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Sans doute, il était évêque et Abbé et, comme tel, maître dans son diocèse et dans son abbaye, mais non pas jusqu'à méconnaître des droits légitimes qui avaient reçu un commencement d'exécution. En agissant comme il le fit, il ne se comportait pas loyalement.

Abandonné par les soldats de la Meilleraie et par ses confrères, M. Beaumont resta seul à son poste. Il fut fait prisonnier et on lui mit les fers aux pieds. Quand dom Germain fut averti de ce traitement odieux, il alla trouver le Président du Parlement de Rennes M. Marbeuf, pour obtenir qu'on agît plus humainement avec cet ecclésiastique. Il consentit même à son élargissement quoique, dans son interrogatoire, Beaumont eût laissé échapper des aveux qui méritaient punition.

Presque aussitôt, l'évêque de St-Malo obtint un arrêt du Conseil privé qui expulsait les Mauristes et défendait au Parlement de retenir cette affaire. Blessée dans son honneur, cette Cour Souveraine passa outre et rendit un nouvel arrêt qui maintenait ses jugements antérieurs. Le conflit menaçait de ne plus finir. Dom Germain Morel prit l'avis des Supérieurs Majeurs et ceux-ci lui ordonnèrent de céder. Il obéit et se contenta, pour toute vengeance, de rédiger un récit fidèle des événements 1.

1. Cet ouvrage se divise en deux parties. La première contient l'exposé des faits, la deuxième discute la question de droit et prouve que l'intrusion des missionnaires est contraire aux décrets des Souverains Pontifes, aux sentiments des docteurs en droit canon, aux édits et ordonnances des princes, aux coutumes de la province et aux arrêts des Cours Souveraines, Archives de la France monas

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L'évêque de St-Malo, au lit de mort, fit dire à son neveu et successeur, comme Abbé de St-Méen, qu'il ne l'obligeait pas à continuer ce qu'il avait commencé. C'était un désaveu de sa conduite passée, mais une rétractation insuffisante, pour son honneur et pour la justice 2.

Quant à M. Vincent si les ménagements qu'il devait à l'évêque de St-Malo l'avaient empêché de se montrer aussi condescendant que dom Tarrisse, la modération de ce dernier, dans cette occurrence, augmenta encore, s'il était possible, l'estime que lui portait le Supérieur Général de la Mission. Il aimait à répéter << que la seule pensée de la singulière mo

tique, t. XI, p. 44 et suiv. Il y a d'après dom Guilloreau, trois copies de ce manuscrit, l'une, gardée à St-Mélaine de Rennes, l'autre que dom Germain Morel se réserva, la troisième fut donnée à la Congrégation de St-Maur.

1. Ferdinand de Neuville, fils de Charles Marquis d'Alincourt et de Jacqueline de Harlay.

2. Lors du procès, pour la béatification de S. Vincent de Paul, sa conduite dans l'affaire de St-Méen, fut une des principales objections que souleva l'avocat du diable. Coste: Correspondance de S. Vincent de Paul, t. III, p. 46, note.

Se reporter également aux archives de la Congrégation de St-Lazare: Processus S. C. Rituum in causa beatificationis venerabilis Servi Dei Vincenti a Paulo, 1701-1729, volume II, p. 69: Factum Monasterii Sancti Menenii Macloviensis diocesis : « quarta difficultas de nonnullis actibus qui specialius obstare videntur approbationi virtutum Servi Dei... »

A la fin de cette pièce se lit cette phrase : « Patefacit haec facti series Servum Dei Vincentium per duodeviginti annos tam stricto assumpto oneri, non satisfecisse nec curam habuisse ut ab aliis satisfieret, quod expresse promiserat praestiturum; omissio haec autem si non dolosa, saltem culposa esse videtur ». L'enquêteur résume plusieurs autres affaires avec celle de St-Méen.

» destie et composition extérieure du Père Général » des bénédictins le remettait, avec douceur, en la » présence de Dieu, quand la nécessité des affaires. » extérieures l'avait un peu dissipé »1.

1. Dom Martène: Histoire de la Congrégation de St-Maur, t. I, p. 803-806.

CHAPITRE XI.

DERNIÈRE MALADIE 1.

Au mois d'août 1646, le Père Général alla à Jumièges afin de boire les eaux de Forges. Il y ressentit les premiers symptômes de la maladie de la pierre. Il consulta un bon médecin de Rouen M. Lampérier. Le diagnostique de ce docteur fut net et assez brutal. En pareil cas, il n'y avait d'alternative que l'opération ou la mort.

La cure fut donc interrompue et, au début de septembre, dom Tarrisse se rendit à St-Denys, où l'on réunit plusieurs médecins célèbres et un chirurgien d'une habileté européenne dans ces sortes d'affections, appelé Philippe Colot. Tous conclurent que l'opération était nécessaire.

Ces nouvelles n'émurent pas le Supérieur Général. Il ne redoutait ni la mort, ni la souffrance, mais il ne voulait agir qu'avec conseil et prudence. Les Supérieurs les plus voisins, ainsi que leurs Assistants furent convoqués et appelés à délibérer sur cette question. La première demande qu'on lui fit porta sur l'opération : « l'appréhendait-il » ? — Sa réponse fut« qu'il obéirait aux ordres reçus aussi tranquillement que si on lui prescrivait d'aller dans sa chambre ». Un dissentiment s'éleva entre lui et

I. Dom Calliste Adam: Circulaire après la mort de dom Tarrisse. Tous les détails donnés sont empruntés à ce document, sauf référence spéciale.

l'assemblée, à propos de ce mot obéir. Il exigeait un ordre exprès. Mais les Supérieurs lui répondaient que la Congrégation ne pouvait lui adresser un pareil commandement. Cela le contrariait parce qu'il voulait ajouter à cette action le mérite de l'obéissance. On lui répliquait que pour garder cette valeur morale, il suffisait que sa conduite fût autorisée par la Congrégation. Après cette légère discussion, il ajourna sa résolution à quelques jours, afin de se recueillir. Des billets furent envoyés à tous les monastères de St-Maur demandant qu'on priât Dieu pour lui.

Le 5 octobre, jour de S. Placide, il sollicita un nouvel avis des médecins. Ceux-ci maintinrent leur déclaration précédente. Il eût souhaité de la Congrégation un commandement exprès mais voyant qu'il ne pouvait l'obtenir, il recourut à son directeur de conscience et, enfin, s'offrit à subir la taille par obéissance ou à souffrir les maux qui l'attendaient en se sacrifiant pour la Congrégation. On accepta cette décision. Il en éprouva quelque joie intérieure et se fixa à St-Denys, se réservant, en cas de nécessité, de venir, passagèrement, à Paris 1.

1. Un témoignage de l'amitié que professait pour dom Tarrisse, M. Molé, Premier Président du Parlement de Paris, mérite d'être retenu. « Quand il eut appris que les médecins avoient conclu à la taille, il se fit conduire en grande hâte à St-Denys, au sortir du Palais et dit au religieux qui vint le recevoir, qu'il était venu promptement pour empêcher cette opération et lui (à Tarrisse) persuader le contraire, ajoutant qu'un homme de ce mérite étoit trop nécessaire à la Congrégation : qu'au reste il étoit bien assuré que la sainteté du P. Tarrisse et son courage étoient tels qu'il porteroit encore longues années son mal pour

Dom Grégoire Tarrisse

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