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à certaines époques, ils allaient cueillir le gui sacré. Ce mot entre en effet en composition dans plusieurs noms de sanctuaires et de temenos gaulois', et l'épithète de Nimidæ, par laquelle étaient désignées les forêts où s'accomplissaient encore des rites païens au temps du concile de Leptines, paraît en être dérivée2.

La forêt des Ardennes était personnifiée en une déesse que les Romains assimilèrent à leur Diane'.

lieux Némée, Nemetocenna, Nemetobriga. Suivant une tradition locale, la ville de Namur tirerait son nom d'une idole nommée Nam que renversa saint Materne, apôtre des Namurois. Il se pourrait fort bien qu'on eût transporté à cette idole le nom de quelque forêt sacrée (Voy. Bolland., Act. XIV septemb., p. 390). Toutefois, d'autres témoignages nous apprennent que cette idole était celle de Mercure, le Wodan germain. M. Petrie, dans sa savante dissertation sur les tours rondes de l'Irlande (Transactions of the royal Irish Academy, t. XX, p. 61 et suiv.) nous apprend que ces forêts s'appelaient chez les Celtes d'Érin, neimheadh. Suivant M. Benfey, il faudrait aller chercher l'étymologie de ce mot dans le sanscrit Nam-us, adoration, dérivé lui-même de l'idée première de séparation, qui, prise dans le sens figuré, renfermait celle de vénération, de respect. Voy. Griechisches Wurzellexicon, t. II, p. 184.

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1 Cæsar, De bell. Gallic., VI, 13.

Apuvaluɛtov. Strab., XII, 17. Vernemetis, Fanum ingens. Fortunat. Carm. 9.

3 De sucris sylvarum quæ Nimidas vocant. Cf. Diefenbach, loc. cit. E. Eckhart, Rerum francicarum lib. XXIII, Rheginon, de Disciplina ecclesiast. lib. II, p. 143.

*J. de Wal, Mythologia septentrionalis monumenta epigraphica latina, no 20, 21.

La contrée sur laquelle elle s'étend, demeura longtemps plongée dans les ténèbres du paganisme. Les sauvages populations du Hainaut et du pays Wallon tenaient à ce culte, dont la nature prenait elle-même le soin de renouveler sans cesse les monuments autour d'eux. Au vr° siècle, Grégoire de Tours nous apprend que le culte de Diane sé conservait encore à Trèves'. Ce fut dans le siècle suivant que saint Hubert et saint Bérégise déracinèrent, les premiers, les croyances païennes de ce pays', croyances qui y étaient bien vivaces, comme on peut en juger par ce tableau qu'en trace Hariger, dans la vie de saint Remacle3. « Reperit ibi mani« festa satis indicia, quod loca illa idolatriæ quon« dam fuissent mancipata, lapides scilicet Dianæ et <<< aliis portentuosis nominibus effigiatos, fontes ho<«< minum quidem usibus aptos, sed gentilium er

1 Bolland. Act. II octob., p. 528, col. 2. « Nam cum illis << adhuc temporibus fanatico errore Austrasiacorum populus <«<r.ultis in locis horrende fæderetur, per hunc præcipuum sa« cerdotem dæmonum præstigia et idolorum fantasias maxime « ab hoc Ardennensi territorio, etc. »

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Gregor. Turon., Hist. Franc., lib. V, p. 229, ed. Ruinart. Cf. A. Beugnot, Histoire de la destruction du paganisme en Occident, t. II, p. 319.

3 Lib. I, 92. Saint Remacle, évêque de Maestricht, fonda les abbayes de Stavelot et de Malmédy, au pays d'Ardenne. Bolland. Act. III septemb., p. 669 et suiv. 680. Le pieux évêque se hâta d'exorciser ces lieux où il fit construire la seconde des abbayes que nous venons de citer.

<< rore pollutos ac per hoc dæmonum adhuc infes<<< tatione obnoxios. »

Une déesse, du nom de Nemetona, paraît avoir été adorée comme la divinité tutélaire des forêts du Palatinat qui avaient valu à Nemetum son nom1. On invoquait encore comme une divinité les cimes du mont Vosege ou Vosge, toutes ombragées de forêts. De l'autre côté du Rhin, les massifs qui couvrent les sommets de l'Abnoba étaient placés sous la garde d'un dieu, Odin, et la forêt Noire dut à cette circonstance son nom d'Odenwald3.

