loin de représenter toujours les distances anciennes, même entre des points dont l'identité est reconnue; car les routes ont subi tant de variations depuis un siècle. En outre, dans la montée du PetitSaint-Bernard, le chemin actuel a quelquefois une pente de trente pour cent; ce n'est donc plus la voie. carrossable de Strabon.

Je dus renoncer bien vite à deux moyens qui avaient. induit en erreur ceux qui s'étaient occupés antérieurement de ce travail. Il ne restait qu'une chose à faire : découvrir les vestiges des plus anciennes routes, en étudier l'ensemble et les détails, les mesurer sur place, et lorsque le résultat serait satisfaisant, en constater l'antiquité. La tâche était longue; je dus me borner d'abord au pays des Centrons; j'abordai plus tard celui des Allobroges, entre le Petit-Saint-Bernard, Vienne et Genève.

L'essentiel est de partir d'un point sûr. Et si le PetitSaint-Bernard est évidemment l'Alpis graia, il n'est pas aussi facile de fixer le point de départ sur un plateau qui a près de cinq kilomètres. L'hospice actuel est de construction moderne, et les masures que baigne le lac créé par un des recteurs, ne sont pas assez caractérisées pour servir de base à une proposition historique. Le seul monument qu'on aperçoive de loin est un fût de colonne de 4 mètres 48 de hauteur, 37 de diamètre à la base, et surmonté d'une croix de fer. C'est un granit très quartzeux, veiné de mica. Or, cette roche n'est à découvert qu'aux environs de Pré-Saint-Didier, à près de 12 kilomètres plus bas, par une descente très rapide. D'où l'on conclut que le transport a dû être une affaire d'Etat et que ce pourrait bien être la colonne-Jou, sur le chapiteau de laquelle, au dire de Caton, une escarboucle représentait l'œil de Jupiter, d'où columna jovis. Mais elle n'a aucune inscription, ce qui n'est pas étonnant, car les inscriptions des colonnes se trouvent en général sur le dé du piedestal, excepté sur les bornes miliaires, dont la base cubique servait à les fixer en terre. Or, il ne paraît pas que ce fût ait formé un monolithe avec sa base; il a les caractères d'une colonne plutôt que ceux d'un milliaire.

A plus de 30 mètres nord-ouest de la colonne, et sur le plus haut point du plateau, se trouve un trapèze dont la figure est ici représentée sur une échelle d'environ 1/4000°. Les mesures sont prises en dedans des murs. Les lignes noires indiquent les ruines, dans lesquelles on trouve des poteries romaines, des tuiles crues de couleur jaune, tegula, des festières cuites, imbrex. Les murs indiqués en lignes pointées étaient construits avec un appareil beaucoup plus grossier et ne contiennent pas d'antiquités. La base du trapèze fait face au vent de la Tarentaise.

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On apprendra avec plaisir que M. Louis Revon, conservateur du Musée d'Annecy, profitant d'un congé qui lui a été accordé pour faire un voyage artistique à Paris, est en voie d'effectuer plusieurs acquisitions importantes pour notre Musée, entre autres celle de deux beaux squelettes pour servir aux études anatomiques, de plusieurs animaux rares, etc.

M. Revon a aussi sollicité et espère obtenir du gouvernement plusieurs ouvrages précieux en faveur de notre bibliothèque.

L'Association Florimontane a reçu de M. J. Favret, attaché à la préfecture de la Haute-Savoie, les deux ouvrages suivants, dont il est l'auteur :

1° Annuaire administratif, historique et commercial du département de la Haute-Savoie, pour 1861.

2o Guide des Maires et des Receveurs municipaux, 3o édition.

On annonce comme devant paraitre la semaine prochaine une Statistique générale de la Haute-Savoie, par M. Ch. de Picamilh, chef de division à la Préfecture.

La section d'industrie et d'agriculture de l'Institut genevois a ouvert un concours pour la composition du meilleur Manuel d'Apiculture, ou Traité sur l'éducation des abeilles. Le prix sera de 250 fr., et les mémoires seront reçus jusqu'au 15 juillet inclusivement.

