Page images
PDF
EPUB

ques étaient en velours vert, chamarrées de passements d'argent et ornées de croix blanches; l'habit était resté écarlate, couleur que nous retrouvons adoptée par les chevaliers tireurs lors de leur réorganisation en 1775. Les Enfants de ville assistent encore à l'entrée de Victor-Amédée II pour son mariage avec Mademoiselle, fille de Monsieur, frère unique de Louis XIV (1). A partir de l'occupation espagnole (1742-1748), il n'en est fait mention nulle part, et j'ignore l'époque où ils se fondirent dans la Compagnie des chevaliers tireurs qui leur succéda aux entrées.

83. Compagnies de l'arc, de l'arbalète et de l'arquebuse.

L'arc et l'arbalète furent les premières armes employées par les Compagnons dans leurs exercices. La forme de cette dernière était très variée. Quelques-unes se tendaient à la main ; d'autres, à l'aide d'un crochet ou d'un tour, pendant que l'on maintenait l'arme avec les pieds. A l'apparition des armes à feu, les princes de Savoie acquirent et firent ensuite eux-mêmes fondre des bombardes, couleuvrines, vouglaires, etc. Chambéry eut des bombardes dès 1391 (2), et les comptes de 1442

(1) 1684. Registre secret du sénat, page 71 recto. (2) Comptes des syndics, 1390-1391.

mentionnent la fabrication de couleuvrines portatives dites couleuvrines à main. Quelques bourgeois apprirent à desservir les bombardes et à manœuvrer les armes à feu ; réunis pour l'exercice de la couleuvrine, ils se joignirent aux tireurs de l'arc et de l'arbalète, et adoptèrent leurs règlements. Les syndics, pour encourager ce dernier exercice, établissent un prix spécial pour les couleuvriniers, en 1475 (1); ils achètent d'un potier nommé Angelin Voiron quatre pos d'eten (étain) pesans xiij livres pour fere un pris es colovrines et abiliter les compagnons. Quelques années plus tard (2), les prix du tir consistent en un chapeau rouge de Flandre, un bonnet et une aune de toile de coton coutant dix deniers gros.

Les couleuvrines à main étaient montées sur un fût en bois, et un homme pouvait les tirer en épaulant; le feu se mettait à l'aide d'une mèche; la couleuvrine à crochet fut un perfectionnement que remplaça ensuite l'arquebuse à mèche puis à rouet ou serpentin. Quand la couleuvrine eut été entièrement remplacée par l'arquebuse, les Compagnons prirent le nom de cette dernière arme. Les exercices et l'organisation des Compagnies

(1) Comptes des syndics, 1474-1475. Chambéry, page 348.

(2) Comptes des syndics, 1487-1488. Chambéry, page 348.

Ménabréa, Histoire de

Ménabréa, Histoire de

des trois armes en faisaient une troupe capable, au besoin, de défendre la ville et de former la base d'une petite armée. Réunis à la Jeunesse de la ville sous la conduite du comte de Beaugé (1), ils prirent le château d'Apremont, dont le sire de la Chambre s'était traîtreusement emparé, et emportèrent ensuite les maisons fortes de ce seigneur félon.

Jusqu'à la fin du quinzième siècle, les trois Compagnies de l'arc, de l'arbalète et de l'arquebuse, malgré l'appui et les encouragements accordés par la ville, n'avaient eu qu'une existence purement de fait. Placées sous la protection spéciale de Monsieur sainct Sébastien, patron des gens de traict (presque tous les membres faisaient partie de cette Confrérie), elles se réglaient, pour le tir de l'oysel ou papegai, les attributions des rois et des autres dignitaires, l'administration des Compagnies et de leurs deniers, sur des règlements établis par l'usage. Les services récemment rendus au prince les engagèrent à lui adresser une requête demandant la concession de certains priviléges et la confirmation de l'existence de leurs Compagnies par la sanction ducale. Les villes de la Bresse avaient presque seules jusqu'alors reçu des chartes de confirmation du tir au papegai, autorisé cepen

(1) Comptes des syndics, 1490-1491. Chambéry, page 239.

Ménabréa, Histoire de

dant dans tout le duché par les Statuts de Savoie dès le commencement du quinzième siècle.

Charles III accéda à la demande des tireurs par lettres patentes (1) approuvées par son conseil (2), et la chambre des comptes (3) les gratifia de nombreuses libertés et franchises. Ces provisions souveraines sont divisées en sept articles. Je vais les analyser et les citer en partie, ainsi que les règlements qui en furent le complément; ils présentent un véritable intérêt au point de vue des mœurs, des croyances et des usages de nos aïeux.

Article 1er. Il autorise les gens de traict de Chambéry à se réunir librement, sans la permission ou l'intervention d'aucun officier ducal. Cette franchise est plus étendue pour Chambéry que pour les autres villes ou communes, où le châtelain ou le métral, à son défaut, devait assister aux réunions, élections, nominations, etc.

L'article deuxième porte, en faveur de ceux qui abattront les papegaux, et seront en conséquence proclamés rois, exemption, durant leur royauté, de toutes espèces de charges publiques, telles que tailles, gabelles, péages, collectes, gardes, guet,

(1) 4 septembre 1509.

(2) 18 avril 1510. (3) 17 juin 1510. Extrait du livre de 74 feuillets contenant la copie des statuts et franchises des trois Compagnies (archives de la ville). Il figurait sous le n° 38 de l'Inventaire brûlé dans l'incendie du théâtre en

écharguet, charivaris, abbayes, etc. Je reproduis cet article, d'une si grande valeur au milieu des charges innombrables de l'époque :

Item que quiconque des susditz (trois jeux) de quelque estat et condicions qu'il soit qui en temps et lieu a ce depputez abbattra le papegay de chacun des dictz trois jeux soit appelle et tenuz pour Roy du dict jeu pour toute celle année entière prouchainement ensuyvant, et que chascung Roy des dictz trois jeuz soit pour cette année franche exempt et quicte par tous noz pays de tous dons taillies peaiges gabelles gardes gaitz escharguetz communs de villes colliouges et charavaieu d'abayes et generalement de toute aultres charges et impositions........ Et s'il advient que l'ung des susditz en ung meme année abbatist les deux ou les trois papegays des dictz jeux que soit exempt comme dessus pour autant d'années prouchaines et continues qu'il aura abbatu de papegaulx.

Cette dernière faveur est encore spéciale à Chambéry, où les membres des Compagnies pouvaient tirer aux trois prix, ce qui n'avait pas lieu dans d'autres villes de Savoie, et ce que je n'ai pas retrouvé non plus en France, où chaque Compagnie avait des prix et des règlements spéciaux et tout à fait distincts des autres (1).

(1) Cette liberté de tirer aux prix des trois armes dut maintenir à Chambéry plus tard que partout ailleurs les exercices de l'arc et de l'arbalète.

« PreviousContinue »