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ries'. Ailleurs ce sont des forêts plus fourrées et plus impénétrables, toutes garnies de lianes et de plantes sarmenteuses, de buissons épineux, dont des légumineuses arborescentes, des mimosées, des cassiées constituent les futaies". Les sombres et sévères conifères de nos climats ne rembrunissent jamais de leur feuillage les couleurs vives de ces massifs d'arbres.

A côté de ces forêts formées par les tiges élevées des essences que je viens de nommer, se placent d'autres forêts aux essences moins hautes, vastes amas d'arbustes, de broussailles, de roseaux, où l'homme ne trouve pas un sentier, un espace ouvert pour poser son pied. Ce sont ces célèbres jongles qui atteignent dans l'Orissa3, à Ceylan* et dans l'Assam leur plus grande étendue. Ces gigantesques fourrés servent de repaire aux tigres, aux éléphants, aux buffles, aux rhinocéros, à tous ces ani

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1 C. Ritter, Die Erdkunde von Asien, t. IV, p. 963. 2 C. Ritter, o. c., t. IV, p. 979.

3 Voy. sur ces forêts, dont quelques-unes ont quatre journées d'étendue, et où abonde le tendou ou ébénier bâtard, Account of a journey from Calcutta via Cuttack and Pooeree to Sunbulpur and from thence to Mednipur through the forests of Orissa, by lieut. Kittoe, dans the Journal of the Asiatic Society of Bengal, vol. VIII, p. 474 et suiv., 606 et suiv., 678 et suiv.

4 Voy. de Butts, Rambles in Ceylon, p. 190 (London, 1841). 5 Voy. A sketch of Assam by an officer, p. 27 (London,

maux dont l'homme redoute la rencontre et les déprédations. Dans les jongles de l'Orissa erre lè jungly-gau, ou boeuf des jongles, qui semble être la souche sauvage des bœufs domestiques de l'Inde. Parfois ces jongles recouvrent un sol humide et marécageux où risque de s'enfoncer celui qui se hasarde, la hache à la main, dans ce dédale végétal. Telles sont les forêts qui s'étendent sur le Delta du Gange et dans lesquelles le soundari (heritiera minor) forme l'essence dominante. Cette région hérissée de bois, qui doit à cette dernière circonstance son nom de sunderbunds, est, comme toutes ces jongles, plus encore que les autres, un foyer de miasmes délétères d'où le choléra et les fièvres pernicieuses vont, portés par les moussons, s'abattre sur les contrées ouvertes et habitées. Ces forêts de broussailles et de roseaux rappellent pai leur aspect la végétation des contrées subpolaires, avec cette différence que l'extrême chaleur arrête là l'activité de la croissance des arbres, tandis que, ici, ce sont les frimas qui produisent le même effet. Tout dans ces vastes jongles respire l'immobilité de la mort et la monotonie de l'hiver; mais c'est un hiver de sécheresse. L'atmosphère lourde et immobile imprime à l'air une teinte morne et une pesanteur fatigante qui abat l'âme et énerve les forces de celui qui pénètre dans ces forêts. Longtemps les arbres morts demeurent droits et garnis de branches privées de feuillage, sans qu'un coup

de vent vienne les renverser'. Parfois cependant quelques fleurs aux couleurs vives, le cotonnier épineux, le mourata (lagerstræmia reginæ), aux nuances écarlates et ponceaux, tranchent avec la teinte brune et jaunâtre de la masse'. Et sur la lisière de ces forêts chétives, des essences plus élevées relèvent, par la majesté de leurs tiges, les lignes que tracent les touffes d'arbustes et de roseaux3.

Sur les montagnes de l'Hindoustan et de l'archipel indien les forêts sont souvent disposées par étages. D'abord apparaissent les palétuviers (rhizophora mangle), qui s'avancent au milieu de l'Océan et étendent leur tige sur les plages qu'inonde la marée montante. Les cocotiers qui croissent aux bords de la mer, forment des forêts à Ceylan, dans les Laquedives et couvrent presque tout le littoral de la côte de Malabar et la province de Canara3. A l'entour des villes de Travancore, de Calicut, de Tellichery, de Goa, de Bombay, règnent des forêts composées uniquement de cette essence; vient ensuite le bois de tek, puis celui de san

1 Voy. Major Forbes, Eleven years in Ceylon, vol. I, p. 167, 168 (London, 1840).

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Forbes, o. c., t. I, p. 188. Voyez ce que dit ce voyageur des forêts du district de Kandy.

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Montgomery Martin, The history of eastern India, t. II, p. 783.

* Voyez ce que je dis plus loin de ces forêts marécageuses. Ritter, o. c., t. IV, p. 839, 840.

tal'. Cette disposition s'observe surtout dans le Malabar. Ce dernier arbre forme aux environs de Chatrakal, au nord de Seringapatam, des forêts où les tigres empêchent l'Hindou de pénétrer', et le nombre de tiges que renferment les forêts de Magadi, à l'ouest de Bengalore, dépasse parfois trois mille.

Quand on remonte vers l'Himalaya, les forêts prennent un caractère qui rappelle davantage celui de nos climats. Jacquemont fut frappé de l'analogie qui existe entre la distribution de la végétation qui s'offrit à ses yeux dans cette chaîne de montagnes, et celle qu'on rencontre dans les Alpes. Cependant cette végétation himalayenne a aussi ses nuances et ses apparences diverses. Le caractère des forêts varie sur ces cimes suivant les expositions. Sur le premier étage, le long des pentes inférieures croît l'euphorbia sourou, qui manque complétement à l'étage supérieur où se pressent les tiges de pinus longifolia. Les aunes, les saules se mêlent à ces arbres dans les districts du Cachemire *. Ailleurs comme au Kedar-kanta, c'est le chêne (quercus diversifolia) qui constitue l'essence dominante. Laissons le célèbre Jacquemont nous tracer un

1 Ritter, o. c., t. IV, p. 817.

2 Ritter, o. c.,

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Jacquemont, Voyage dans l'Inde, t. II, p. 446.

* Vigne, Travels in Kashmire, Ladak, Iskardo (2o édit., 1844), t. I, p. 56.

tableau de la végétation arborescente de ces régions:

« L'Himalaya n'a donc pour lui que la grandeur de ses dimensions', mais bientôt l'œil s'accoutume à cet horizon des montagnes, et alors il n'y trouve plus comme dans les plaines qu'une uniformité continuelle d'un autre genre. Il n'y a pas plus de vallées verdoyantes que de cimes nués et déchirées; les escarpements inaccessibles manquent comme les sommets unis qui les couronnent si souvent dans les Alpes.

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«Voilà pour les formes. La végétation qui les couvre ést monotone comme elles. Comment en serait-il autrement, puisque c'est la diversité des sites qui produit celle des plantes, et qu'ici presque tous les sites se ressemblent? Des bois, où la variété des espèces que paraîtrait commander une latitude aussi méridionale est déjà très-réduite par l'élévation absolue, ombragent les bords des torrents dans les vallons les plus ravinés. Sur les pentes des montagnes, on voit également une ligne étroite de verdure plus sombre marquer le cours des ruisseaux assez rares qui y glissent. Leurs 'flancs sont d'un vert monotone sans éclat. Il n'y a ni prairies ni pâturages, mais partout, excepté sur les plus hautes cimes, une herbe inégale et grossière, trop courte pour faire une prairie, trop longue pour faire un pâturage. Des blocs nombreux sont épars sur ces gazons vulgaires; des éboule

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