Sans trop nous préoccuper des transitions, nous passons de la question des abeilles à celle des huitres. Les consommateurs, après avoir vu le prix de ces mollusques augmenter en raison directe de leur diminution en nombre et en volume, pourront désormais se rassurer. Les essais d'huitrières artificielles, entrepris en 1858 par M. Coste dans la rade de Saint-Brieuc, sont passés maintenant à l'état d'exploitation industrielle pour un grand nombre de points du littoral; ainsi la baie d'Arcachon, la rade qui promet des résultats magnifiques. Il suffira de citer un exemde Toulon, l'ile de Ré se couvrent d'une population sous-marine ple les huitrières établies autour de l'ile de Ré fournissent une moyenne de 600 huitres par mètre carré sur une surface de 630,000 mètres.

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Pour la chronique, J. Philippe. Jules Philippe, directeur-gérant.

IMPRIMERIE DE LOUIS THÉSIO.

2me Année N° 4

(Omnes omnium caritates patria una complexa est.)

15 avril 1861

ON S'ABONNE

EN FRANCE

REVUE SAVOISIENNE

Par un bon postal à l'or- JOURNAL PUBLIÉ PAR L'ASSOCIATION FLORIMONTANE D'ANNECY

dre du Directeur;

A L'ÉTRANGER

Par un effet sur une maison d'Annecy.

La Revue rendra compte des ouvrages dont deux exemplaires lui auront été adressés.

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PAYABLE D'AVANCE

On ne reçoit que des abonnements annuels.

Les communications de tous genres adressées à la Revue savoisienne doivent être affranchies.

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LES CHATEAUX ET LOCALITÉS DE LA SAVOIE APPELÉS CHATELARD (Suite)

Durant les XVI et XVIIe siècles, et malgré les actes émanant de Charles III et d'Emmanuel-Philibert, la terre du Châtelard ne paraît pas avoir été possédée par leurs successeurs. Elle passa, si l'on doit en croire quelques manuscrits que j'ai consultés, dans les mains de la fille de Jacques de Savoie, qui serait entrée dans la maison d'Urfé. Une fille issue de cette alliance se serait mariée au comte de la Trinité de Bene, qui plus tard, accordant une de ses filles à Bertrand de Seyssel, lui aurait constitué en dot ses droits sur le Châtelard.

Je ferai remarquer que ces notes du chroniqueur doivent être erronées, Jacques de Savoie, comte de Romont, n'ayant eu qu'une seule fille, laquelle, née du mariage avec Marie de Luxembourg, épousa le comte de Nassau et de Viave (!).

Quoi qu'il en soit, on peut considérer comme certain que la seigneurie dont nous parlons avait passé aux mains de Bertrand de Seyssel, puisque divers actes en font mention, et notamment la transaction du 22 novembre 1586, Dufourd notaire, passée avec Bertrand de Gemilly, prieur et seigneur de Bellevaux. Bertrand de Seyssel, baron de la Serraz et du Châtelard en Bauges, mestre de camp, général et cornette blanche de la noblesse de Savoie, fut aussi chevalier de l'ordre de l'Annonciade en 1618 (Grillet).

Quelques années avant cette époque, Bertrand de Seyssel et son fils Louis affectèrent la terre du Châtelard pour sûreté des reprises matrimoniales de Jacqueline de Chouvirey (2). Louis étant mort sans enfants, en

(1) Blanc, tom. II, pag. 130.

(2) Les Chouvirey portaient d'azur à la bande d'or accompagnée de sept billettes d'argent quatre en chef et trois en pointe (Guichenon). D'après un manuscrit, les armes de Chouvirey étaient d'azur à fleur de lys d'argent au centre. J'ignore s'il s'agit de la même famille.

1615, sa veuve épousa Alphonse, fils de Pierre de Maillard, baron de Tournon. A ce nom savoisien se rattache le souvenir d'une fidélité d'autant plus digne d'éloges qu'elle fut plus rare. Pierre de Maillard, originaire de Rumilly, resta constamment et sans réserve attaché aux intérêts du malheureux Charles III et occupa une glorieuse place dans cette phalange des quarante gentilshommes savoisiens et piémontais qui partagèrent l'infortune comme les succès d'Emmanuel-Philibert. C'est en récompense de ses services que, élevé aux fonctions de gouverneur de Savoie, il obtint l'érection en comté de la seigneurie de Tournon. Alphonse de Maillard, bien que n'offrant pas une illustration aussi marquée, fut premier capitaine de l'escadron de Savoie (Grillet) (1). Un procès en restitution de la dot de Jacqueline de Chouvirey ayant été intenté, Bertrand de Seyssel liquida cette créance à 5,100 ducatons de sept florins six sols pièce; et pour garantir cette somme fixée par transaction du 3 avril 1618 Rochefort notaire, il obligea de nouveau la terre du Châtelard.

