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20. Ils l'accusent d'avoir dit que les femmes n'avoient point d'àme, et il dit, au contraire, que toutes les femmes aimables en ont au moins deux.

21. Ils l'accusent de ne pas croire en Dieu, et nul n'a si fortement prouvé l'existence de Dieu.

7. Fondé sur l'expérience, tu attends peu d'équité de la part des hommes; mais tu mets ton espoir dans l'autre vie, qui te dédommagera des misères de celle-ci et en tout cela tu fais bien.

8. Je connois tes œuvres : j'aime les bonnes; ton cœur et ma clémence effaceront les mau

22. Ils disent qu'il est l'Antechrist, et nul n'a vaises. Mais une chose me déplaît en toi; si dignement honoré le Christ.

25. Ils disent qu'il veut troubler leurs consciences, et jamais il ne leur a parlé de religion. 24. Que s'ils lisent des livres faits pour sa défense en d'autres pays, est-ce sa faute? et les a-t-il priés de les lire? mais, au contraire, c'est pour ne les avoir point lus qu'ils croient qu'il y a dans ces livres de mauvaises choses qui n'y sont point, et qu'ils n'y croient point que les bonnes choses qui y sont y soient en effet.

25. Car ceux qui les ont lus en pensent tout autrement, et le disent lorsqu'ils sont de bonne foi.

26. Toutefois ce peuple est bon naturellement; mais on le trompe, et il ne voit qu'on lui fait défendre la cause de Dieu avec les armes de Satan.

27. Tirons-les de la mauvaise voie où on les mène, et ôtons cette pierre d'achoppement de devant leurs pieds.

CHAPITRE II.

1. Va donc, et parle à ton frère errant Jean Jacques, et lui adresse en mon nom ces paroles. Ainsi a dit la voix de la part de l'esprit :

2. Mon fils Jean-Jacques, tu t'égares dans tes idées. Reviens à toi, sois docile, et reçois mes paroles de correction.

3. Tu crois en Dieu puissant, intelligent, bon, juste, et rémunérateur; et en cela tu fais bien. 4. Tu crois en Jésus son fils, son Christ, et en sa parole; et en cela tu fais bien.

5. Tu suis de tout ton pouvoir les préceptes du saint Évangile ; et en cela tu fais bien.

6. Tu aimes les hommes comme ton prochain, et les chrétiens comme tes frères; tu fais le bien quand tu peux, et ne fais jamais de mal à personne que pour ta défense et celle de la justice.

9. Tu t'obstines à rejeter les miracles : et que t'importent les miracles? puisqu'au surplus tu crois à la loi sans eux, n'en parle point, et ne scandalise plus les foibles.

10. Et lorsque toi, Pierre Duval, dit Pierrot des dames, auras dit ces paroles à ton frère errant Jean-Jacques, il sera saisi d'étonnement. 11. Et voyant que toi, qui es un brutal et un stupide, tu lui parles raisonnablement et honnêtement, il sera frappé de ce prodige, et il reconnoîtra le doigt de Dieu;

12. Et, se prosternant en terre, il dira : Voilà mon frère Pierrot des dames qui prononce des discours sensés et honnêtes; mon incrédulité se rend à ce signe évident. Je crois aux miracles, car aucun n'est plus grand que celui-là.

13. Et tout le Val-de-Travers, témoin de ce double prodige, entonnera des cantiques d'allégresse; et l'on criera de toutes parts dans les six communautés : Jean-Jacques croit aux miracles, et des discours sensés sortent de la bouche de Pierrot des dames. Le Tout-Puissant se montre à ses œuvres; que son saint nom soit beni.

14. Alors, confus d'avoir insulté un homme paisible et doux, ils s'empresseront à lui faire oublier leurs outrages; et ils l'aimeront comme leur proche, et il les aimera comme ses frères; des cris séditieux ne les ameuteront plus ; l'hypocrisie exhalera son fiel en vains murmures, que les femmes mêmes n'écouteront point; la paix de Christ régnera parmi les chrétiens, et le scandale sera ôté du milieu d'eux.

