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des princesses de sa maison et des grâces françaises; ses yeux étaient doux, son sourire aimable.

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Lorsqu'elle se rendit à la chapelle, dès les premiers pas qu'elle fit dans la longue galerie, elle avait découvert, jusqu'à l'extrémité de cette pièce, les personnes qu'elle devait saluer avec les égards dus au rang, celles à qui elle accorderait une incli

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nation de tête, celles enfin qui devaient se contenter d'un sourire, en lisant dans ses yeux un sentiment de bienveillance fait pour consoler de n'avoir pas de droit aux honneurs. »>

Après le repas magnifique qui suivit la cérémonie, son attitude ne fut pas moins heureuse. « Dans le nombre des personnages qui lui furent alors présentés se trouvaient beaucoup de grands seigneurs qu'elle avait vus à la cour de Vienne. Alors, se tournant vers la princesse

de Chimay :

- On m'avait bien

annoncé que rien n'é

MADEMOISELLE DE CLERMONT, SEUR DU DUC DE BOURBON,

MINISTRE DE LOUIS XV.

(Portrait par Rosalba Carriera. - Cliché Braun, Clément et Cie.)

tait comparable à la magnificence de la cour de Versailles; mais on ne m'avait pas dit qu'elle était le point de réunion des personnes qu'on connaît, et de toutes celles qu'on doit désirer de connaître.

« C'est par ces choses aimables, conclut Weber, et toujours dites à propos, que Marie-Antoinette captivait, avec une sorte d'ivresse, le cœur de tous les Français. >>

L'impression des jours suivants ne démentit pas celle des premiers instants.

Au contraire : « Marie-Antoinette, nous dit Mme Campan, obtint encore plus de succès auprès de la famille royale, lorsqu'on la vit dépouillée de tout l'éclat des diamants dont elle avait été ornée pendant les premiers jours de son mariage. Vêtue d'une légère robe de gaze ou de taffetas, on la comparait à la Vénus de Médicis, à l'Atalante des jardins de Marly. Les poètes célébrèrent ses charmes, les peintres voulurent rendre ses traits. Il y en eut un dont l'idée ingénieuse fut récompensée par Louis XV: il avait imaginé de placer le portrait de Marie-Antoinette dans le cœur d'une rose épanouie.

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Le vieux roi, en effet, était particulièrement sous le charme. En dépit de Mme Du Barry, qui s'efforçait de faire tomber son enthousiasme à force de railleries ou de remarques désobligeantes, il ne parlait que de la dauphine, de ses gràces, de sa vivacité, de la justesse de ses reparties. C'était comme une nouvelle duchesse de Bourgogne qui venait égayer de son entrain et de son honnête gaieté la cour du successeur de Louis XIV, devenu vieux à son tour.

CHATELAINE LOUIS XV
EN OR.

(Collect. Jubinal de Saint-Albin.)

A ses qualités charmantes la dauphine paraissait joindre d'ailleurs des vertus plus solides et plus capables encore de lui assurer les sympathies de la multitude. On vantait sa sensibilité et l'on célébrait sa bienfaisance. Un jour, c'est la gràce d'un malheureux jeune homme, coupable d'avoir tué en duel son adversaire, qu'elle obtient de Louis XV à force de prières.

Une autre fois, c'est un vieux domestique qui se blesse en essayant de déplacer, sur sa demande, un meuble trop lourd, et qui voit la princesse elle-même s'employer immédiatement et toute seule à étancher son sang et à lui faire des compresses.

C'est enfin l'aventure d'Achères », qui, plus que tous les autres traits du même genre, semble avoir frappé l'opinion publique. Laissons ici la parole au prolixe, mais sensible Weber; son récit porte au plus haut point la marque de l'esprit du temps:

« Louis XV, dit-il, chassait dans la forêt de Fontainebleau. Un cerf furieux,

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GRAVURE ALLEGORIQUE DE C.-N. COCHIN POUR L'AVÈNEMENT DE LOUIS XVI ET DE MARIE-ANTOINETTE.

percé de plusieurs coups,

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franchit la muraille peu

élevée d'un petit jardin dans le village d'Achères, s'élance sur un paysan occupé à bêcher, et lui enfonce son bois dans le ventre. Des voisins, témoins de ce cruel accident, et voyant le jardinier sur le point d'expirer, courent avertir sa femme, qui travaillait aux champs à une demi-lieue de là. La malheureuse jette les hauts cris, et donne toutes les marques du plus violent désespoir.

« La dauphine passait alors non loin de cet endroit, allant en calèche au rendez-vous de chasse. Elle

MARIE-ANTOINETTE A CHEVAL.

(D'après une estampe populaire.)

entend les cris désespérés de cette femme, fait arrêter sa voiture, saute, franchit la vigne, et vole au secours de l'infortunée, qu'elle trouve sans connaissance. Pendant qu'elle lui fait respirer des eaux spiritueuses, elle s'informe du malheur qui vient d'arriver; et cette pauvre femme, en revenant à elle, se trouve dans les bras de la dauphine en pleurs.

<< Tout ce que le cœur de la jeune princesse peut lui suggérer de tendres consolations, tout l'or que contenait sa bourse, est prodigué à cette victime du malheur. Le dauphin, le comte et la comtesse de Provence surviennent; tous s'unissent aux sentiments de la dauphine, tous imitent ses largesses.

« Alors elle fait avancer sa calèche, y fait monter la malheureuse paysanne avec son enfant et deux autres villageoises, charge un de ses serviteurs de conduire en toute hate la femme à son mari et l'enfant à son père, et de venir, avec la même célérité, lui rendre compte de l'état du blessé.

<< Tandis que la dauphine attendait avec angoisse le retour du valet de pied, le roi paraît. On l'informe de ce qui vient de se passer.

ΙΟ

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