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musicales: l'une d'elles, la Serva padrona de Pergolèse, obtint le plus grand et le plus légitime succès.

Plus que personne, Rousseau se distingua parmi les admirateurs de cette jolie pièce, qui formèrent bientôt un parti. On appelait ce parti le coin de

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la reine, parce que ceux qui le composaient se tenaient à l'Opéra sous la loge de la reine; ses adversaires au contraire avaient leur foyer principal, comme dit Rousseau, sous la loge du roi aussi appelait-on les partisans de la musique française le parti du coin du roi.

La querelle fut des plus vives, et lorsque Rousseau eut rédigé, pour soutenir sa cause, sa Lettre sur la musique française, il fut en butte, de la part des musiciens de l'Opéra, à toutes sortes de vexations. A l'en croire même (mais on sait

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qu'il est, en pareille matière, sujet à caution, s'étant toujours cru l'objet de quelque persécution), sa vie fut en danger ses ennemis auraient conçu le projet de l'assassiner un soir, à la sortie du théâtre, et il n'aurait dù son salut qu'à l'amitié d'un officier de mousquetaires, qui, sans l'avertir, l'aurait fait escorter.

Quoi qu'il en soit, le succès de la Serva padrona eut sur le développement de la musique française l'influence la plus considérable.

Pour l'expliquer, il nous

SOUPIÈRE EN PORCELAINE TENDRE DE MENNECY.
(Collection de M. le vicomte de Lestrange.)

faut remonter aux dernières années du xvIe siècle. Les bouffons italiens établis à Paris en avaient été bannis en 1697, pour avoir joué une comédie que l'on crut dirigée contre Mme de Maintenon le théâtre de la Foire en profita pour reprendre leur répertoire et pour joindre à ses parades populaires de

BILLET DE BAL.

Par Moreau le Jeune.)

véritables petites comédies mêlées de chant. C'est ainsi que naquit l'opéra-comique car ce fut le nom nouveau et plus relevé que prit à partir de cette époque le théâtre de la Foire.

Nous ne raconterons pas toutes les péripéties de son existence mouvementée pendant la première moitié du siècle, ses luttes contre la Comédie-Française,

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qui lui cherche noise à plusieurs reprises, ou contre les Italiens, qui, rentrés sous la Régence, essaient par tous les moyens de lui faire concurrence. Qu'il suffise de savoir que le succès de la Serva padrona inspira, en 1752, à Jean Monet, directeur de l'Opéra-Comique, le dessein de représenter sur son théâtre des pièces françaises du même genre que le chef-d'oeuvre italien, des comédies à ariettes, dont la musique, au lieu d'être empruntée à des airs en

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vogue, fùt composée spécialement et d'une manière originale par quelque musicien de talent. La première pièce de ce genre qu'il donna, les Troqueurs, était de Vadé, le « poète poissard » pour les paroles, de d'Auvergne pour la musique le succès en fut grand et rendit à leur tour les Italiens jaloux.

Ceux-ci avaient alors dans leur troupe la célèbre Mme Favart. Elle avait obtenu déjà de grands succès dans les pièces de son mari, lorsqu'elle se chargea de faire réussir une comédie à ariettes d'un amateur, Baurans, imitée de la Serva padrona et adaptée à la musique de Pergolèse (1754). La pièce fut jouée plus de soixante fois de suite et l'on en donna, en neuf mois, cent quarante et une représentations.

A partir de ce moment la rivalité des deux troupes devait se poursuivre jusqu'au jour où elles se fondirent en une seule (3 février 1762).

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