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Sire, lui dit-il, j'ai assez vécu; je ne souhaitais de vivre aujourd'hui que pour voir Votre Majesté victorieuse.

Il eut cependant encore la gloire de terminer la campagne en remportant les victoires de Raucoux et de Laufeld, en assurant la prise de Berg-op-Zoom, en investissant Maestricht, et fut ainsi le véritable ouvrier de la paix d'Aix-la-Chapelle, à laquelle il ne survécut que deux ans.

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LE MARQUIS DE MONTCALM. (D'après une gravure ancienne.

Si la flotte était, à la même époque, moins bien partagée que l'armée de terre, réorganisée plus tard par Choiseul et Sartines, elle devait, à l'époque de la guerre d'Amérique, nous faire connaître des chefs dignes de leurs grands prédécesseurs du XVIIe siècle. Le bailli de Suffren surtout fut un marin d'une valeur tout à fait exceptionnelle. Napoléon, dans un jugement célèbre, lui reconnaissait un véritable génie, sùr, hardi, créateur, avec un caractère de fer.

Mais, ni sur terre, ni sur mer, ce ne sont les chefs seulement qui méritent le souvenir reconnaissant de la postérité. Innombrables sont les hauts faits, les beaux exemples de courage ou de bonne humeur au milieu du danger, qui furent

1. Précis du siècle de Louis XV, chap. xv.

donnés alors, comme à toutes les époques de notre histoire, par les soldats et par les officiers, nobles ou roturiers, illustres ou obscurs.

<< Pendant le fameux combat de la Surveillante et du Québec, le 6 octobre 1779, le soin du pavillon avait été, sur la Surveillante, dit un témoin oculaire', confié au second pilote, appelé Le Mancq; un boulet coupa la drisse du pavillon,

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qui tomba à l'eau; un cri de joie se fait entendre à bord de l'ennemi: Le Mancq saisit un autre pavillon et monte aux haubans d'artimon; il s'y tint avec son pavillon déployé, en criant : « Vive le Roi!» au milieu des boulets, des balles et de la mitraille dirigés contre lui; il ne descendit que lorsqu'on eut rehissé le pavillon de poupe. »

Au combat naval du 5 septembre 1782, que les deux petites frégates françaises la Gloire et l'Aigle soutinrent contre un puissant vaisseau, l'Hector, que les Anglais avaient, dans une rencontre précédente, pris aux Français, le comte de Ségur et l'un de ses amis étaient debout sur le banc de quart, au niveau du plus grand feu de l'ennemi.

1. LE CHEVALIER DE LOSTANGES (cité par Maurice Loir, Gloires et Souvenirs maritimes).

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« Près de nous, dit le comte, se trouvait le baron de Montesquieu : depuis quelque temps nous nous amusions à le plaisanter relativement au mot de liaisons dangereuses qu'il nous avait entendu prononcer, et, malgré toutes ses questions et ses instances, nous n'avions jamais voulu lui expliquer que c'était le titre d'un roman nouveau, alors fort à la mode en France.

« Dans le moment où nous étions tous en groupe, une bordée de l'Hector lança sur nous un boulet ramé: on sait que cet instrument meurtrier se compose de deux boulets joints par une barre de fer. Ce boulet ramé vint avec violence. briser une partie du banc de quart. Le comte de Loménie. qui était alors à côté de Montesquieu, le lui montrant, lui dit froidement :

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- Tu veux savoir ce que c'est que les liaisons dangereuses? Eh bien! regarde, les voilà! »

Faut-il maintenant, pour revenir à l'armée de terre, rappeler la fin héroïque de Montcalm, dans Québec ?

En avant! criait-il, 'déjà blessé à mort en avant, et 'gardons le champ de bataille!

Ou, en remontant plus haut dans l'histoire, redirons-nous la folie sublime du comte de Plélo? Il était ambassadeur de France à Copenhague au moment

où Stanislas Leczinski était assiégé dans Dantzick. Pour secourir le père de la reine de France, Fleury, qui n'agissait qu'à regret, avait envoyé trois bataillons sous la conduite d'un vieil officier d'infanterie, M. de Lamothe. Celui-ci, jugeant la besogne impossible, rentre à Copenhague pour y attendre du renfort. Plélo le blâme, et, devant le conseil des officiers qu'il réunit chez lui, soutient l'opinion. que, pour l'honneur de la France, il faut revenir à la charge. Un officier lui répond qu'il est bien aisé sans doute de commander une chose impossible dans la sûreté de son cabinet. C'est là-dessus qu'il prend sa résolution et se met lui-même à la tète des troupes. « Il est mort, dit d'Argenson, criblé de quinze coups de feu. Il était retourné trois fois à l'assaut, ruisselant de sang, cherchant à ranimer nos soldats, qui se rebutaient de l'inutilité de leurs efforts. »

La vaillance des petits, des humbles, ne le cède en rien à celle des gentilshommes.

A Port-Mahon, le maréchal de Richelieu apprend qu'un grand nombre de soldats se sont trouvés en état d'ivresse et qu'il devient nécessaire de faire un grand exemple. « Le maréchal fait assembler l'armée et passe dans tous les rangs en criant:

Soldats, grenadiers, je déclare que ceux d'entre vous qui s'enivreront encore n'auront pas l'honneur de monter à l'assaut que je vais livrer.

« Ce discours, fait pour honorer les troupes et le général, produisit un effet merveilleux. Aucun soldat ne boit plus aucun ne veut être privé de la gloire de marcher le premier aux ennemis.

« L'assaut se donne; les échelles se trouvent trop courtes de plusieurs pieds. Le soldat n'est point arrêté par cet obstacle: il monte sur les épaules de son camarade; il gravit le long de la muraille; celui qui est renversé trouve vingt successeurs. Malgré le feu terrible des ennemis, on escalade le roc, et les Français en restent enfin les maîtres. Le vieux général Blakeney et la garnison, étourdis par cette audace incroyable, demandent à capituler'. »

Au siège de Prague, Chevert, alors lieutenant-colonel, tente l'escalade. Il appelle à lui un soldat résolu.

Vois-tu, lui dit-il, la sentinelle là devant? Elle va te dire : « Qui va là? >> Ne réponds rien, mais avance. Elle tirera sur toi et te manquera. Tout de suite va l'égorger, je suis là pour te défendre.

1. SOULAVIE, Mémoires de Richelieu, LXXIV.

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