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1634 ne devaient pas prendre part au vote, convoquèrent, à la hâte, des religieux, appartenant à des monastères voisins, dont dont quelques-uns même n'étaient pas profès. Contre tout droit, un séculier s'introduisit dans l'assemblée. C'était Giraud, le secrétaire de Condé. Il éleva la voix, interpella le groupe des Anciens, subornés par lui, et leur demanda s'ils ne voulaient pas, comme Abbé, Armand de Bourbon, prince de Conti? Leurs acclamations lui répondirent. Il proclama l'élection et, suivi de ses partisans, se rendit à l'église, où il entonna le Te Deum.

Le Grand Prieur, qui était un homme sage, ne se troubla pas. Il réunit le reste de la communauté au chapitre et, après avoir prouvé la nécessité de procéder canoniquement au scrutin, il fit élire, comme Abbé régulier, dom Germain Lespiard, Visiteur de la province de Bourgogne. A cette nouvelle, la rage de Giraud ne se peut décrire. Il s'emporta, avec hauteur, contre un acte qu'il qualifia d'attentat ! Si dom Lespiard fût tombé entre ses mains, on aurait eu à redouter, de sa colère, les plus funestes excès ! Mais, dom Tarrisse veillait. Il éloigna l'Abbé régulier et le mit en sûreté, tandis qu'il s'occupait des démarches nécessaires. Il y eut procès à Paris et procès à Rome. Condé se multipliait chez le roi, au Parlement et au Grand Conseil. Sur ces entrefaites, Louis XIII mourut, ce qui compliqua, encore, les embarras. Dom Tarrisse crut devoir céder. Il obtint que dom Lespiard donnât sa démission et il ne s'opposa plus à ce que le prince de Conti demandât ses bulles, à Rome. Innocent X les accorda,

sans retard et l'Abbé intrus prit possession le 24 décembre 1643.

Ce fut la mort de Cluny. Condé plaça auprès de son fils, pour gouverner l'abbaye, un conseil de laïques qui, ne connaissant rien aux lois de la vie monastique, bouleversèrent tout, au gré de leur caprice et de leur avidité. On assista à une véritable curée. Aucune des promesses faites pour gagner des voix ne fut tenue. Les pensions des Anciens qu'on s'était engagé à augmenter furent, au contraire, diminuées. Les échevins, au nom du prince, parlaient, avant l'élection, de réparer les routes et les ponts. Il s'agissait bien de cela une fois l'Abbé installé, mais de réaliser le plus d'argent possible, soit par des coupes de bois considérables, soit en vendant une deuxième fois leur charge aux officiers qui prétendaient rester en place.

En présence d'une pareille anarchie, une rupture, entre Cluny et St-Maur devenait, pour cette dernière Congrégation, non seulement nécessaire mais urgente. Dom Tarrisse l'obtint, le 22 octobre 1644, la fit approuver par la Régente et confirmer, à Rome, par un bref d'Innocent X, le 12 mai 1645.

Cependant, la secousse avait été si forte que des contrecoups fâcheux se produisirent ailleurs. ChezalBenoît, uni à St-Maur presque en même temps que Cluny, crut l'occasion venue de rompre, à son tour, pour se rattacher à Cluny. Ces rebelles intriguèrent auprès du prince de Condé et sollicitèrent sa protection. Dom Tarrisse sut parer à cette défection par un arrêt du Conseil qui débouta ces mauvais religieux de leurs prétentions et les ramena à

l'obéissance. Il montra en cette circonstance, que sa douceur ordinaire n'était pas faiblesse. Il fit voir aux indociles, comme le prescrit la Règle 1, le visage sévère du Maître.

Cette Union a été très diversement jugée. Dom Guilloreau 2 la qualifie d'extravagante et dom Paul Denis l'admire, au contraire. D'après lui, si les résultats ne furent pas aussi féconds que l'on pouvait le souhaiter, cet échec doit être attribué aux brouillons qui entouraient Richelieu, les Sourdis, les Rollet, les Coursan, les Lempérière. Il ne nous appartient pas d'entamer un pareil procès. Une troisième opinion mérite d'être citée, pour clore ce débat, c'est celle de dom Tarrisse, à son lit de mort. Dom Calliste Adam 8 nous rapporte ces paroles : « Le Révérend » Père dit que souventes fois il avoit éprouvé que >> Dieu avoit conduit les affaires par d'autres voies » que celles qu'il avoit projetées et que, par après, » il avoit clairement connu que c'étoit pour le » mieux. Que Dieu avoit permis l'Union et Désu» nion de Cluny pour un grand bien, en quoy il » avoit montré sa protection sur la Congrégation, » ayant permis la dicte Union pour la conserver » dans de mauvaises rencontres qui se passoient, » pour lors, en l'Ordre, où elle fût périe, infailli»blement et que cette Union, ayant eu son effet, » conformément au dessein de Dieu, qui en avoit » tiré le bien qu'il avoit prétendu, il avoit permis

1. Chapitre II.

2. Archives de la France monastique, t. XI, préface; et dom Paul Denis, ouvrage cité, p. 366.

3. Circulaire du 22 décembre 1648.

» la Désunion, en laquelle aussi a reluy une pro» tection signalée de Dieu, car où les autres » congrégations ont comme péri, il a relevé plus » glorieusement la nostre, la foisant subsister en » soi et la bénissant visiblement, dans l'augmenta» tion des monastères ».

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<< J'eus le bonheur 1, écrivait dom Tarrisse, le » 13 octobre 1643 de converser avec le P. Joseph, » capucin, seulement quatre ou cinq ans avant sa » mort, par l'occasion de quelques affaires régu» lières et fus, enfin, obligé de le voir et converser » souvent et assez privément... »

Cette phrase résume, avec exactitude, la nature des relations qui existèrent entre le Supérieur Général et le P. Joseph. Avant le moment qu'il désigne un peu vaguement 2 il ne l'avait jamais vu. Le capucin désira s'entretenir avec lui, « pour quelques affaires régulières », c'est-à-dire pour une question qui intéressait la Congrégation du Calvaire dont il était le fondateur avec Mme Antoinette d'Orléans. Cette audience fut suivie de beaucoup d'autres, parce que les deux personnages eurent à discuter l'Union de Cluny et de St-Maur. De ces conférences

1. Cette lettre est citée par M. Fagniez : Le Père Joseph et Richelieu, t. II, p. 442 et par l'abbé Dedouvres : Le Père Joseph et le Sacré-Cœur, p. 19. Angers, 1899, in-16.

2. Le P. Joseph mourut en 1638. D'après le récit des événements relatifs à l'Union de Cluny, Tarrisse aurait été reçu par l'Eminence grise antérieurement à 1633.

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