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ver dans tous les traités d'archéologie, ou plutôt dans l'ouvrage si précieux qu'ils ont tous exploité: Les grands chemins de l'empire romain, par Bergier. L'importance de cet ouvrage lui a ouvert l'entrée de la riche collection de Grævius, en compagnie de plusieurs autres dissertations sur le même sujet. Et cependant tout n'y a pas été dit. Ainsi, dans les trente-neuf volumes in-folio du Trésor des antiquités grecques et romaines de Grævius et de Gronovius, et de leurs continuateurs, on chercherait en vain la figure d'une mansion ou d'une mutation romaine. L'explication de cette lacune dans un recueil aussi volumineux de figures archéologiques est facile si l'on considère l'impossibilité où l'on a été d'en trouver des ruines bien authentiques. En effet, les stations placées près des villes ont été absorbées par leur agrandissement ou leur déplacement; ou si les stations étaient d'abord isolées, elles sont devenues des centres de population, à cause de l'importance du commerce qui s'y faisait pour l'approvisionnement des courriers et des troupes. Ainsi les constructions romaines, n'ayant plus leur destination primitive, depuis les invasions barbares, détruites peut-être à cette occasion ou reconstruites pour d'autres usages, ne peuvent plus être reconnaissables, aujourd'hui surtout que les constructions du moyen àge qui leur ont succédé, finissent ellesmêmes par disparaître.

En suivant donc la direction des itinéraires romains, c'est aux passages les plus élevés des montagnes, c'est sur les hauts plateaux, où la quantité énorme de neige qui les couvre les trois quarts de l'année a toujours été un obstacle permanent à l'établissement de gros villages, c'est là seulement qu'il faut chercher les restes des mansions romaines, si l'intempérie, les orages et les barbares n'en ont pas détruit jusqu'aux fondements.

M. le comte Greyfié avait fait commencer des fouilles sur le plateau du Petit-Saint-Bernard, lorsqu'il fut envoyé en qualité d'intendant général en Sardaigne, où il trouva un champ plus vaste pour déployer son zèle et son activité administrative. Il eut la délicatesse de ne pas emporter les objets trouvés, qu'il destinait à un musée provincial. Mais après son départ, le Petit-Saint-Bernard fut oublié. C'était regrettable; car peu de localités élevées conservent autant de vestiges de tous les âges. Outre les ruines romaines et la colonne-Jou, on y voit encore un cercle druidique, appelé vulgairement le cirque d'Annibal; puis les traces de plusieurs campements, des tranchées, des redans, des bastions, des redoutes, des retranchements; les restes du fort Mont-Valezan qui a joué un rôle important dans les guerres du prieur Thomas et dans les occupations espagnoles. J'y ai même découvert les deux pierres qui ont indiqué les premières limites de la république française, en 1792, et qui servent aujourd'hui de passerelle sur un ruisseau, à l'extrémité orientale du plateau. Le voyageur foule, sans y prendre garde, les lettres REP. FR. qui, à cette époque, ont répandu tant de frayeur parmi les montagnards de la vallée d'Aoste. Si, comme il est probable, leur emploi actuel n'est dû qu'à la chance d'avoir été trouvées sous la main, leur position prouve évidemment que l'étude des versants avait servi de base aux lignes divisionnelles des Alpes entre la France et l'Italie. Et, puisque j'ai touché cette question, j'ajouterai que le col de la Seijne a conservé en..

core debout sa vieille limite, et pendant toute la période 1815 à 1860, on a pu lire impunément d'un côté France et de l'autre Italie.

Ce passage et celui du Petit-Saint-Bernard sont comme les deux supports du Cramont, le Cremonis Jugum de Cælius Antipater; ou peut-être la syncope de Graïusmons, Gramont. Ils ont partagé tous les deux, dans plusieurs dissertations, l'honneur d'avoir vu passer le duc Hannibal de Carthaige. Ils le méritent du reste autant que bien d'autres. Et si le plateau du Petit-Saint-Bernard est un des plus beaux et des plus intéressants sous le rapport archéologique, celui de la Seigne l'est plus encore sous le rapport pittoresque et par la magnificence des vallées qui y aboutissent.

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DUCIS.

-

Les trois-six et la littérature. Rigolbochologie. La décentralisation. M. Rogier. La Moisson, de M. Achille Millien. - M. Benjamin Dufernex. — Almanach nouveau!