En 1618 et par acte du 5 décembre déjà mentionné dans le cours de cette notice, Bertrand de Seyssel ne pouvant acquitter sa dette envers la famille de Tournon, vendit la terre du Châtelard, au prix de 27,000 florins et 100 pistoles d'épingles, à Horace Bonfils, soit, pour lui, son ami à élire. Celui-ci fut Sigismond d'Est, marquis de Lans, qui, le 20 juin 1619, fit ériger en marquisat la baronnie du Châtelard. Cette seigneurie embrassait alors les neuf communes de Bellecombe, La Motte, le Châtelard, Aillon, Doucy, la Compôte, Jarsy, Ecole et

Sainte-Reine.

Cependant, la dame de Chouvirey n'avait point encore obtenu paiement. Elle se pourvut au sénat pour être maintenue dans la possession du fief; puis, par un acte du 19 juillet 1619, Bugnet notaire, elle traita avec le marquis de Lans, lui accordant trois ans de terme, avec faculté à la créancière de se mettre en possession des fonds et droits affectés par l'hypothèque.

Le marquis de Lans, n'étant pas plus exact que ses prédécesseurs à désintéresser Jacqueline de Chouvirey, vendit cette terre au prince Thomas, en date du 24 juillet 1624. Ce prince, cinquième fils de CharlesEmmanuel Ier dit le Grand, porta les titres de prince de Carignan, marquis du Châtelard en Bauges, etc.

(1) Cette maison portait d'azur à étourneau d'argent aux ailes déployées (armorial de M Serand).

Il devint grand maître de France et général des armées de S.M.Vaillant capitaine, il fut néanmoins malheureux dans un grand nombre de ses entreprises. De sa femme Marie de Bourbon, fille du comte de Soissons, il eut plusieurs enfants dont l'un, Emmanuel-Philibert-Amédée de Savoie, porta aussi les titres de prince de Carignan et marquis du Chastelard en Bauges. Un autre était Eugène Maurice de Savoie, comte de Soissons, colonel général des Suisses et Grisons de France, gouverneur | de Champagne et de Brie, qui épousa Olympiade Mancini, nièce du cardinal de Mazarin.

Thomas est le seul prince dont le souvenir ait été conservé dans ses anciens domaines, où un bâtiment assez considérable qu'il fit élever et qui subsiste encore à peu de distance du bourg, est toujours connu sous le nom des Ecuries du prince Thomas. La distance qui sépare cet édifice de l'ancien château nous permet de supposer que celui-ci était, déjà à cette date, complètement tombé en ruines. Etrange prestige qui entoure la dignité princière! je me rappelle les sentiments de crainte qui m'agitaient lorsque mon père me conduisait dans cette vieille demeure. Et singulière destinée des choses de ce monde, les écuries du prince Thomas formaient, deux cents ans plus tard, la demeure seigneuriale du dernier représentant de la famille héritière de toutes ces gloires.

Cependant le prince, pas plus que les marquis et barons, n'avait songé aux intérêts de la dame de Chouvirey. Entrée en possession des terres depuis 1622, elle et, successivement, Henry-François, puis Victor de Maillard de Tournon, les conservèrent jusqu'en 1665. Le premier portait les titres de baron du Bouchet, Bernex et Confignon; il fut capitaine dans les chevaux-légers: le deuxième, au titre de comte de Tournon joignit celui de marquis d'Alby, et après avoir rempli les fonctions de gouverneur du château et comté de Nice, de véadour général et capitaine de la première compagnie des gardes du corps, il fut créé chevalier de l'ordre de l'Annonciade en 1696 (Grillet).

