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que

plus occidentale de ces chaînes constitue la Cordillère proprement dite, et la seconde les Andes1. Elles sont séparées par un vaste plateau dépourvu d'arbres, qui a reçu des indigènes, pour cette circonstance, le nom de puna lequel signifie en langue quichoa dépeuplé. Mais c'est principalement sur le versant oriental des Andes les forêts prennent cet aspect dense et ténébreux, qui donne aux forêts vierges un caractère imposant. La scène que le Brésil déploie aux yeux du naturaliste recommence avec des variantes, qui sont dues à la différence de la flore des deux pays. La végétation a, comme le remarque M. de Tschudi, une physionomie aérienne. Les racines des arbustes rampent à la manière des plantes sarmenteuses plutôt qu'elles n'y pénètrent; elles s'enlacent les unes les autres et cachent la terre de leur inextricable réseau. Les genres ficus, oreocallis, clusia, persea, ocotea, se mêlent au podocarpus, aux chênes, aux yeuses, aux saules3. Suivant l'état de l'atmosphère ces forêts changent d'aspect. Quand une des ondées fréquentes dans cette région vient de tomber, les feuilles prennent cette fraîcheur, ces couleurs vives qu'une sécheresse trop prolongée leur avait enle

1 Voy. sur cette distinction, J. von Tschudi, Peru, Reiseskizzen, t. II, p. 57 (S. Gallen, 1846).

2 Tschudi, o. c., t. II, p. 79.

3 Voy. Poppig, Reise in Chile, Peru und auf die Amazonenstrome, t. II, p. 235, 1835, in-4°.

vées. La végétation respire la jeunesse et la vie. Quand au contraire, un de ces terribles ouragans qui désolent le Pérou, est venu à souffler, le sol de la forêt jonché de troncs et de branchages n'offre plus que l'image de la destruction et de la sécheresse. A mesure qu'on se rapproche de l'Amazone, en descendant le Huallaga et le Paro qui en sont les affluents, le tableau change, et la forêt qui couvre leurs rives et en obstrue si souvent la navigation, reprend insensiblement les traits que nous avons esquissés plus haut'.

Au Mexique, la végétation varie comme la température. Dans la région chaude (tierras calientes), qui est celle où la hauteur du sol varie entre 0 et 600 mètres, les palmiers corypha, oreodoxa, le céphalanthe à feuilles de saule, le calebassier pinné, la bignone à feuilles d'osier et la malpighie à feuilles de sumac, constituent le fond des essences forestières. Dans la région tempérée à laquelle appartient le plateau de Mexico, et dont la hauteur varie de 600 mètres à 2 200 mètres au-dessus du niveau de la mer (tierras templadas), le chêne à tronc épais (quercus crassipes), et plusieurs autres espèces (calapensis, obtusata, glaucescens), l'aune qui s'arrête

1 Voy. sur le caractère différent que l'absence de rosée imprime à la végétation tropicale, Jacquemont, Voyage dans l'Inde, t. II, p. 155.

2 W. Smyth and F. Lowe, Narrative of a journey from Lima to Para across the Andes, p. 161 (London, 4831).

à 2700 mètres, le platane, le datura superba, l'arbousier à feuilles de myrte et l'alisier denté, forment les massifs des forêts. Dans les environs de Tampico, un arbre constitue à lui seul presque une forêt, c'est le ficus indica, dont un seul tronc suffit pour peupler les fourrés d'une infinité de rameaux et de filaments qui semblent être les câbles d'un navire. Un autre figuier, le figuier à feuilles de nymphea, étonne aussi le voyageur qui parcourt le Mexique méridional, le Guatimala et la Colombie. Toute une végétation parasite de vanilles odoriférantes forme à sa surface comme une forêt naine qui se couvre de fleurs au mois d'avril. Mille excroissances ligneuses donnent à son tronc des proportions énormes, et ses racines prodigieuses, le soutiennent comme autant d'arcs-boutants. Cet arbre, est le digne symbole de la luxuriance de la végétation dans ces contrées. Le gigantesque alamo est comme l'agent de la destruction dans cette contrée et le représentant de la nature sauvage qui étend son désastreux empire sur les ruines innombrables qui sèment le sol du plateau du Yucatan. On le voit dresser sa tige et insinuer ses racines dans les débris des Téocallis, des palais d'Uxmal, de Kaban, de Labna, de Chunhuhu, de Kewiek',

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1 Humboldt, Voyage aux Régions équinoxiales, t. V, p. 113.

2 Voy. L. Stephens, Incidents of travel in Yucatan, vol. I, 284, 285, 392.

et dans les ruines de Copan et de Palenquè. Le peïbo joue le même rôle destructeur, et transforme en forêts les villes jadis habitées par les Aztèques et les Toltèques. Au sud de Campêche, le long du Rio Champoton, l'Hæmatoxylon campechianum donne naissance à des forêts qu'exploite l'industrie des colons européens et d'où nous vient le célèbre bois de Campêche.

En remontant dans le haut Mexique et gagnant la Californie, la végétation arborescente reprend quant aux genres, le caractère de nos climats tempérés, mais elle conserve encore ce caractère gigantesque qui est propre aux arbres du nouveau monde. Dans l'Orégon, les pins qui remplissent les forêts répandues sur le rivage de la mer, semblent être les rois de tous les pins de l'univers. Leur diamètre atteint 5 mètres, leur hauteur en dépasse parfois 100, et leurs cônes ont jusqu'à 15 pouces de long'. Le pin lambertina imprime à la côte de Californie un aspect imposant, mais triste. Les lignes de pins courent le long du littoral jusque dans l'Amérique russe, où ils se mêlent aux chênes et aux bouleaux. Leurs espèces moins hautes dominent dans les forêts du Nouveau-Hanovre, de la NouvelleGéorgie, où elles garnissent, avec des sycomores et des érables, les pentes qui s'inclinent vers l'Océan.

1 Duflot de Mofras, Exploration de l'Orégon, t. I, p. 478; t. II, p. 403.

Franchissons les Apalaches et les montagnes Rocheuses, et nous allons rencontrer de nouvelles lignes forestières. L'une des premières est tracée par le cupressus disticha, ou cyprès chauve, qui semble entouré par des bornes naturelles. Ce sont les exostoses qui se forment sur les racines de ce conifère et qui s'élèvent souvent à près d'un mètre de hauteur; ils constituent de véritables bornes qui défendent le tronc1 contre les atteintes des gros animaux. Ces cyprès composent des futaies gigantesques qui couvrent les vastes marais du bas Mississipi, de l'Arkansas, de la rivière Rouge et de la Floride, et s'étendent jusqu'à la bouche de l'Ohio'. C'est sous le vaste ombrage d'un de ces arbres, que Cortez et toute son armée trouvèrent un refuge au Mexique. Leurs tiges larges, de forme conique, se couronnent d'une multitude de branches horizontales qui s'enlacent les unes les autres et se confondent avec celles des cyprès voisins. Ces voûtes de feuillage, qui sont fréquemment superposées, donnent aux forêts de cupressus disticha un aspect tout particulier. Les feuilles courtes, d'un vert sombre, représentent, en se rapprochant, une sorte de crêpe qui imprime à ces ombrages une physionomie funèbre. Et sous ces dômes téné

1 Aug. de Saint-Hilaire, Morphologie végétale, p. 90. 2 T. Flint, the History and Geography of the Mississipi valley, · p. 41, 42 (Cincinati, 1832).

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