Il y a quelques jours, on lisait dans le bulletin commercial du Courrier des Alpes : « Les esprits fins (première qualité) sont en hausse par suite de la croyance générale d'un amoindrissement notable dans la production de cette année. Ce qu'un honorable épicier a dit au sujet des produits en vente au port de Bercy, nous pourrions l'appliquer aussi bien à ceux qui se débitent chez maint éditeur de la capitale. Hélas oui! en littérature comme en droguerie, on recherche avec avidité, de nos jours, les esprits fins première qualité; il faut même parfois se contenter de ceux de seconde, tant la production en ce genre est amoindrie. Après avoir étalé dans les feuilletons, dans les livres, sur les théâtres, les turpitudes d'une catégorie d'êtres que leurs panégyristes cherchent à élever à la dignité d'une classe sociale, on trouve que ce n'est pas encore suffisant pour le bon public. Après les filles de marbre, on descend aux filles de plâtre; après Olympe et Marco, voici venir Rigolboche. Derrière les vitrines des libraires apparait une série de petits volumes arrivés pour la plupart à leur 5me ou 6me édition en quelques mois; c'est que la réclame en a publié d'avance le succès à son de trompe; et d'ailleurs ils ont l'art de piquer la curiosité des bourgeois par leurs titres ébouriffants: Rigolboche, Mémoires de Rigolboche, A bas Rigolboche! - Birlibichon... Où es-tu, pauvre Racine? Qu'êtes-vous devenues, Feuilles d'automne, Paroles d'un croyant, Harmonies?

Aussi est-il facile de comprendre comment les vrais penseurs, étourdis par les coups de tam-tam de la littérature industrielle et égrillarde, ont été obligés de se réfugier bien loin dans la province. Là ils ont donné la main à de jeunes intelligences élevées dans les traditions du vrai, du beau, et que Paris n'a pas encore souillées de son haleine de Harpye. C'est à ceux-là, à Millien, à Mistral, à Aubanel, à Albert Richard, à Autran, et à tant d'autres, qu'est réservée la tâche de faire avancer l'oeuvre de la décentralisation littéraire, pour que la pensée désormais ne soit plus jetée dans un même moule, dans une forme où la finesse des traits a disparu, et qui ne donne que des empreintes frustes,

sans originalité, sans caractère. Comme l'écrivait naguère l'auteur de Mireio à l'un de nos amis, la jeune phalange doit inserire sur son drapeau cette devise: L'unité et non l'uniformité..

(

Dans une étude littéraire intitulée Achille Millien, M. Léon Rogier fustige certains écrivains de nos jours qui ont inondé la librairie et le théâtre de productions aussi malsaines par le dévergondage de leurs idées que par le mauvais goût de leur style. Il trouve des paroles énergiques pour flétrir des œuvres où la morale est laissée à l'arrière-plan et où des têtes folles célèbrent d'une voix rauque les jouissances de la vie sensuelle. Seulement, on pourrait reprocher à l'auteur de rejeter la faute de telles productions sur le romantisme, qui n'en peut mais. L'école moderne donne aux écrivains toute liberté; est-ce à elle qu'il faut s'en prendre si quelques-uns de ses adeptes, au lieu de marcher à pied sec sur la prairie, préfèrent s'embourber dans un marais? Nous voudrions bien aussi taquiner un peu M. Léon Rogier sur le peu d'estime qu'il professe pour les poètes provençaux. La langue de M. Mistral n'est pas tout-à-fait, comme il le dit, un patois incompréhensible et rempli de mots grossiers. Sans doute il faut quelques heures d'étude pour se familiariser avec la langue des troubadours modernes; mais aussi quelle ampleur, quelle sonorité, quelle harmonie!

Le recueil de poésies qui a pour titre La Moisson nous a beaucoup plu, soit par l'élévation des pensées, soit par la vérité des portraits. Au lieu des rubans bleus, des pipeaux et des perruques frisées de l'école de Gessner, au lieu de je ne sais quelle odeur suffocante de musc répandue par des bergères en costume de carnaval, on respire ici les senteurs des foins, on entend les voix si variées de la campagne, on voit se dérouler une suite de tableaux champêtres dessinés d'après nature au lieu d'être entrevus à travers les rideaux d'un cabinet de travail. Qu'on lise, pour s'en assurer, les charmantes descriptions intitulées la Source, le Gué, Défilé, Jeanle-Fier, Voyage nocturne. La plume de M. Achille Millien s'exerce avec une remarquable flexibilité dans des genres différents: tour-à-tour sombre comme dans la Páquerette, jovial comme dans Michel, plein d'une mélancolie religieuse comme dans Conseil et l'Arbre consolateur, le vers coule toujours régulier et facile, et toujours il traduit les impressions d'un cœur ému de tout ce qui est beau et grand.