Enfin, en 1665, après des retards prolongés durant 47 ans, les héritiers du prince Thomas s'occupèrent sérieusement de la dot de Chouvirey. Ces héritiers étaient Philibert de Carignan et Eugène de Savoie, comme l'établit une transaction du 26 septembre 1660, Claude Despine notaire. Néanmoins, vingt années s'écoulèrent encore avant une solution définitive, qui fut seulement consacrée par l'acte du 13 février 1685, Humbert notaire. Ce titre relate la sentence arbitrale du 22 décembre 1664 et le recours que l'héritier de Tournon avait présenté à Dufour de Rocheron, juge-mage de Savoie, pour obtenir une subhastation, « le recourant, disait-il, ne pouvant être obligé de demeurer perpétuellement en hypothèque. De nos jours, ces monstrueux procès transmis de génération en génération ont, grâces à Dieu, presque disparu. Cela tient-il à l'esprit plus pratique de notre siècle, ou bien à une plus grande abondance de numéraire? A ces deux causes réunies probablement. Toutefois nous en retrouvons encore de rares exemples, et un de mes premiers travaux de stagiaire fut la reprise d'une instance nouée depuis dès plus de 80 ans entre la famille de Thorens-Sales et celle des comtes de BorringeGenève.

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En 1688 et le 21 octobre, sauf erreur, les princes de Carignan-Soissons prirent possession du marquisat du

Châtelard; puis, le 4 février 1689, par acte Grinjon (ou Giacon) notaire, ils aliénèrent ce fiefen faveur des frères Joseph et Paul de l'Escheraine qui, depuis lors, ont réuni dans leurs mains les deux principales seigneuries des Bauges.

La famille de Lescheraine a ultérieurement consenti plusieurs consignements entre les mains du souverain qui leur accordait investiture. Je puis notamment rappeler ceux faits parle président de Lescheraine en 1692, et par Pierre-Louis en 1735. Mais à cette époque la gestion des terres seigneuriales était l'objet de si peu de soins que le document dont je viens de parler semble avoir été ignoré des intéressés eux-mêmes en effet, en 1758, le marquis présenta requête aux fins d'être restitué en temps et en entier contre le défaut de ses auteurs, disait-il, de s'être conformé au prescrit de l'édit du 10 avril 1734 qui obligeait tous seigneurs et possesseurs de fiefs, biens et rentes féodales, à les déclarer par articles et dénombrement dans un délai déterminé.

Quant au fief de Lescheraine, sa destinée fut moins agitée, sans doute à cause de sa moindre importance. Il ne constituait dans le principe qu'une maison forte inféodée à un certain Mistralis. Confisqué à son préjudice en punition d'un crime commis, il passa à Jean de Allevis qui, en 1439, en a aussi été dépouillé pour un crime. En 1440, inféodation en fut accordée à Barthélémy de Chabod, alors châtelain du Châtelard.

Les descendants de celui-ci, notamment un Jean et un Louis de Chabod, ont porté le nom de la terre de Lescheraine dont leurs descendants jouirent pendant près de deux siècles, en ayant reçu l'investiture en 1530. En 1682, Paul de Lescheraine fit ériger cette terre en marquisat. Vers 1700, la maison Posterla, alliée aux de Chabod, se rendit acquéreur de leurs droits; acquisition quiest rappelée dans un acte du 20 janvier 1704, Pillet notaire.

Cependant cette seigneurie ne tarda pas à rentrer au pouvoir des de Lescheraine, bien que j'ignore en vertu de quel titre; mais ces derniers se nommaient de Lescheraine de Blancheville.

Guichenon, dans l'indice armorial, faisant partie de son histoire de Bresse et Bugey, signale une famille de Lescherenne, modifiant ainsi l'orthographe usitée en Savoie, mais il ne rapporte pas leurs armes. Le même auteur doit encore, si je ne me trompe, expliquer l'origine des Blancheville (1).

Indépendamment des deux fiefs principaux dont je viens de retracer l'histoire, on trouvait dans les Bauges plusieurs rentes et biens féodaux d'importance secondaire. La plupart sont venus se réunir dans les mains des de Lescheraine, bien que, originairement, l'investiture en eût été conférée à des familles dès longtemps éteintes. Parmi celles-ci, je puis indiquer François d'Alby, Ugonetto d'Epernay, Giacomo della Compôte, Aynard de Leschaux, Gioanni Vittardi, etc.

