origine était médiocre, plus Mme de Pompadour avait de raisons de rechercher dans l'amour du roi autre chose que des satisfactions sentimentales et qu'elle était un danger pour les finances publiques? Toujours est-il qu'elle ne rencontra pas l'indulgence dont avaient bénéficié celles qui l'avaient précédée dans la faveur du maître. Invinciblement le peuple rapproche sa misère du luxe qu'elle

MARIE-ANNE DE MAILLÉ, DUCHESSE DE CHATEAUROUX, MARQUISE DE LA TOURNELLE.

affiche; un voyage qu'elle fait, une maison qu'elle achète ou qu'elle fait embellir sont autant d'occasions de satires et de récriminations.

Et l'impopularité de la favorite rejaillit sur le roi.

Le pire est que, bien loin de réagir et de se ressaisir, Louis XV se laisse aller de plus en plus aux pires indignités. C'est ici, disons-le, le plus grave reproche qu'on puisse adresser à Mme de Pompadour. La postérité, et les contemporains aussi sans doute, lui eussent été plus favorables, si elle se fût

efforcée d'user de son empire, comme l'avait fait un jour Mme de Châteauroux, en essayant de réveiller chez le roi le sentiment de l'honneur. Mais ses calculs n'eurent jamais pour but que son intérêt personnel et la conservation de sa faveur. De là, lorsqu'elle sentit que ses propres séductions ne suffisaient plus à lui attacher l'inconstant Louis XV, les complaisances et les complicités honteuses auxquelles elle

descendit.

Quand elle mourut, peut-être peu regrettée du roi, l'œuvre néfaste était achevée sans vertu et sans ressort, le roi ne pouvait plus que déchoir.

Il se prit de passion pour les bals à bouts de chandelle c'est ainsi qu'il appelait les assemblées des très petites gens, marchands, coiffeuses, couturières; il se faisait informer de leurs pique-niques et s'y rendait en domino noir et masqué, accompagné de son capitaine des gardes, masqué comme lui, et environné de quelques officiers de sa chambre.

LA FRANCE REND GRACE AU CIEL DE LA GUÉRISON DU ROI.
(Bibliothèque nationale.)

Mais le comble fut l'amour dont il s'éprit pour une femme du dernier ordre, pour cette Mme Du Barry, dont la présentation à la cour fut un tel scandale que, pour la première fois peut-être, le roi put lire autour de lui, sur les visages et dans les attitudes, les marques évidentes d'une désapprobation unanime.

Dès lors, à chaque instant, Louis XV peut mesurer l'hostilité du peuple à son égard. Déjà, du temps de Mme de Pompadour, il lui était arrivé de traverser Paris sans être salué des cris de: « Vive le roi »! Le 6 octobre 1772, une

grande foule est réunie pour le décintrement du pont de Neuilly. Le roi arrive : les soldats et les ouvriers, qu'on a payés pour bien faire, poussent des acclamations :

Du côté du peuple, pas une voix ne s'élève pour leur faire écho, et le

BAL MASQUÉ DONNÉ PAR LE ROI A L'OCCASION DU MARIAGE DU DAUPHIN (FÉVRIER 1745).
(D'après la gravure de Cochin.)

contraste est si remarquable, que l'ambassadeur de Naples en témoigne sa surprise à quelqu'un qui l'accompagnait :

Lorsque le prince est sourd, lui répond-on, les peuples sont muets.

En somme, à la cour, à la ville, la fin du règne est triste, et non pas de cette tristesse majestueuse qui plane sur les dernières années de Louis XIV; mais tout semble s'être rapetissé, hommes et choses, sentiments et préoccupations. Jetons les yeux sur le piquant et mélancolique tableau que trace, pour le roi