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La pierre me paraît être celle des bancs durs qu'on trouve dans les carrières de Conty et de Croissy; c'est dans tous les cas un calcaire blanc qui appartient au dépôt crétacé de la localité.

J'ai relevé les dimensions et la forme du sarcophage de façon à vous en présenter le dessin aussi exactement que possible. Amiens, le 29 juin 1880.

DESCRIPTION

Du Tombeau de JEAN et de RENAUD DU GARD, Seigneurs de Méricourt-sur-Somme,

Suivie de quelques notes généalogiques sur leurs successeurs, Par M. Hector Josse, m. t. r.

Le village de Méricourt-sur-Somme possédait avant la Révolution un prieuré simple, de l'ordre de Cluny, fondé en 1111 par saint Geoffroy, évêque d'Amiens, en faveur des religieux de Lihons.

L'ancienne église, remplacée vers 1840 par un édifice sans aucun caractère, était divisée en deux parties bien distinctes: d'abord la partie basse, que nous appellerons simplement la nef, destinée aux offices paroissiaux, placée sous le vocable de saint Martin, et desservie par un vicaire perpétuel; puis, la partie haute, désignée sous le nom de chapelle de Notre-Dame, et exclusivement réservée au prieur ou à son chapelain.

D'après un titre de 1621, le prieur devait y célébrer annuellement les cinq fêtes de la sainte Vierge (Assomption, Nativité, Conception, Purification et Annonciation) par le chant des premières Vêpres, des Matines, de la grand'Messe, des secondes Vêpres et des Complies. Dans ces jours, le vicaire perpétuel était

tenu de remplir les fonctions de diacre. Le prieur ou son représentant avait en outre l'obligation de dire trois messes basses chaque semaine : le dimanche, le jeudi, en l'honneur du TrèsSaint-Sacrement, et le samedi, en l'honneur de la Sainte-Vierge. La bénédiction de l'eau bénite était aussi réservée au prieur, et précédait sa messe du dimanche.

C'est dans la chapelle de Notre-Dame ou du Prieuré que les seigneurs du lieu avaient choisi leur sépulture.

Lors de la reconstruction de l'église, deux pierres tombales furent transportés dans le chœur du nouveau temple.

L'une d'elles, tirée des carrières voisines et composée d'un calcaire facilement délitable, est aujourd'hui complètement fruste et ne conserve pas la moindre trade d'inscription ni de gravure. Nous verrons plus loin qu'elle a pu appartenir à Antoine du Gard.

L'autre, en pierre de liais, avait déjà attiré notre attention il ya plusieurs années. Mais alors, cachée en partie sous un lutrin massif, elle ne laissait entrevoir que quelques mots de son inscription, qui furent communiqués à M. l'abbé de Cagny et insérés dans l'Histoire de l'Arrondissement de Péronne.

Au commencement de cette année, le dallage du chœur fut remplacé par un pavé en céramique, et M. le curé de Méricourt, désireux de conserver l'unique monument antique que possède son église, enleva soigneusement la pierre, avec l'intention de la faire restaurer et dresser contre l'une des murailles intérieures. Bien que ce projet ne soit pas encore exécuté, l'examen du monument est aujourd'hui facile.

Au milieu de la dalle funèbre sont gravées en traits autrefois remplis d'un mastic rouge, les figures de deux chevaliers. Ils portent l'épée au côté, et sont revêtus de la cuirasse, des brassards, des jambards, en un mot, de l'armure complète, sauf les gantelets et le heaume, déposés à leurs pieds. Les mains sont

jointes sur la poitrine, et la tête nue repose sur un coussin de forme ronde.

Les quatre angles de la pierre devaient être ornés d'armoiries. Deux seulement sont encore visibles. Au coin supérieur de droite se trouve un écu en losange, d'or à 3 écussons de vair, entouré d'une cordelière. A la partie inférieure du même côté, l'autre écu est écartelé: aux 1 et 4, d'azur à 3 gards ou canettes d'argent, becquées et membrées de gueules, qui est du Gard; aux 2 et 3, d'or à 3 écussons de vair, qui est de Fontaines; supports: deux lions ayant la queue nouée autour de la cuisse dextre; timbre: un casque de comte, c'est-à-dire taré au tiers, empanaché et grillé.

La dalle est bordée d'une guirlande en creux, remplie d'un enduit rougeâtre comme les portraits des chevaliers.

L'enduit est noir dans l'inscription gravée immédiatement audessous de la guirlande marginale, et dont voici le texte :

(Chi gisent) Messire Tchan du Gard chevallier seigneur de Mericourt-sur-Some de Merviler de Fresneville et Chaulsoi Tilloloi et Septanville en ptie, Seneschal et Gouvernr de Pothieu, leql delaissa deux filz de Madame Tehañe de Fotaine et trepassa le II° jor de mars Mil Vc DIII et dix................rnaud du Gard ler filz ainé, chevallier....................

Ces deux derniers mots sont douteux. La suite, qui forme environ la cinquième partie de l'inscription, est complètement illisible. Souvent foulé aux pieds, ce côté de la dalle est usé au point de ne plus conserver traces de la guirlande qui, cependant, avait été profondément fouillée par le graveur.

