CORASMIN. Non, jusqu'ici nul mortel ne s'avance; Le sérail est plongé dans un profond silence; Tout dort, tout est tranquille; et l'ombre de la nuit... OROSMANE. Hélas! le crime veille, et son horreur me suit. A ce coupable excès porter sa hardiesse! Tu ne connaissais pas mon cœur et ma tendresse! Combien je t'adorais! quels feux! ah! Corasmin, Un seul de ses regards aurait fait mon destin; Je ne puis être heureux, ni souffrir que par elle. Prends pitié de ma rage. Oui, cours. . Regarde, elle est ici. NÉRESTAN. Que dis-tu? Quelle erreur? OROSMANE. Sa sœur! Qu'ai-je entendu? NÉRESTAN. Barbare, il est trop vrai: viens épuiser mon flane Du reste infortuné de cet auguste sang. Lusignan, ce vieillard, fut son malleureux père; Il venait dans mes bras d'achever sa misère, Et d'un père expiré j'apportais en ces lieux La volonté dernière, et les derniers adieux; Je venais, dans un cœur trop faible et trop sensible, Rappeler des chrétiens le culte incorruptible. Hélas! elle offensait notre Dieu, notre loi; Et ce Dieu la punit d'avoir brûlé pour toi. OROSMANE. Zaïre! . . . Elle m'aimait? Estil bien vrai, Fatime? Sa sœur? . . . J'étais aimé? FATIME. sacrer Celle qui, malgré soi constante à t'adorer, Se flattait, espérait que le Dieu de ses pères Recevrait le tribut de ses larmes sin-. cères, Qu'il verrait en pitié cet amour malheureux, Que peut-être il voudrait vous réunir tous deux. Hélas! à cet excès son cœur l'avait trompée; De cet espoir trop tendre elle était occupée; Tu balançais son Dieu dans son cœur alarmé. OROSMANE. Tu m'en as dit assez. O ciel! j'étais aimé! Va, je n'ai pas besoin d'en savoir davantage. NÉRESTAN. Cruel! qu'attends-tu donc pour assouvir ta rage? Il ne reste que moi de ce sang glorieux Dont ton père et ton bras ont inondé ces lieux; Rejoins un malheureux à sa triste famille, Au héros dont tu viens d'assassiner la fille. Tes tourments sont-ils prêts? Je puis braver tes coups; Tu m'as fait éprouver le plus cruel de tous. Mais la soif de mon sang, qui toujours te dévore, Permet-elle à l'honneur de te parler encore? En m'arrachant le jour, souviens-toi des chrétiens Dont tu m'avais juré de briser les liens; Dans sa férocité, ton cœur impitoyable De ce trait généreux serait-il bien capable? Parle; à ce prix encor je bénis mon tré pas. OROSMANE, allant vers le corps de Zaïre. Zaïre! CORASMIN. Hélas! seigneur, où portez-vous vos pas? Rentrez, trop de douleur de votre âme s'empare; Souffrez que Nérestan. . . NÉRESTAN. Qu'ordonnes-tu, barbare? OROSMANE, après une longue pause. Qu'on 1 Joppé, Jaffa (in English Bible, Joppa). |