15. C'est ainsi que j'avois parlé à Pierre Duval, dit Pierrot des dames, lorsque je daignai le choisir pour porter ma parole à son frère errant.

16. Mais, au lieu d'obéir à la mission que je lui avois donnée, et d'aller trouver JeanJacques, comme je le lui avois commandé, il s'est défié de ma promesse, et n'a pu croire au miracle dont il devoit être l'instrument; féroce

comme l'onagre du désert, et têtu comme la mule d'Edom, il n'a pu croire qu'on pût mettre des discours persuasifs dans sa bouche, et s'est obstiné dans sa rebellion.

17. C'est pourquoi, l'ayant rejeté, je t'ordonne à toi, Pierre de la Montagne, dit le Voyant, d'écrire cet anathême, et de le lui adresser, soit directement, soit par le public, à ce qu'il n'en prétende cause d'ignorance, et que chacun apprenne, par l'accomplissement du châtiment que je lui annonce, à ne plus désobéir aux saintes visions.

CHAPITRE III.

1. Ici sont les paroles dictées par la voix, sous le prunier des prunes vertes, à moi Pierre de la Montagne, dit le Voyant, pour être la sentence portée en icelles dûment signifiée et prononcée audit Pierre Duval, dit Pierrot des dames, afin qu'il se prépare à son exécution, et que tout le peuple en étant témoin devienne sage par cet exemple, et apprenne à ne plus désobeir aux saintes visions.

2. Homme de col roide, craignois-tu que celui qui fit donner par des corbeaux la nourriture charnelle au prophète, ne pût donner par toi la nourriture spirituelle à ton frère? craignois-tu que celui qui fit parler une ånesse ne pût faire parler un cheval?

3. Au lieu d'aller avec droiture et confiance remplir la mission que je t'avois donnée, tu t'es perdu dans l'égarement de ton mauvais cœur; de peur d'amener ton frère à résipiscence, tu n'as point voulu lui porter ma parole; au lieu de cela, te livrant à l'esprit de cabale et de mensonge, tu as divulgué l'ordre que je t'avois donné en secret; et, supprimant malignement le bien que je t'avois chargé de dire, tu lui as faussement substitué le mal dont je ne t'avois pas parlé.

4. C'est pourquoi j'ai porté contre toi cet arrêt irrévocable, dont rien ne peut éloigner ni changer l'effet. Toi donc, Pierre Duval, dit Pierrot des dames, écoute et tremble; car voici, ton heure approche; sa rapidité se réglera sur la soif.

5. Je connois toutes tes machinations secrè

tes: tes complots ont été formés en buvant; c'est en buvant qu'ils seront punis. Depuis la nuit mémorable de ta vision jusqu'à ce jour, treizième du mois d'élul (1), à la neuvième heure (2), il s'est passé cent seize heures.

6. Pour te donner, dans ma clémence, le temps de te reconnoître et de t'amender, je t'accorde de pouvoir boire encore cent quinze rasades de vin pur, ou leur valeur, mesurées dans la même tasse où tu bus ton dernier coup la veille de ta vision.

7. Mais sitôt que tes lèvres auront touché la cent seizième rasade, il faut mourir; et avant qu'elle soit vidée tu mourras subitement.

8. Et ne pense pas m'abuser sur le compte en buvant furtivement ou dans des coupes de diverses mesures; car je te suis partout de l'œil, et ma mesure est aussi sûre que celle du pain de ta servante, et que le trebuchet où tu pèses tes écus.

9. En quelque temps et en quelque lieu que tu boives la cent seizième rasade, tu mourras subitement.

10. Si tu la bois au fond de ta cave, caché seul, entre des tonneaux de piquette, tu mourras subitement.

11. Si tu la bois à table dans ta famille, à la fin de ton maigre dìné, tu mourras subitement.

12. Si tu bois avec Joseph Clerc, cherchant avec lui dans le vin quelque mensonge, tu mourras subitement.

13. Si tu la bois chez le maire Baillod, écoutant un de ses vieux sermons, tu t'endormiras pour toujours, même sans qu'il continue de le lire.