Le premier chevalier inhumé sous cette pierre était Jean du Gard, cinquième du nom, le deuxième des dix enfants de Jean VI du Gard et de Catherine Lefebvre de Caumartin. Il devint chef de la famille par l'entrée en religion de son frère aîné, Guillaume, moine de Corbie et prieur de Vendeuil. Parmi ses frères et sœurs nous citerons encore Christophe, auteur de la branche de Suzenneville; Claude, chef des seigneurs de Berny; Antoine, qui alla

s'enfermer avec Guillaume dans les cloîtres de Corbie, et devint prieur de Saint-Laurent-au-Bois; Charlotte et Madeleine, religieuses, l'une à Longpré-lès-Corps-Saints, l'autre à Variville; Anne, femme de Guillaume Le Grand, seigneur d'Argœuves; et enfin Antoinette, épouse de Philippe d'Ardres.

Jean V ne trouva point la seigneurie de Méricourt-sur-Somme dans son patrimoine : il l'acheta, conjointement avec Jeanne de Fontaines, son épouse, de Jean de Bayencourt, en 1583 (1), et dès lors, en fit son séjour de prédilection.

Ses fonctions de gouverneur du Ponthieu amenaient autour de lui les gentilshommes de cette province. La présence de l'un d'eux à Méricourt nous est révélée par son cachet, qui fut retrouvé en 1865, au bois de Cateaux, par M. Buquet, alors maire de la commune. J'ai l'honneur de placer sous vos yeux une empreinte de ce cachet. On y voit un écusson d'argent, fretté d'azur, au lambel d'argent, entouré de ces mots : * S. WILLAUME-BECQUET. Ce n'est

(1) La terre de Méricourt relevait du comté de Corbie. Voici la liste de ses premiers possesseurs: 1265, Jean de Polainville; 1266, Huon Waubert; 1325, Jean de Longueval, seigneur de Froissy, près Bray; vers 1380, Charles de Happlaincourt, par son mariage avec l'héritière de Longueval; 1398, Guérard d'Athies, par son mariage avec Jeanne de Happlaincourt; 1414, Charles d'Athies, leur fils; 1456, Guérard d'Athies, frère du précédent; 1458, Jean de Hangest, par acquisition; 1490, Jacques de Hangest, fils de Jean; 1501, Louis de Hangest, seigneur de Monmort, et son épouse, Jeanne de Mouy, par acquisition; avant 1509, Jean de Cardonne et son épouse, N. de Graida de Facilière, par acquisition; vers 1515, François de Pignort, en vertu de son mariage avec Isabeau de Cardonne; 1519, Galcerant de Pignort; 1524, François de Bosqueaux, à cause de sa femme, Gabrielle d'Ailly, héritière de Mme de Graida; vers 1550, Jean de Bosqueaux; 1556, Antoine de Boulainvillers, à cause de sa femme, Jossine de Sailly, héritière de Jean de Bosqueaux; vers 1570, Jean de Bayencourt et Michelle Lempereur, sa femme; 1576, François de Bayencourt, leur fils, qui vendit à Jean du Gard.

point ici le lieu de m'étendre sur la famille Becquet: je me bornerai à constater qu'elle occupait un rang distingué dans la noblesse du Ponthieu, et se prétendait issue de la même souche que saint Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry, martyrisé en 1171.

Le second chevalier, représenté sur la pierre tombale, à côté de son père, est Arnaud ou Renaud du Gard. La généalogie de la famille du Gard ne fait aucune mention de ce personnage. Elle n'attribue à Jean V qu'un fils du mariage qu'il contracta en 1566 avec Jeanne de Fontaines, fille de Raoul, seigneur de Ramburelle, et de Françoise de Bacouel. Le généalogiste dont nous nous plaisons à reconnaître ici tout le mérite, est néanmoins tombé dans l'inexactitude en affirmant que notre Jean du Gard avait perdu son épouse avant de descendre lui-même dans la tombe: Jeanne de Fontaines, après la mort de son premier mari, contracta une nouvelle alliance avec Pierre de Rogues, seigneur de Ville.

Nous avons parlé d'une autre pierre tumulaire complètement fruste, qui se trouvait aussi dans la chapelle de Notre-Dame du prieuré de Méricourt. Elle appartenait, selon toute vraisemblance, å Antoine du Gard, le fils survivant de Jean V. En effet, dans son testament, daté du 10 avril 1634, Antoine exprime la volonté d'être inhumé dans la dite chapelle auprès de Charlotte d'Aumale, fille de Nicolas, seigneur d'Haucourt, Chuignolles et Marcelcave, qu'il avait épousée le 19 janvier 1591.

De cette union étaient nés trois enfants: 1o Charles du Gard, seigneur de Méricourt-sur-Somme, des Moulins de Bray-surSomme et de la Neuville-lès-Bray; 20 Henri, mort, comme son aîné, sans alliance; 3° Magdeleine, qui porta tous les biens de sa famille dans celle des Le Fournier de Wargemont, par son mariage, en date du 11 février 1628, avec Aimar, seigneur de Wargemont, Barlettes, Heudelimont, Ribeaucourt, Graincourt, Houdencourt, etc.

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