M. Benjamin Dufernex, lui aussi, chante le Sursum corda de la jeune littérature. En feuilletant son premier volume de poésies, les Voix de ma jeunesse, on peut se faire une idée du caractère du poète et de ses études favorites. Voici d'abord les souvenirs de la vie d'étudiant, cette période vers laquelle chacun de nous se reporte avec amour, parce que la folle du logis divaguait alors avec toute liberté, parce que la foi avait toute sa fraîcheur, parce que le cœur s'élançait en avant plein d'ardeur et de confiance. Après avoir adressé un chant d'adieu aux sociétés d'étudiants de Genève, après un dernier regard jeté sur la nappe bleue du Léman, le poète s'achemine vers l'Allemagne. Tout parle à son imagination dans ce premier voyage: jamais coucher de soleil ne lui apparut plus splendide que celui de la première journée; la sortie d'école de Decamps lui sembla bien froide sans doute quand, en passage à Lohmen, il vit pétiller la gaîté des bambins de la Suisse saxonne; et

certes jamais il ne pressa ses camarades dans une plus
vive étreinte que le jour où il put souhaiter la bienvenue
à un ami qui le rejoignait sur le sol étranger. Mais la
pensée de la patrie, de la famille, vient tempérer son
débordement de gaîté. Après deux ans de séjour sur la
terre germaine, il retourne sur ses pas. Il est sur les
bords du lac de Constance; ses regards cherchent à
percer les ténèbres pour découvrir la terre natale :
La patrie où mon cœur aspire,
Elle est là-bas, elle respire
Derrière cet horizon noir;

Déjà son souffle pur m'effleure,
Il gagne mon âme, et je pleure,

Je pleure et je voudrais la voir!

Au milieu de bluettes composées au premier jet de l'inspiration, nous trouvons intercalés deux poèmes : la Mère du pêcheur et le Soldat de Morgarten. Ce sont des pages sérieuses, où l'amour de la patrie a dicté à l'auteur maint passage animé d'un vrai souffle poétique; nous citerons entre autres l'hymne qui termine le dernier poème. - Depuis la publication des Voix de ma jeunesse, M. Dufernex a composé d'autres morceaux encore inédits. Ils brillent par une qualité qui n'existait pas toujours à un degré suffisant dans son premier volume: il y a plus de plasticité; les pensées, tout aussi vives, sont exprimées en moins de termes, et l'image prend un relief plus complet. Notons dans ce genre les Paroles d'adieu à un jeune Polonais, la Moisson, Sur le lac, l'Angelus dans la taverne. Voici cette dernière pièce; c'est une scène de la vie allemande, saisie au vol dans quelque Kneipe de Munich ou de Leipzig:

Le soir d'ombre vague emplit la taverne
Où des paysans fument dans le bruit.
Le balourd pécheur, que le meunier berne,
Ride un front hâlé, dilate un œil terne
Et semble un hibou qu'un rayon poursuit.

Sa fureur naïve amuse le groupe :

Il s'épuise en cris, et s'il boit enfin,
Vingt traits agressifs, qu'un rire entrecoupe,
De sa gorge aride écartent la coupe...

- Mais l'Angelus tinte au clocher voisin ;
Au clocher voisin l'airain se balance;
Il sonne à l'espoir un paisible appel.
Les buveurs, surpris dans leur turbulence,
Tête découverte, en un grand silence
Ecoutent ce chant qui parle du ciel.

Aussitôt paraît la jeune servante

Dont les beaux yeux noirs sont des fleurs d'amour;
Voilée à demi par la nuit tombante,

Elle joint les mains dans sa foi fervente ;
Chacun gravement se lève alentour.
Elle dit l'Ave. Les buveurs de bière,
Mélant leur voix rauque à son timbre pur,
Achèvent en chœur la douce prière.

- La cloche se tait; sa rumeur dernière
Dans l'air tremble et monte aux parvis d'azur.