14. Si tu la bois causant en secret chez M. le professeur, fût-ce en arrangeant quelque vision nouvelle, tu mourras subitement.

15. Mortel heureux jusqu'à ton dernier instant et au-delà, tu mettras, en expirant, plus d'esprit dans ton estomac que n'en rendra ta cervelle; et la plus pompeuse oraison funèbre, où tes visions seront célébrées, te rendra plus d'honneur après ta mort que tu n'en eus de tes jours.

16. Boy, trop heureux Pierre Boy, hâte-toi

(1) Le mois d'élul répond à peu près à notre mois d'août. (2) La neuvième heure en cette saison fait environ les deux heures après midi.

de boire; tu ne peux trop te presser d'aller | autre blessure, sinon que j'avois le nez meurtri cueillir les lauriers qui t'attendent dans le pays et fort enflé. des visions. Tu mourras; mais grâce à celle-ci, ton nom vivra parmi les hommes. Boy, Pierre Boy, va promptement à l'immortalité qui t'est due. Ainsi soit-il, amen, amen.

17. Et lorsque j'entendis ces paroles, moi, Pierre de la Montagne, dit le Voyant, je fus saisi d'un grand effroi, et je dis à la voix :

18. A Dieu ne plaise que j'annonce ces choses sans en être assuré par un signe ! Je connois mon frère Pierrot des dames; il veut avoir des visions à lui tout seul. Il ne voudra pas croire aux miennes, encore qu'on m'ait appelé le Voyant. Mais, s'il en doit advenir comme tu dis, donne-moi un signe sous l'autorité duquel je puisse parler.

19. Et comme j'achevois ces mots, voici, je fus éveillé par un coup terrible; et portant la main sur ma tête, je me sentis la face tout en sang; car je saignois beaucoup du nez, et le sang me russeloit du visage : toutefois, après l'avoir étanché comme je pus, je me levai sans

20. Puis, regardant autour de moi d'où pouvoit me venir cette atteinte, je vis enfin qu'une prune étoit tombée de l'arbre et m'avoit frappé.

21. Voyant la prune auprès de moi, je la pris; et, après l'avoir bien considérée, je reconnus qu'elle était fort saine, fort grosse, fort verte, et fort dure, comme l'état de mon nez en faisoit foi.

22. Alors mon entendement s'étant ouvert, je vis que la prune en cet état ne pouvoit naturellement être tombée d'elle-même, joint que la juste direction sur le bout de mon nez étoit une autre merveille non moins manifeste, qui confirmoit la première, et montroit clairement l'œuvre de l'esprit.

23. Et, rendant grâces à la voix d'un signe si notoire, je résolus de publier la vision, comme il m'avoit été commandé, et de garder la prune en témoignage de mes paroles, ainsi que j'ai fait jusqu'à ce jour.

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De l'académie françoise, de l'académie royale des sciences de Paris, de celle de Prusse, de la société royale de Londres, de l'académie royale des belles-lettres de Suède, et de l'Institut de Bologne;

SUR SON ARTICLE GENÈVE, DANS LE VII VOLUME DE L'ENCYCLOPÉDIE

ET PARTICULIÈREMENT SUR LE PROJET D'ÉTABLIR UN THEATRE DE COMÉDIE EN CETTE VILLE.

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PREFACE.

J'ai tort si j'ai pris en cette occasion la plume sans nécessité. Il ne peut m'être ni avantageux ni agréable de m'attaquer à M. d'Alembert. Je considère sa personne; j'admire ses talens, j'aime ses ouvrages; je suis sensible au bien qu'il a dit de mon pays honoré moi-même de ses éloges, un juste retour d'honnêteté m'oblige à toutes sortes d'égards envers lui; mais les égards ne l'emportent sur les devoirs que pour ceux dont toute la morale consiste en apparences. Justice et vérité, voilà les premiers devoirs de l'homme. Humanité, patrie, voilà ses premières affections. Toutes les fois que des ménagemens particuliers lui font changer cet ordre, il est coupable. Puis-je l'être en faisant 'ce que j'ai dû? Pour me répondre il faut avoir une patrie à servir, et plus d'amour pour ses devoirs que de crainte de déplaire aux hommes.