Au milieu de ces forêts ténébreuses, des clairières servaient de lieu d'assemblée, d'endroit de réunion pour les druides et les eubages. Le Champ de feu ou Hochfeld dans les Vosges semble avoir eu jadis cette destination. On y voit encore de nombreux monuments druidiques. Un temenos de ce genre se trouvait au milieu de la forêt des Carnutes, et c'est là que se tenait la réunion générale des druides gaulois. Ces emplacements répondent aux Valplatzen des anciens Scandinaves, lieux choisis spécialement pour les assemblées re

2

1 J. de Wal, o. c., no 326.

VOSEGO || MASIIMINVS || V. S. L. L. Gruter, XCIV, 10.

3 Eginhard, Histor. translat. martyr. Marcell. et Petri, ap.

Oper., ed. Teulet, t. II, p. 178.

Élie de Beaumont et Dufrénoy, Explication de la carte géologique de France, t. I, p. 68.

ligieuses et qu'entouraient des blocs de pierre grossièrement taillés1.

Les Celtes aimaient à se faire enterrer dans ces sanctuaires ombragés par les hautes futaies des forêts; ils préféraient ces lieux saints pour y déposer leur dépouille mortelle. On a observé dans plusieurs forêts fort anciennes des tumulus et des tombelles gauloises. Dans la forêt de Carnoet (Finistère), on a récemment mis au jour une sépulture contenant une chaîne d'or, une chaîne d'argent, un casse-tête, un fer de lance, un poignard et divers autres objets de travail gaulois'.

Dans la forêt de Duault (arrondissement de Guingamp), où les ducs de Bretagne avaient jadis leur haras et qui conservait encore, il y a une cinquantaine d'années, tout à fait l'aspect d'une forêt primitive, le monument druidique appelé le Calvaire de la Motte paraît avoir été un tombeau de quelque haut personnage. Les habitants du pays croient que le dolmen qui le surmonte est la pierre sur laquelle saint Guénolé vint d'Angleterre en Bretagne'.

Voy. Chr. Keferstein, Ansichten über die keltischen Alterthümer, t. I, p. 283 (Halle, 1846).

• Annales forestières, t. II, p. 547. Les antiquités découvertes dans la forêt de Carnoet sont déposées au Musée de l'hôtel de Cluny, à Paris.

3 Habasque, Notices historiques sur les Côtes-du-Nord, t. III, p. 54.

Dans diverses localités des Vosges on a trouvé des cimetières gaulois au milieu des bois. Sur le plateau jadis couronné de forêts, que surmontent les ruines du châtelet de Bonneval, on a découvert, au lieu nommé Goutte des Tombes, un dolmen et de nombreux tumulus gaulois, dont on a retiré des médailles et des armes celtiques1. Près de Martigny-lez-Lamarche, des tombelles ont été également découvertes dans deux bois2.

La contrée qui s'étend entre Kirkby Moor, Heathwaith, Woodland, au nord du Lancashire, et qui était jadis couverte de forêts, présente les restes d'un vaste cimetière celte que l'on a récemment décrit 3.

En Allemagne, c'est souvent dans la profondeur des forêts, à l'ombre des bocages, sous de hautes futaies que l'on découvre ces antiques tombeaux connus sous le nom de Hunengraeber et qui remontent, pour la plupart, au temps des anciens Germains*.

En même temps qu'avec la civilisation la popu

1 H. Lepage et Charton, le Département des Vosges, t. II, p. 68.

2 H. Lepage, o. c., t. II, p. 317.

3 Voy. le mémoire de M. Charles M. Jopling, donné dans le t. XXXI de l'Archæologia published by the Society of antiquaries of London, p. 451 et suiv.

Fr. Müller, Die Hunengraber dans Behlen, Allgemeine Forst und Jagd-Zeitung, 1834, p. 240.

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