Après avoir causé de poésie, oserons-nous parler d'un almanach? On a de singulières idées sur les alma

nachs; ce seul mot fait sourire on songe tout d'abord aux Messagers plus ou moins boiteux de nos ancêtres, sans penser que l'almanach de nos jours s'est transformé en un recueil sérieux, où souvent les gravures luttent de mérite avec le texte : il suffira de rappeler les publications sorties des presses de l'Illustration et du Magasin pittoresque. L'Almanach de Genève, publié sous les auspices de la section d'industrie et d'agriculture de l'Institut genevois, donne une assez large part au côté littéraire. On y voit figurer par exemple des poésies de MM. Etienne Arago et Jules Vuy, des articles de MM. Marc Viridet, de Tschudi, James Fazy. Il s'y joint des notices très intéressantes sur les dernières découvertes en chimie appliquée et en botanique. Comme le plan de cette publication le montre, l'Almanach de Genève pourrait servir aussi bien au bassin du Léman en général et à la Savoie qu'à la ville où il s'édite. Il existe depuis des siècles entre les deux pays une sorte de combourgeoisié intellectuelle dont les recueils périodiques doivent contribuer à resserrer les liens. Voilà pourquoi nous enregistrons avec plaisir les ouvrages capables de fortifier cette société des intelligences, et c'est dans le même but que la Revue savoisienne s'est empressée d'ouvrir ses colonnes aux productions de nos amis d'outre-Salève. LOUIS REVON.

Sous le titre Le dernier seigneur de Copponex, M. l'avocat Jules Vuy, de Genève, vient de publier une excellente étude sur le dernier rejeton d'une famille noble de Savoie qui figure plus d'une fois dans les annales de Genève. François Collomb de Battine, seigneur de Copponex, né en 1746, de noble Collomb de Battine et de Marie-Claudine de Launay, aurait dû vivre dans les premiers siècles de la féodalité et non au moment où tout se préparait pour la grande Révolution française.

Doué d'un caractère moitié chevaleresque et moitié criminel, le dernier seigneur de Copponex, à peine àgé de vingt ans, s'était déjà fait une réputation de seigneur pillard. en Savoie et à Genève; il avait rançonné des villages, et à l'aide de quelques mauvais sujets, il avait soutenu avantageusement des luttes avec les gens d'armes chargés de l'arrêter. En 1769, ensuite de ses exploits, il avait été banni du territoire genevois, et quelque temps après les autorités sardes l'avaient emprisonné dans le château d'Annecy, puis dans le fort de Miolans.

En 1776, Copponex, redevenu libre, se prit de querelle, à Carouge, avec un palefrenier, qu'il tua d'un coup de pistolet. Saisi à Lyon, où il s'était réfugié, notre seigneur aventurier fut livré aux autorités genevoises, qui le condamnèrent à avoir la tête tranchée, comme coupable d'assassinat, et cela malgré une défense assez habile qu'il présenta lui-même, avec l'aide de l'avocat Fernex, d'Annecy. Le conseil des Deux-Cents commua cette peine en celle de la détention perpétuelle, et Copponex fut enfermé dans la prison de l'Evêché, où il mourut le 22 février 1791. Ainsi finit le dernier rejeton des seigneurs de Copponex, famille remarquable qui était alliée aux Grimaldi.

Le travail de M Jules Vuy consiste principalement dans l'analyse des procédures qui amenèrent la condamnation de Copponex, et l'auteur a profité de cette circonstance pour faire quelques dissertations savantes sur le mode de procéder dans les affaires criminelles en usage à différentes époques dans la république genevoise. JULES PHILIPPE.

CHRONIQUE

L'Association Florimontane a tenu une séance le 17 janvier dernier, à laquelle assistait M. le Préfet de la Haute-Savoie. Après quelques paroles de bienvenue adressées à M. Anselme Petetin par M. J. Replat, M. Jules Philippe, secrétaire, a donné lecture d'un rapport sur les travaux de l'Association. Ensuite d'une proposition faite par M. Anselme Petetin, l'Association a nommé une commission chargée d'organiser des cours d'histoire et de géographie pour les ouvriers.

Enfin, M. Jacques Replat a lu une note contenant le détail du trousseau d'une demoiselle noble des environs d'Annecy, dans le siècle dernier; cette note est extraite d'un ouvrage que prépare M. Replat.

La Revue savoisienne publiera successivement :

1o La suite de la Chronique du comte Rouge, par M. J. REPLAT.

2o Notes sur l'histoire naturelle de la Savoie, par M. GABRIEL DE MORTILLET.