La puissante famille des de Lescheraine a disparu dans les premières années du XIXe siècle. Peu à peu, le malheur des temps, les révolutions qui ébranlèrent la société dans ses bases les plus profondes, puis des spé

(1) D'après un armorial non imprimé et dont M. Eloi Serand, auquel nous devons déjà tant de documents précieux, a assuré la conservation, les Lescheraine portaient d'azur à bande ecolée d'or. Les armes des Blancheville étaient d'or à l'ours levé en pied de sable (armorial Serand).

culations industrielles désavantageuses, avaient amoindri ses magnifiques domaines. J'ai connu le marquis de Lescheraine, dernier du nom; sa veuve doit exister encore à Saint-Pierre d'Albigny. Tous les biens ont été vendus. Mon père s'efforça, mais en vain, d'en sauver quelques débris et de les réunir autour de la vieille tour du Châtelard, seul jalon qui marque à notre génération oublieuse les grandeurs d'un temps passé. Avant peu d'années, le nom des Lescheraine, effacé par celui de leurs héritiers, les du Noyer, les de Chambost et les d'Aviernoz, sera inconnu dans ces pays où durant tant de siècles il régna en souverain.

Malgré le voisinage de ses redoutables voisins, le bourg du Châtelard avait su conquérir son indépendance et des franchises respectables par leur ancienneté. En effet, une patente du comte Edouard (quinzième prince de ladynastie de Savoie), du 9 mars 1324, accordait aux vilains et manants de nouvelles et nombreuses concessions, lesquelles furent renouvelées et confirmées le 17 janvier 1392, par la duchesse Bonne de Bourbon, veuve d'Amé VI dit le Comte Vert.

Mais, comme marque de l'ancienne servitude, des droits assez lourds étaient réservés aux seigneurs, et pour compléter cette notice il est peut-être utile d'en faire connaître quelques-uns.

Ainsi, les indominieures, à l'occasion du Châtelard, attribuent aux princes de Savoie :

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1° Le Chasteau avec le Mollard et appartenances d'icelluy.

2o Deux chazals de maison audit Mollard.

3° L'éminage du bled qui se vend au Chastellard qui vallait pour l'hors une bichette froment et un quarton avoine.

4o Le banc du vin au moys d'apvril qui vallait deux « florins six deniers..... obolles.

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5o Le prince perçoit des cordonniers qui travaillent au Chastellard une paire de solliers payable à chaque feste de Saint-Martin.

6° Il perçoit de chaque cordonnier s'il venddes escorces rière le mandement dudit Chastellard trois gros; et si l'on travaille ladicte escorce dans ledict lieu autres trois gros.

7° Plus perçoit la moitié de la layde du sel de ceux qui la viennent vendre audict Chastellard.

8° Plus appert que les bolangers doivent impost estant taxé le pain.

9° Plus perçoit le jour des foires du Chastellard qui * sont au commencemeut de may, et en octobre soit la << Saint-Martin, la layde qu'est accoustumée percevoir lesdicts jours qui peut arriver à six florins petit poids. 10° Plus le péage qu'est pour charge trois deniers forts et pour chasque paire de bœufs s'en allant vers le Genevoys quatre deniers forts; pour chasque mou⚫ton et agneau cinq deniers et pour chasque vache s'en allant contre le Genevoys ung autres denier fort: et pour chasque chèvre autant, et s'ascensoit autrefois « florins 32, quelquefois plus, quelquefois moins.

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11° Pour l'asle dudict Chastellard avec la banche y estant rendoient annuellement 17 sols.

12° Item la montagne et bois de la Maladière qui prend dès l'eau Chéran jusqu'à la montagne de Rossana et les terres de ceux de Mont Tardier jusques au ⚫ pré Favière.

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13° Item les bois et montagnes situés vers Frassin

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et tend depuis les terres de ceux du Chastellard de la << part de dessoubs et d'un rocq de dessoubs le Chastellard jusques au nant de Malbuisson, sauf quelques pièces de bois qui sont dans lesdicts confins qui appartiennent aux héritiers de Jean Darict et Aymonet Frassin et Jean Regol qui sont du fief de mondict seigneur. 14° Item un grenier rière Escole dans la maison que solloit être des Bernard dudict Escole, édifié audessus de ladicte maison pour y reposer le bled dudict " Seigneur.

15° Item un moulin composé de deux moulins soubs un même Triet sis vers le pont de la Maladière, iceluy <appelé le moulin d'Escorcheval avec leurs rivages et << appartenances avec un battoir proche ledit moulin. Ledit moulin s'ascensoit quatre seytiers Froment.

46° Item mondict seigneur a le four d'Escole qui « s'ascensoit 22 sols.

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17 Item audit lieu certaine place qui solloit être grenier dudict Seigneur.

18° Plus mondict seigneur a riesre Bellecombe un placéage situé soubs le cimittière où soulloient estre deux grandes arches de sapin dans lesquelles on reposoit le bled que l'on percevoit vers Bellecombe.

