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Mais il faut borner ces citations. Aussi bien, après la troupe des trois théâtres, serait-il opportun de faire connaître le lieu de leurs représentations.

Il changea plus d'une fois au cours du xvIIIe siècle, et il est intéressant de présenter un tableau rapide.

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de ces pérégrinations.

L'histoire la moins char

gée, à ce point de vue, est celle des Italiens.

Ils avaient en effet conservé leur antique local de l'Hôtel de Bourgogne jusqu'à l'époque où, comme nous l'avons dit, ils allèrent, ou plutôt où la troupe d'opéra-comique qu'on désignait encore, par une ancienne habitude, sous le nom de Théâtre-Italien, alla s'établir près de la Chaussée d'Antin, dans la salle que nous avons connue et qui fut la proie des flammes en 1887.

Quant à l'Opéra, il était toujours installé dans la vieille salle du Palais-Royal, que Louis XIV avait assurée à Lulli, lorsque le feu s'y déclara en 1763. C'est alors que Soufflot aménagea pour lui la salle des Machines

« LE GOUT COMMENCE A S'AFFRANCHIR DES LIENS DE LA SOTTISE. D (Gravure allégorique de Cochin.)

du palais des Tuileries, et l'Opéra demeura sept ans dans ce local provisoire. En 1770, il prit possession d'une nouvelle salle élevée pour lui par l'architecte Moreau, au Palais-Royal, du côté de la rue Saint-Honoré. Mais cette salle brûla, elle aussi, en juin 1781, et, après un séjour de quelques semaines dans la salle des Menus, au faubourg Poissonnière, l'Opéra s'installa, en octobre, dans un théâtre aménagé rapidement sur l'emplacement de ses anciens maga

sins. Ce théâtre était situé sur le boulevard, près de la porte Saint-Martin, dont il prit le nom par la suite: car on n'y joue plus l'opéra, mais la salle subsiste toujours, ou du moins la salle actuelle occupe l'emplacement de l'ancienne. Cependant la Comédie-Française, de son côté, avait fini par ne plus se

INCENDIE DE LA SALLE DE L'OPÉRA.

(Par Hubert-Robert. Bibliothèque de l'Opéra.)

trouver trop bien dans

le local de la rue des Fossés-Saint-Germain, édifié en 1689 et qui tombait en ruine. Elle profita donc de ce que l'Opéra laissait libre, en 1770, la salle des Machines des Tuileries pour s'y transporter à son tour, en attendant que les architectes Peyre et de Wailly lui livrassent une salle

qu'ils édifiaient pour elle sur l'emplacement de l'ancien hôtel de Condé, en face des jardins du Luxembourg. Cette salle elle-même fut enfin inaugurée en 1782 c'est celle qui est devenue depuis

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l'Odéon.

Mais au ThéâtreFrançais, à l'Opéra et

à l'Opéra-Comique, il faudrait ajouter, pour être complet, la liste des petits théâtres qui attiraient la foule au boulevard du Temple. C'était d'abord le théâtre de Nicolet, qui avait pris pour devise: De plus en plus fort. On y voyait surtout des pantomimes, des tours de force et des exercices de danseurs de corde; puis l'Ambigu-Comique, dirigé par un ancien acteur de l'OpéraComique, Audinot. L'Ambigu n'était au début qu'un théâtre de marionnettes : tandis que l'orchestre jouait des airs connus tirés de quelques opéras ou de

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quelques opéras comiques en vogue, les comédiens de bois, comme on les appelait, exécutaient la charge des acteurs qui, dans les grands théâtres, avaient chanté ces airs.

Cette nouveauté, dit un contemporain, fut extrêmement goûtée et courue; mais elle ne pouvait aller fort loin aussi Audinot remplaça-t-il, à un certain moment, ses marionnettes par des enfants; quelques faiseurs plus ou moins habiles lui fournirent de petites pièces appropriées à ses acteurs, et le succès fut plus considérable encore.

Mais celui de ces petits théâtres qui mérite le plus d'être nommé après les trois grands spectacles de Paris, c'est assurément celui des Variétés-Amusantes. L'un de ses grands fournisseurs était l'acteur-auteur Dorvigny, celui dont on disait communément : « On trouverait plutôt de l'esprit dans un mélodrame qu'un manuscrit de Dorvigny sans tache de vin ».

C'est lui qui mit sur le théâtre ces deux types impérissables d'imbéciles, Janot et Jocrisse.

L'esprit qui anime ses pièces n'est assurément pas des plus fins. On

connaît l'histoire du couteau de Janot, « un véritable couteau de Langue (Langres), dit le héros lui-même, tout ce qu'il y a de pus meilleur; vous n'en verrez pas la fin de celui-là: il m'a déjà usé deux manches et trois lames : c'est toujours le même »>!

Toutes les plaisanteries de Dorvigny sont dans ce goût. Mais rarement peintre de mœurs populaires a brossé ses tableaux avec plus de verve et de vérité. Le répertoire des Variétés-Amusantes continue la tradition de la vieille farce du moyen âge : il y aurait quelque injustice à lui refuser, dans l'histoire des mœurs et peut-être de la littérature, la place modeste à laquelle il a droit.

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Chapitre V

LES PHILOSOPHES

ET

LE MOUVEMENT DES ESPRITS

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