3 Des articles de physique et de chimie, par M. J. BOLTS

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Nous lisons dans la Nation Suisse, de Genève, qu'un Fribourgeois, le capucin Gachet, en mission chez les Chippaways, tribu qui réside au sud du lac Supérieur et à l'ouest du lac Michigan (Amérique du Nord), vient d'envoyer à Fribourg une collection d'objets admirablement travaillés par les Indiens. Parmi les objets les plus curieux, on remarque un petit livret de feuilles en écorces de bouleau, qui ne craindraient pas d'ètre comparées à des feuilles de papier fin, ainsi que des couteaux en silex qui sont du plus haut intérêt, pour la comparaison avec ceux trouvés dans les fouilles des anciennes habitations lacustres de la Suisse et d'autres pays.

Entre autres toiles remarquables, on annonce pour l'exposition de 1861 une Fuite en Egypte et un Ensevelissement du Christ, de M. Gigoux; plusieurs compositions exécutées sur les bords du fleuve des Amazones par M. Biard; et la Bataille de Solferino, par M. Yvon.

Nous avons à enregistrer la mort d'Henri Murger, littérateu distingué par la verve et l'enjouement de ses productions. Né er 1822 à Paris, il débuta par quelques articles insérés dans l Silhouette et dans le Corsaire ; c'est dans ce dernier recueil qu'il fit paraitre les scènes de la vie de Bohème, une des œuvres qui contribuèrent le plus à le faire connaître. La Revue des DeuxMondes publia les Buveurs d'eau, le Dernier rendez-vous, l Pays latin. Enfin parurent les Propos de ville et propos de théa tre, les Scènes de la vie de jeunesse, et d'autres œuvres qui achevèrent d'établir sa réputation.

M. Eugène Guinot vient aussi d'être enlevé au monde des lettres. Il travailla successivement dans le Courrier de Paris, où il fit paraître quelques nouvelles en 1835, dans l'Europe littéraire et dans l'Ordre le Siècle, le Pays, où il inséra ses Revues de Paris, genre qui devait être appelé à une si grande vogue de nos jours. Dans la presse, il était connu sous le pseudonyme de Pierre Durand, et au théatre, sous celui de Paul Vermond: il signa de ce nom les Mémoires du Diable, pièce composée en collaboration avec M. Etienne Arago. Eugène Guinot était né à Marseille en 1805. J. Philippe.

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Pour la chronique,

Jules Philippe, directeur-gérant. IMPRIMERIE DE LOUIS THÉSIO.

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ON S'ABONNE

EN FRANCE

REVUE SAVOISIENNE

Par un bon postal à l'or- JOURNAL PUBLIÉ PAR L'ASSOCIATION FLORIMONTANE D'ANNECY

dre du Directeur;

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Les gloires de la Savoie (5o article): Hommes de guerre. par M. J. Philippe. Notes géologiques sur la Savoie (suite): Le terrain anthracifère, par M. G. de Mortillet. Gênes (suite), par M. L. Revon. Archéologie: Voies romaines (suite), par M. Ducis.

- Chronique.

LES GLOIRES DE LA SAVOIE (Cinquième article.

HOMMES DE GUERRE

Un fait qui paraît bizarre au premier moment, c'est que les peuples montagnards, tout en ayant le sentiment religieux très développé, sont les meilleurs soldats que l'on connaisse. On a peine à comprendre, tout d'abord, comment des hommes enclins à saluer partout la croix du Christ, de celui qui est mort pour avoir prêché la fraternité sur cette terre, soient en même temps les plus ardents dans les boucheries humaines ; et cependant cela s'explique.

Si les montagnards, par la grandeur de la nature au milieu de laquelle ils vivent solitairement, sont pénétrés de l'idée de l'Etre suprême auquel ils doivent forcément rattacher les sublimes mystères qui s'étalent à leurs yeux, ils sont aussi les plus forts et les plus aguerris par la vie pénible qui est leur partage, et par les dangers qu'ils affrontent chaque jour. Le courage chez eux est soutenu par la foi qui, alors, frise le fatalisme et l'idée du devoir, plus forte dans leurs robustes cœurs que chez les autres hommes, et en fait des remparts de granit que le fer a peine à entamer. Voilà pourquoi quelques poignées de Suisses des montagnes ont renversé de formidables bataillons d'Autrichiens; voilà pourquoi les montagnards du Caucase ont résisté si héroïquement et si longtemps à l'empire de toutes les Russies; voilà pourquoi les meilleures troupes de l'Angleterre se recrutent en Ecosse; voilà pourquoi aussi les Savoyards ont toujours été de bons soldats.

Depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, les populations des Alpes se sont fait remarquer sur les champs de bataille. Les Allobroges se sont tracé de brillantes annales dans l'histoire de l'antiquité, avec les pointes meurtrières de leurs lances; on les a vus un peu partout promener triomphalement leur valeur, dans ces guerres de géants, dans ces immenses combats

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PAYABLE D'AVANCE

On ne reçoit que des abonnements annuels.

Les communications de tous genres adressées à la Revue savoisienne doivent être affranchies.

de peuples à peuples où il s'agissait non point seulement de châtier un voisin, mais d'exterminer une race tout entière. Et plus tard, lorsque l'esprit envahisseur de Rome eût fait franchir les Alpes aux légions latines, quelle lutte glorieuse soutinrent nos ancêtres contre ceux qui s'appelaient les maîtres du monde! Pendant plusieurs années, les légions succédèrent aux légions, les généraux aux généraux, sans que pour autant le courage des Allobroges fut amoindri; le patriotisme de ces rudes montagnards grandissait dans les revers, et l'on eût dit qu'ils renaissaient de leurs cendres pour se sacrifier deux fois sur l'autel de la patrie, car leurs rangs étaient toujours plus serrés. Mais un jour arrival enfin où la lutte devint impossible; écrasés par le nombre, les Allobroges succombèrent, et comme compen sation à la perte de leur liberté, Rome grava sur leur tombe cette épitaphe glorieuse: Fortissimi Gallorum, les plus valeureux des Gaulois! Pendant quelques siècles la vigueur allobrogique s'endormit sous la pression du despotisme romain; la grande invasion des Barbares arriva ensuite; l'empire se sentit crouler; tout devint confusion, les races se substituèrent les unes aux autres, les langues se confondirent; une ère nouvelle s'ouvrit pour l'Europe. Lorsque le calme revint, chacun chercha une place sur ce terrain bouleversé; on vit alors se former au sein des Alpes un petit peuple, faible, presque sans ressource, et qui eut pour chef un homme dont l'origine n'a jamais été bien connue; le pays s'appela Sabaudia, Savoie, et le chef prit le nom de comte de Savoie. Maître des Alpes, ce petit Etat acquit bien vite une importance extraordinaire; profitant habilement de sa position, il envoya sa petite armée tantôt à droite, tantôt à gauche de ses fortifications naturelles, suivant le côté qui lui inspirait des craintes; il envahit souvent ses puissants voisins et finit par conquérir avec les lances savoisiennes les plus belles parties des plaines italiques. Le comte devint duc, le duc devint roi et aujourd'hui il règne sur un des plus beaux pays de l'Europe !La couronne de fer ceint son front glorieux!

Les Savoyards n'ont-il pas le droit de s'attribuer une partie de ce triomphe? N'est-ce pas avec leurs robustes bras qu'ils ont préparé l'évènement? N'est-ce pas en combattant plus d'une fois en héros qu'ils ont assis la réputation de leur Maison princière? N'est-ce pas en répandant leur sang sur presque tous les champs de bataille de l'Europe qu'ils ont fait grandir la Croix de Savoie, aujourd'hui l'étoile de l'Italie? Du reste, la cravate rouge de

la brigade de Savoie, n'est-elle pas maintenant le signe de la bravoure dans la péninsule? Les Italiens n'ont-ils pas baptisé nos braves du nom de valorosi, et n'ontils pas versé des larmes de regret lorsqu'ils les ont vu s'éloigner d'eux?

La bravoure des Savoyards n'est donc pas contestable, et si l'histoire atteste que leurs masses armées ont fait des prodiges de valeur, l'histoire signale aussi à la postérité des noms d'illustres capitaines dont les talents militaires ont jeté un vif éclat dans toutes les périodes de notre histoire nationale, ou dans les annales des nations étrangères. Pour rester fidèle au plan que nous avons adopté, nous sommes forcé de laisser de côté cette foule de maréchaux et de lieutenants-généraux de Savoie, sortis des 'rangs de l'armée savoisienne et qui ont contribué à l'élévation de la race de Victor-Emmanuel II; c'est à regret que nous taisons les noms de ces hommes énergiques, qui à la tête d'une poignées de montagnards, ont pu conjurer tous les dangers auxquels était exposé un petit peuple entouré de puissants voisins et l'acheminer peu à peu à fonder une grande nation; nous voudrions pouvoir décrire. toutes ces luttes, peut-être inconnues, mais relativement gigantesques et héroïques; malheureusement, nos lecteurs le savent, notre travail doit se borner à rappeler les noms les plus éclatants, ceux qui ont conquis une place dans l'histoire, grâce à l'importance des évènements auxquels ils se sont trouvés mêlés.

