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devait régner après sa mort. Le duc d'Orléans, à la tête de ce conseil, ne devait avoir que la voix prépondérante. Le

duc du Maine, fils légitimé de Louis XIV, avait la garde de la personne du roi Louis XV et le commandement suprême de toutes les troupes qui forment

la maison du roi, et

qui composent un corps d'environ dix mille hommes. >>

Ces dispositions

étaient celles d'un père de famille qui craignait évidemment de confier la vie et les biens de son petit-fils à celui

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qui devait en hériter; mais on pouvait objecter qu'elles avaient l'inconvénient, toujours grave dans une monarchie, de diviser l'autorité'.

C'est ce que le duc d'Orléans représenta dans un nouveau discours, et le Parlement rendit un arrêt tout préparé qui déclarait le duc « régent de France, pour avoir soin de l'administration du royaume, pendant la minorité du roi ».

A la vérité, le régent ne devait prendre aucun parti dans les affaires d'État qu'avec la délibération du conseil de régence: mais il avait le droit de former ce conseil à son choix, et il demeurait, de plus, le maître absolu de la distribution des charges, emplois, bénéfices et grâces.

1. VOLTAIRE, Histoire du Parlement de Paris, ch. LIX.

Quant au duc du Maine, il restait surintendant de l'éducation du roi. Mais «<l'autorité entière et le commandement sur les troupes de la maison dudit seigneur roi, même sur celles qui sont employées à la garde de sa personne, demeuraient à M. le duc d'Orléans, et sans aucune supériorité du duc du Maine sur le duc de Bourbon, grand maître de la maison du roi ».

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Dans la suite, la disgrâce du malheureux duc du Maine devait devenir plus profonde encore le lit de justice du 26 août 1718 lui enleva la surintendance de l'éducation du roi et le priva même des honneurs de prince du sang, que l'on conservait à son frère, le comte de Toulouse.

En attendant, qu'était le prince auquel le Parlement venait de confier le gouvernement de la France?

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LA DUCHESSE DU MAINE.

(D'après une gravure de Derochers. Bibliothèque nationale.)

Le duc d'Orléans était d'une figure agréable, d'une physionomie ouverte, d'une taille médiocre, mais avec une aisance et une grâce qui se faisaient sentir dans toutes ses actions:

Doué d'une pénétration et d'une sagacité rares, il s'exprimait avec vivacité et précision. Ses reparties étaient promptes, justes et gaies. Ses premiers jugements étaient les plus sûrs: la réflexion le rendait indécis. Des lectures rapides, aidées d'une mémoire heureuse, lui tenaient lieu d'une application suivie; il semblait plutôt deviner qu'étudier les matières. Il avait plus que des demi-connaissances en peinture, en musique, en chimie, en mécanique.

Avec une valeur brillante, modeste en parlant de lui, et peu indulgent pour ceux qui lui étaient suspects sur le courage, il eût été général, si le roi lui eût

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permis de l'être; mais il fut toujours en sujétion à la cour, et en tutelle à l'armée.

Une familiarité noble le mettait au niveau de tous ceux qui l'approchaient; il sentait qu'une supériorité personnelle le dispensait de se prévaloir de son rang. Il ne gardait aucun ressentiment des torts qu'on avait cus avec lui, et en tirait même avantage pour se comparer à Henri IV.

Dès le début de son gouvernement, il avait passé toute une matinée à travailler avec les secrétaires d'État, qu'il avait chargés de lui apporter la liste de toutes les lettres de cachet, de tous les ordres d'exil ou d'emprisonnement qui avaient été délivrés par leurs départements respectifs. Un grand nombre de malheureux dont l'existence lui fut ainsi signalée n'avaient dù leurs persécutions qu'à leurs opinions jansénistes ou à quelque cause secrète et oubliée depuis longtemps. Le régent ordonna le rappel ou la mise en liberté de tous ceux, exilés ou prisonniers, qui se trouvèrent n'être coupables d'aucun crime effectif. « Et,

HOMME DE QUALITÉ EN HABIT DE BAL. (D'après une estampe anonyme. Bibliothèque nationale.)

FEMME DE QUALITÉ EN HABIT DE BAL. (Gravure de la Bibliothèque nationale.)

dit Saint-Simon, il se fit donner des bénédictions infi-
nies pour cet acte d'humanité et de justice. »

Mais sa mère, la seconde femme de Monsieur,
frère de Louis XIV, cette rude et honnête Palatine,
qui fut l'un des personnages les plus originaux, et,
malgré ses brusqueries, les plus séduisants et les plus
dignes de respect de la cour du vieux roi, sa mère,
qui l'aimait tendrement, savait bien quelles restric-
tions il y avait lieu d'apporter aux éloges que sa
bonté naturelle et sa vive intelligence devaient mériter
au régent.

- Les fées, disait-elle, furent conviées à mes couches, et, chacune douant mon fils d'un talent, il les eut tous; malheureusement on avait oublié une fée, qui, arrivant après les autres, dit : « Il aura tous les talents, excepté celui d'en faire un bon usage ».

Sa légèreté, son inconséquence, sa faiblesse de

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LE RÉGENT. (Médaille, par Leblanc.)

caractère, étaient extrêmes. Ajoutons à cela l'influence des leçons peu scrupuleuses d'un précepteur dont nous aurons à reparler plus tard, l'abbé Dubois : humain, compatissant comme il l'était, le régent, dit un contemporain, aurait eu des vertus, si l'on en avait sans principes; Dubois les lui avait fait perdre.

Sa femme, fille de Louis XIV et de Mme de Montespan, eût pu prendre sur lui peut-être un ascendant heureux; elle avait de la beauté, de l'esprit, de la vertu, de la noblesse enfin dans le caractère; mais, fière de sa naissance, elle croyait

avoir fait à son mari beaucoup d'honneur en l'épousant, exigeait de lui plus de

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respect que d'amour, et se refu

sait à toute avance pour le retenir ou le ramener auprès d'elle.

Cette humeur hautaine fortifia le goût du duc d'Orléans pour une vie libre, et, comme il avait dans l'esprit plus de vivacité que de délicatesse, il ne regarda pas trop à l'élégance morale des compagnons qu'il se donna.

Dès qu'on lui plaisait, on devenait son égal. I admettait

dans sa société des gens que tout homme qui se respecte n'aurait pas avoués pour amis, malgré la naissance et le rang de quelquesuns d'entre eux.

Le régent, qui, pour se plaire avec eux, ne les en estimait pas davantage, les appelait ses roués.

Nom abominable et sin

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gulier, puisque, conservant alors toute sa force étymologique, il établissait un rapport plaisant et sinistre entre ces grands seigneurs et les pires cri

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minels : « Tous les roués, disait-on communément, ne sont pas sur la roue ». Quoi qu'il en soit, après avoir donné aux affaires une matinée plus ou moins

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