Comme tout le monde n'a pas sous les yeux l'Encyclopédie, je vais transcrire ici de l'article Genève le passage qui m'a mis la plume à la main. Il auroit dû l'en faire tomber, si j'aspirois à l'honneur de bien écrire; mais j'ose en rechercher un autre, dans lequel je ne crains la concurrence de personne. En lisant ce passage isolé, plus d'un lecteur sera surpris du zèle qui l'a pu dicter : en le lisant dans son article, on trouvera que la comédie, qui n'est pas à

T. III.

Genève, et qui pourroit y être, tient la huitième partie de la place qu'occupent les choses qui y sont. « On ne souffre point de comédie à Genève : ce >> n'est pas qu'on y désapprouve les spectacles en >> eux-mêmes; mais on craint, dit-on, le goût de » parure, de dissipation et de libertinage que les >> troupes de comédiens répandent parmi la jeunesse. » Cependant ne seroit-il pas possible de remédier à >> cet inconvénient par des lois sévères et bien exé» cutées sur la conduite des comédiens? Par ce » moyen Genève auroit des spectacles et des mœurs, » et jouiroit de l'avantage des uns et des autres; les >> représentations théâtrales formeroient le goût des » citoyens, et leur donneroient une finesse de tact, >> une délicatesse de sentiment qu'il est très-difficile >> d'acquérir sans ce secours : la littérature en profi>> teroit sans que le libertinage fit des progrès; et » Genève réuniroit la sagesse de Lacédémone à la >> politesse d'Athènes. Une autre considération, digne » d'une république si sage et si éclairée, devroit >> peut-être l'engager à permettre les spectacles. Le » préjugé barbare contre la profession de comédien, » l'espèce d'avilissement où nous avons mis ces hom>> mes si nécessaires au progrès et au soutien des >> arts, est certainement une des principales causes » qui contribuent au déréglement que nous leur re>> prochons : ils cherchent à se dédommager, par les >> plaisirs, de l'estime que leur état ne peut obtenir. » Parmi nous, un comédien qui a des mœurs est

8

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» doublement respectable; mais à peine lui en sait- | rends justice aux intentions de M. d'Alembert, j'es» on gré. Le traitant qui insulte à l'indigence publi-père qu'il voudra bien la rendre aux miennes ; je >>> que et qui s'en nourrit, le courtisan qui rampe et n'ai pas plus d'envie de lui déplaire que lui de nous qui ne paye point ses dettes: voilà l'espèce d'hom- nuire. Mais enfin, quand je me tromperois, ne dois>> mes que nous honorons le plus. Si les comédiens je pas agir, parler, selon ma conscience et mes lu» étoient non-seulement soufferts à Genève, mais mières? Ai-je dù me taire? l'ai-je pu, sans trahir » contenus d'abord par des règlemens sages, pro- mon devoir et ma patrie? >> tégés ensuite et même considérés dès qu'ils en se>> roient dignes, enfin absolument placés sur la même ligne que les autres citoyens, cette ville auroit >> bientôt l'avantage de posséder ce qu'on croit si » rare, et qui ne l'est que par notre faute, une >> troupe de comédiens estimables. Ajoutons que >> cette troupe deviendroit bientôt la meilleure de » l'Europe plusieurs personnes pleines de goût et >> de dispositions pour le théâtre, et qui craignent » de se déshonorer parmi nous en s'y livrant, ac» courroient à Genève, pour cultiver non-seulement » sans honte, mais même avec estime, un talent si agréable et si peu commun. Le séjour de cette ville, que bien des François regardent comme >> triste par la privation des spectacles, deviendroit » alors le séjour des plaisirs honnêtes, comme il est >> celui de la philosophie et de la liberté; et les étran>> gers ne seroient plus surpris de voir que, dans une >> ville où les spectacles décens et réguliers sont dé>> fendus, on permette des farces grossières et sans >> esprit, aussi contraires au bon goût qu'aux bonnes » mœurs. Ce n'est pas tout : peu à peu l'exemple des >> comédiens de Genève, la régularité de leur con» duite, et la considération dont elle les feroit jouir, >> serviroient de modèle aux comédiens des autres >> nations, et de leçon à ceux qui les ont traités jus» qu'ici avec tant de rigueur et même d'inconsé» quence. On ne les verroit pas d'un côté pensionnés » par le gouvernement, et de l'autre un objet d'a»> nathème : nos prêtres perdroient l'habitude de les >> excommunier, et nos bourgeois de les regarder » avec mépris : et une petite république auroit la » gloire d'avoir réformé l'Europe sur ce point, plus >> important peut-être qu'on ne pense. »>