Jusqu'à la Révolution française, les militaires savoisiens qui ont réussi à se faire un nom dans les fastes guerrières, sont presque tous sortis de la noblesse, par ce motif qu'en Savoie, comme dans tous les Etats aristocratiques, la carrière des armes était le partage des nobles qui, sauf de rares exceptions, avaient seuls le privilége d'arriver aux grands commandements.

Le premier homme de guerre que nous signalerons appartient à une famille noble qui, de tout temps, a fourni de vaillantes épées à la Maison de Savoie, les de Sonnaz. Guillaume de Sonnaz, à cause de sa bravoure extraordinaire, fut nommé grand-maître des Templiers en 1260. Le même honneur fut accordé en 1285 à Guifred d'Allinges-Salvaing, de la famille d'Allinges du Chablais.

Dans la guerre civile des Bourguignons et des Armagnacs, qui ensanglanta la France au commencement du xve siècle, les lances savoisiennes jouèrent un rôle actif. Le comte Amédée VIII, beau-frère du duc de Bourgogne par son mariage avec la duchesse Marie, envoya à plusieurs reprises des secours à son parent, et confia le commandement de ses troupes à Amé de Viry, militaire éprouvé qui avait déjà rendu de grands services à son souverain. Amé de Viry se trouva à la bataille de Hesbaie près de Tongres en 1408, où les Liégeois furent taillés en pièces par l'armée du duc de Bourgogne (1); le général savoisien donna dans cette occasion des preuves incontestables de bravoure et d'habileté.

En 1409, de Viry força le duc de Bourbon à prêter hommage au comte de Savoie pour la principauté de Dombes; quelque temps après, Amédée VIII, qui avait embrassé le parti de Charles VI, envoya un secours à ce souverain, et ce fut encore à de Viry qu'il confia le

(4) De Barante, Hist. des ducs de Bourgogne.

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Les géologues qui se sont occupés de l'étude des Alpes de Savoie peuvent se diviser en deux groupes principaux : les révolutionnaires et les conservateurs.

Les premiers prétendent que nos Alpes ont éprouvé de violentes révolutions qui les ont non seulement soulevées, mais encore qui les ont bouleversées, altérées, profondément modifiées et dérangées.

Les seconds, au contraire, grands défenseurs de l'ordre, tout en admettant les soulèvements qui ont donné aux Alpes leur relief actuel, disent que ces soulèvements ont eu lieu d'une manière si tranquille et si sage qu'on peut très bien reconnaître la succession naturelle des couches. Les modifications incontestables éprouvées, suivant eux, ne déterminent pas les grands caractères de stratigraphie.

Les premiers, en vrais démocrates, accordent les mêmes droits à tous les fossiles. Pour eux les empreintes végétales ont autant de valeur que les débris d'animaux. Ils accueillent même avec bienveillance les simples et modestes cailloux.

Quant aux seconds, ils veulent doter les fossiles animaux d'aristocratiques priviléges au détriment des fossiles végétaux, et ils ne daignent pas même jeter un simple coup-d'œil sur les humbles cailloux.

Tels sont les deux grands partis qui sont en présence. De Saussure, qui s'est barricadé et fortifié dans son hôtel à Genève et qui a armé tous ses domestiques pour résister à la Révolution française, est pourtant le chef du parti révolutionnaire.

«Il n'y a, dit-il, dans les Alpes rien de constant que leur variété (2)..

Témoignage d'autant plus précieux que personne n'a mieux étudié les Alpes que lui.

Après de Saussure viennent ses compatriotes les géologues de la Suisse républicaine, les Studer, Escher de la Linth, Heer, Favre.

Enfin, les jeunes géologues, la jeune-école, l'école du mouvement, dont font partie Lory, professeur à Grenoble, Louis Pillet, de Chambéry, et vers laquelle m'ont naturellement poussé mes études et mes convictions.

A la tête du parti conservateur se trouve un des géologues les plus distingués de France, Elie de Beaumont,

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