19° Item a riesre le lieu d'Arict autre placéage proche le cimittière de la part du vent deux autres grandes arches de sapin pour reposer le bled que l'on perçoit riesre ledict lieu..

Lesdites indominieures estant au commencement d'ung livre et au répertoire d'iceluy stipulé par Me Tessat, contenant 223 feuillets, recouvert de basanne rouge sur ais de l'an 1347.- Et dans ung autre livre stipulé par Me Jacques Prodhomme de l'an 1435 qui contient 143 feuillets. Et dans ung autre livre stipulé par ledict Me Prodhomme de l'an 1437 contenant 218 feuillets. Note sur les mesures anciennes du Chastellard. 1° Deux quartes valent une bichette à la mesure du froment.

2° Cinq esquelles valent une bichette: deux bichettes. valent ung quartan froment: six quartans valent ung seytier.

3o Pour l'avoine, une razière d'avoine vault deux bichettes.

4° Item, une cornée vault troys bichettes et demy. 5° Item, un quartan avoine vault quatre bichettes. Six quartans vallent ung seytier à la mesure du Chastellard.

Une vaveine et ung quartan est le même.

Un seytier vault douze bichettes, sauf l'avoine qui double.

Tiré sur le livre de Me Charansonnex, contenant 383 feuillets de l'an 1488 en la Chambre des Comptes.

Pour animer les arides nomenclatures de chiffres qui remplissent cette notice, j'aurais désiré pouvoir recueillir quelques chroniques, quelques anciennes traditions: malheureusement mes recherches sont restées sans résultat. J'en excepterai toutefois une seule chronique rapportant que les ouvrages avancés de l'ancien château auraient été détruits par un éboulement miraculeux, analogue à la chute du mont Granier, qui ensevelit la ville de Saint-André et créa les abymes de Myans. Tout fait présumer que les possesseurs des fiefs, découragės par le mauvais état des ruines féodales, avaient depuis olngtemps cessé d'y résider. Paradin, Frissatus, Blanc et Grillet, restent ici pour moi des guides muets. Les

seuls souvenirs gardés de mon enfance sont l'existence de rares et vieilles armures, de peintures et porcelaines du Japon, puis une magnifique tête de cerf abattu peutêtre dans le bois de la Maladière et dont quelques branches, sciées par un de mes grands oncles, s'étaient transformées en ornement des horloges de bois qu'il s'amusait à fabriquer. On me contait aussi que le maréchal Bugeaud, pendant la courte occupation du Châtelard, en avait égayé la monotonie en faisant, un jour de foire, cerner les avenues du bourg; alors usant du droit du plus fort uni à la galanterie française, il avait improvisé un bal peuplé de nos robustes montagnardes.

C'est à peine si vingt ans écoulés, depuis mon dernier pèlerinage au berceau de ma famille, permettent à ma mémoire d'en reproduire la physionomie. Je ne saurais donc mieux faire que d'emprunter les quelques lignes écrites en 1857 par une main amie, un autre enfant des Bauges.

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La roche qui porte le château a été vendue à L... Entre les quartiers de rocs et les monceaux de ruines ⚫ éclaircies et déblayées à mesure que des constructions nouvelles les peuvent utiliser, apparaissent de petits tapis de gazon brouté par d'humbles bestiaux. Quel«ques bois taillis trop souvent rabattus, les coudriers, les pins mutilés, les genièvres aux directions capricieuses, l'églantier et puis les ellébores en abondance ont remplacé les fossés et les meurtrières. Là une < grande croix, surmontant les vestiges des grandeurs ⚫ périssables et presque disparues, s'élève sur la sommité culminante. Dominant le bourg, elle atteste une protection plus efficace que celle de l'orgueilleux ⚫ baron. Ici la place où s'allumait le grand feu de la saint Jean, autour duquel dansaient nos pères. De loin en loin quelques pans de mur sont encore debout, mais si rares qu'ils ne suffiraient pas à l'imagination pour « retracer l'enceinte. Lorsque toutefois le touriste frappe du pied, il semble évoquer un esprit des siè«cles écoulés; un écho lointain résonne dans les voûtes du castel antique. L'existence encore actuelle des vieux. souterrains, que la tradition populaire dit considérables, se révèle par un long murmure; comme aussi « l'escalier taillé dans le roc atteste les labeurs des fortes générations qui précédèrent la nôtre. Un usage traditionnel conserve le souvenir des bourgeois qui animèrent jadis le manoir. Le jour de Pâques, après les vêpres, les jeunes gens du bourg dressent la cible d'honneur; et celui dont la carabine favorise l'adresse rentre triomphalement dans le bourg au son des violons: puis là hommage lui est rendu par un repas homérique. Ainsi, lutte avec les armes, inspirée par le seul point d'honneur, joyeux hommage et souper pantagruelique, n'est-ce pas là tout un reflet des anciens passe-temps réservés au castel? En descendant vers Ecole, quelques pierres indiquent encore au pied du roc le château de Montmayeur. Le Chéran, avec ses eaux bleues et écumantes qui, à quelques kilomètres plus en aval, se chargeront de paillettes d'or, anime là-bas le moulin et la scierie. Si le regard est dirigé vers le bourg, la maison Despine attire d'abord l'attention. L'insouvenance irrespectueuse de ce siècle n'a pas atteint encore cet ancien asile de la bonté et de l'étude. Des mains de cette famille à demi-seigneuriale, ⚫ continuant au nom de la religion une influence presque