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Voilà certainement le tableau le plus agréable et le plus séduisant qu'on pût nous offrir; mais voilà en même temps le plus dangereux conseil qu'on pût nous donner. Du moins, tel est mon sentiment; et mes raisons sont dans cet écrit. Avec quelle avidité la jeunesse de Genève, entraînée par une autorité d'un si grand poids, ne se livrera-t-elle point à des idées auxquelles elle n'a déjà que trop de penchant ! Combien, depuis la publication de ce volume, de jeunes Genevois, d'ailleurs bons citoyens, n'attendent-ils que le moment de favoriser l'établissement d'un théâtre, croyant rendre un service à la patrie, et presque au genre humain ! Voilà le sujet de mes alarmes, voilà le mal que je voudrois prévenir. Je

Pour avoir droit de garder le silence en cette occasion, il faudroit que je n'eusse jamais pris la plume sur des sujets moins nécessaires. Douce obscurité qui fit trente ans mon bonheur, il faudroit avoir toujours su t'aimer; il faudroit qu'on ignorât que j'ai eu quelques liaisons avec les éditeurs de l'Encyclopédie, que j'ai fourni quelques articles à l'ouvrage, que mon nom se trouve avec ceux des auteurs; il faudroit que mon zèle pour mon pays fût moins connu, qu'on supposât que l'article Genève m'eût échappé, ou qu'on ne pût inférer de mon silence que j'adhère à ce qu'il contient! Rien de tout cela ne pouvant être, il faut donc parler : il faut que je désavoue ce que je n'approuve point, afin qu'on ne m'impute pas d'autres sentimens que les miens. Mes compatriotes n'ont pas besoin de mes conseils, je le sais bien; mais moi, j'ai besoin de m'honorer, en montrant que je pense comme eux sur nos maximes. Je n'ignore pas combien cet écrit, si loin de ce qu'il devroit être, est loin même de ce que j'aurois pu faire en de plus heureux jours. Tant de choses ont concouru à le mettre au-dessous du médiocre où je pouvois autrefois atteindre, que je m'étonne qu'il ne soit pas pire encore. J'écrivois pour ma patrie; s'il étoit vrai que le zèle tint lieu de talent, j'aurois fait mieux que jamais; mais j'ai vu ce qu'il falloit faire, et n'ai pu l'exécuter. J'ai dit froidement la vérité : qui est-ce qui se soucie d'elle? Triste recommandation pour un livre! Pour être utile il faut être agréable; et ma plume a perdu cet art-là. Tel me disputera malignement cette perte. Soit : cependant je me sens déchu, et l'on ne tombe pas au-dessous de rien.

Premièrement, il ne s'agit plus ici d'un vain babil de philosophie, mais d'une vérité de pratique importante à tout un peuple. Il ne s'agit plus de parler au petit nombre, mais au public; ni de faire penser les autres, mais d'expliquer nettement ma pensée. Il a donc fallu changer de style: pour me faire mieux entendre à tout le monde, j'ai dit moins de choses en plus de mots; et voulant être clair et simple, je me suis trouvé lâche et diffus.

Je comptois d'abord sur une feuille on deux d'impression tout au plus : j'ai commencé à la hâte; et mon sujet s'étendant sous ma plume, je l'ai laissée aller sans contrainte. J'étois malade et triste; et, quoique j'eusse grand besoin de distraction, je me sentois si peu en état de penser et d'écrire, que, si

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