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centes. Plus au sud, dans le détroit de Magellan, les massifs ne sont plus guère formés que par le fagus betuloïdes1.

Le Brésil est la terre des forêts vierges (matto virgem) par excellence; leur aspect imposant saisit d'admiration le voyageur qui y pénètre. A mesure qu'il s'avance davantage dans ces retraites, son étonnement augmente, car la ressemblance que, par son contact extérieur, sa physionomie considérée à distance, ces forêts offraient avec celles de nos climats, s'efface peu à peu. Là, rien ne rappelle plus aux regards européens le spectacle des forêts de la patrie. Ce n'est plus cette fatigante monotonie de nos bois de chênes et de sapins. Chaque arbre a, pour ainsi dire, un port qui lui est propre et chacun a son feuillage et souvent offre une teinte de verdure différente de celle des arbres voisins. Des végétaux gigantesques qui appartiennent aux familles les plus éloignées, entremêlent leurs branches et confondent leurs feuillages. Les bignoniées à cinq feuilles croissent à côté des cæsalpinia, et les fleurs dorées des casses se répandent en tombant sur des fougères arborescentes. Les rameaux mille fois divisés des myrtes et des eugenia font ressortir la simplicité élégante des palmiers, et parmi les mimoses aux folioles légères, le cecropia étale ses larges feuilles et ses .

1 Revue britannique, 3e série, t. XIV, p. 262 et suiv.

branches qui ressemblent à d'immenses candélabres. La plupart des arbres s'élèvent parfaitement droit à une hauteur prodigieuse. Il en est qui ont une écorce entièrement lisse; quelques-uns sont défendus par des épines, et les énormes troncs d'une espèce de figuier sauvage s'étendent en lames obliques qui semblent les soutenir comme des arcs-boutants. Les fleurs obscures de nos hêtres et de nos chênes ne sont guère aperçues que par les naturalistes; mais dans les forêts de l'Amérique méridionale des arbres gigantesques étalent souvent les plus brillantes corolles. Des cassia laissent pendre de longues grappes dorées; les vochysia redressent des thyrses et des fleurs bizarres; des corolles tantôt jaunes et tantôt purpurines, plus longues que celles de nos digitales, couvrent avec profusion les bignonées en arbres, et des chorisia se parent de fleurs qui ressemblent à nos lis par la grandeur et par la forme, comme elles rappellent l'alstromeria par le mélange des couleurs. Certaines formes végétales qui ne se montrent chez nous que dans les proportion's les plus humbles, là se développent, s'étendent et paraissent avec une pompe inconnue sous nos climats. Des borraginées deviennent des arbrisseaux; plusieurs euphorbiacées sont des arbres majestueux et l'on peut trouver un ombrage agéable sous le feuillage épais d'une composée. Mais ce sont principalement les graminées qui montrent le plus de différence dans

leur végétation. S'il en est une foule qui n'acquièrent pas d'autres dimensions que celle de nos bromes et de nos fétuques, et qui formant aussi la masse des gazons, ne diffèrent des espèces européennes que par leurs tiges plus souvent ramassées et leurs feuilles plus larges; d'autres s'élancent jusqu'à la hauteur des arbres de nos forêts et présentent le port le plus gracieux. D'abord droites comme des lances et terminées par une pointe aiguë, elles n'offrent à leurs entre-nœuds qu'une seule feuille qui ressemble à une large écaille. Celle-ci tombe, de son aisselle naît une couronne de rameaux courts, chargés de feuilles véritables; la tige de bambous se trouve ainsi ornée, à des intervalles réguliers, de charmants verticilles; elle se courbe et forme entre les arbres des berceaux charmants 1.

Les lianes qui enlacent les arbres de ces forêts, sont elles-mêmes des arbres énormes. C'est le cipo matador ou la liane meurtrière dont la tige aussi droite que celle de nos peupliers, se suspend à l'aide de racines aériennes à d'autres tiges qu'elle annelle parfois de spires gigantesques. C'est le cipo d'imbé, prodigieusement aroïde qui existe à une hauteur considérable sur le tronc des arbres les plus élevés, et dont la souche forme autour de leur circonférence comme une sorte de couronne d'où s'élèvent des rameaux tortueux 2.

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1 Aug. de Saint-Hilaire, Voyage au Brésil, t. I, p. 11, 12. 2 Aug. de Saint-Hilaire, Leçons de Morphologie végétale, p. 89.

C'est surtout dans les provinces orientales du Brésil que ces forêts sont multipliées; elles forment un vaste district forestier qui est connu sous le nom de forêt générale, Matta gerale1.

Toutes les montagnes, les collines et les vallées de la Serra do Mar sont couvertes de ces lignes forestières, qui s'abaissent lorsqu'on s'avance vers les provinces de Pernambuco, Parahiba do Norte et Ceara. Le sol calcaire et granitique présente alors des conditions moins favorables à la végétation arborescente. Les forêts vierges n'apparaissent plus que de loin en loin et elles álternent avec les catingas. C'est ainsi qu'on appelle d'épais fourrés de broussailles, de plantes grimpantes et d'arbrisseaux, au milieu desquels s'élèvent, comme des baliveaux, des arbres de moyenne grandeur. C'est dans les catingas que l'on rencontre surtout cet arbre singulier appelé par les indigènes imburana, par les Portugais barrigudo et par les botanistes chorisia ventricosa *. Il a beaucoup plus de deux brasses de circonférence, et frappe d'autant plus que le diamètre des arbres

1 C. F. P. von Martius, Die Physiognomie der Pflanzenreichs in Brasilien, p. 9.

? Ce nom est dérivé de deux mots indiens, caa, tinga, bois blanc. Voy. A. de Saint-Hilaire, Voyage dans le district des diamants, t. II, p. 360.

3 V. Martius, o. c., p. 10.

* A. de Saint-Hilaire, o. c., t. II, p. 105.

qui l'entourent, ne va guère au delà d'un pied. Comme certaines colonnes il est plus renflé au milieu de la base, le plus souvent il grossit déjà à peu de distance de terre et à sa partie supérieure il va en diminuant à la manière d'un fuseau. Son écorce luisante et roussâtre n'est pas fendue, mais elle porte des tubercules gris qui sont les restes des épines dont l'arbre était chargé pendant sa jeunesse. Dans toute sa longueur le tronc qui atteint une grand élévation, ne présente pas un seul rameau, et son extrémité seule se termine par un petit nombre de branches presque horizontales '.

Les catingas ne dépassent pas au sud le milieu environ de la province des Mines et n'atteignent jamais une grande hauteur au-dessus de l'Océan '.

Il ne faut pas croire, écrit M. Aug. de SaintHilaire3, que les forêts vierges soient partout absolument les mêmes; elles offrent des variations, suivant la nature du terrain, l'élévation du sol et la distance de l'équateur. Les bois du Juquitinhonha, au delà de la Vigie, par exemple, ont plus de majesté peut-être que tous ceux des autres parties de la province, les arbres y montrent une vigueur surprenante, mais les lianes n'y sont pas très

Aug. de Saint-Hilaire, 1. c.

2 Aug. de Saint-Hilaire, Tableau géographique de la végétation primitive dans la province de Minas-Geraes, p. 199. Nouv. Annal. des Voyages, 3a série, t. XV.

3

Aug. de Saint-Hilaire, Tableau, p. 205, 206.

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