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féodale, cette maison a passé de fait à la commune qui l'occupe par les écoles. Il faut qu'elle reste la maison de tous, la maison des enfants, la mai« son des consuls.... Ainsi, ce même asile, où mon père apprit à lire en même temps que monsei«gneur Turinaz sur les genoux du bon prieur, voit « encore la jeunesse du Châtelard accourir au son de ses « mêmes clochettes : les bonnes Soeurs amusent les en«fants dans ce même préau où nos pères essayèrent leurs forces; et les bruits joyeux des voix des enfants éveillent les mêmes échos. Cependant le vieil édifice « conserve son ancienne physionomie; aucun replatrage moderne ne cache ses rides, les volets s'affaissent insensiblement sur leurs gonds; çà et là un lambeau de porte vient grossir la masse des débris ; la vigilance endormie de l'administration perpétue ce « laisser-aller aimé des poètes et des touristes. Les terrasses, où les vieux prieurs psalmodiaient leurs offi⚫ces au milieu de orages révolutionnaires, s'effondrent peu à peu en talus rapides; la pervenche et le serpolet, semblables à cette rude mais robuste nature du tiers état, usurpent chaque jour la place qu'occupait l'ancien parterre. Voici la grotte d'où ces hommes pieux, s'abaissant aussi vers la fin de leur carrière, « prononçaient une prière d'adieu à l'heure du soleil couchant. Voici la fontaine qui coulait pour eux; à chaque pas leur souvenir ranime ces modestes re⚫ traites.

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...... Nous ne trouverons plus au Châtelard les couleurs rustiques et patriarcales des anciennes Bauges. On n'y voit plus d'exemple de cette fidélité à toute épreuve imprégnée de l'ancien servage, par laquelle les domestiques se vendaient, suivant leur expression: le serviteur engageait sa liberté pour la vie; le maître adoptait le serviteur comme membre de la famille. Le dernier contrat de cette espèce s'est accompli dans la maison Despine; et l'un de ses serviteurs inféodés s'est éteint, il y a peu d'années, comme ungardien vigilant qui ne veut pas abandonner les débris de la fortune de ses anciens maîtres. La capitale affecte les allures de petite ville. Ses lundis attirent tout le canton. et tandis que le juge prononce ses arrêts, que la population affairée trafique, cause politique, le verre à la main, toute maison est devenue auberge, cabaret ou café. La civilisation du • XIXe siècle promène ainsi son niveau égalitaire jusque dans le cœur des montagnes savoisiennes. Du sommet « de l'emplacement du château, la vue s'étend sur la principale vallée des Bauges, étranglée, pour ainsi dire, par le bourg qui forme à peine une seule rue étroite. A l'est s'élève la dent du Trelod (Charbon) où le génie français plaça durant le premier Empire une pyramide destinée à ses travaux trigonométriques, et qui indique les vallées remontant vers Doucy, la Compôte et Jarsy. A l'ouest domine le pic sourcilleux a de Rossana qui peut-être emprunte son nom à la joyeuse couleur dont le dore chaque coucher de soleil; au midi l'horizon est limité par l'Arclusaz, tandis qu'au nord il court par-dessus le col de Leschaux vers les montagnes qui entourent le bassin d'Annecy.»

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