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tout intime, du XVIII! la commode avec ses divisions multiples, le chiffonnier à tiroirs nombreux, le secrétaire, qui, sous son panneau fermant, peut dissimuler tant de choses et, la tablette baissée, peut servir de table à écrire. Le bureau lui-même n'est plus cette loyale grande table accessible au regard et voisine du cartonnier, où se classaient les titres et les correspondances; surmonté d'un casier à tiroirs, il peut rentrer incontinent sa tablette glissant à rainure et

QUENTIN DE LA TOUR.

(Peint par lui-même; pastel du musée de Saint-Quentin.)

dérober aux curieux les papiers qui le couvrent au moyen d'un cylindre instantanément abaissé et fermant à clé.

« Quant aux formes, elles prennent des licences inimaginables; tout se gonfle pour se profiler en lignes singulières; rien de droit, de régulier; les angles s'arrondissent ou se creusent; des sinuosités inattendues sillonnent les surfaces; les choses ventrues, contournées, tarabiscotées sont seules admises, et là-dessus croissent et se développent des végétations de bronze à chicorées impossibles; le cuivre doré d'or moulu rampe en bordures capricieuses, sur

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git tout à coup en poignées imprévues, se contourne en encoignures, forme des guirlandes détachées; ainsi se complète un tout bizarre, toujours spirituel et parfois élégant à force de singularité'.

))

Rien de plus périlleux, dans un pareil art, on le conçoit, que de fixer la limite exacte qui sépare le bon goût du mauvais : la fantaisie charmante y côtoie l'insupportable surcharge.

Mais, dès Louis XV, un mouvement s'était dessiné dans le sens de la simplicité, et quoique, par convenance, on ait appelé genre à la reine ce genre nou

1. JACQUEMART, Histoire du Mobilier, livre I, chap. II.

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veau, d'où devait d'ailleurs sortir le style Louis XVI, c'est à Mme de Pompadour qu'il convient de faire honneur d'abord de cette réforme, qui devait donner ses chefs-d'œuvre à l'époque de Marie-Antoinette.

Écoutons le savant auteur que nous venons de citer parler encore des
bronzes de cette période : « Les bronzes Louis XVI, dit M. Jacquemart, ne se
décrivent pas; les moins éclairés les reconnaissent entre tous. Ces groupes
délicats enlacés pour sou-
tenir des tiges multiples
qui vont dérouler leurs
rinceaux et fleurir en
culots destinés à porter
des lumières sans nom-
bre; ces génies se jouant
parmi les guirlandes de
fleurs et les acanthes
dont les plis nombreux
ont la souplesse de la
fibre végétale; toute cette
fine ornementation rivale
du bijou, rendue plus
douce encore par l'or
mat qui lui enlève les
reflets métalliques, c'é-
tait bien là ce qui conve-
nait aux mœurs polies,
épurées, qu'avait voulu
inaugurer Marie-Antoi-

PORTRAIT DU PEINTRE PERRONEAU, PEINT PAR LUI-MÊME.
(Musée de Tours.)

nette. Posés sur les
tables et les consoles mignonnes, sur les cheminées de marbre blanc, ces
bronzes accompagnaient à merveille les délicates porcelaines de Sèvres, de la
Saxe et de l'Inde. Certes, il y a loin de cette mièvrerie à la science robuste du
xvI° siècle, mais on y lit bien la politesse galante et le dernier sourire de cette
société qu'une sanglante bourrasque va faire disparaître. »

Il n'est guère possible de signaler les caractères essentiels de cet art délicat sans en nommer au moins le principal représentant, l'illustre Gouthière. Plus encore que de Philippe Caffieri, son prédécesseur, plus que d'aucun de ses contemporains, c'est de lui qu'on peut dire, avec le bon juge que nous avons

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déjà cité, qu'il << amena le bronze doré au mat à une perfection que ne dépassait pas l'orfèvrerie fine : il est telle plaque de serrure, tel bas-relief dont on ferait volontiers des agrafes de ceinture ». Aussi les amateurs se disputent-ils les merveilles qu'on peut lui attribuer avec quelque sûreté.

Non plus que celui de cet excellent artisan, nous ne pouvons passer sous silence le nom des Martin, les inventeurs du célèbre vernis qui ajouta tant de prix à certains meubles, à certains instruments de musique du XVIe siècle.

Et, si particulier qu'en soit l'art, comment ne pas mentionner encore ces admirables boîtes ou tabatières, les unes d'une orfèvrerie si délicate, les autres ornées de ces miniatures de Van Blarenberghe dont le détail est souvent exact et riche jusqu'au prodige!

Comment ne pas dire un mot enfin de la seule création de Mme de Pompadour qui ait été vraiment utile à la France? Nous voulons parler de la manufacture de Sèvres. C'est la favorite, en effet, qui persuada à Louis XV d'accorder une protection efficace à la fabrication de la porcelaine artistique, pour laquelle nous étions encore tributaires de l'étranger. Le monarque s'employa d'abord à relever d'une situation précaire une manufacture qui avait été établie à Vincennes. Puis, quand elle fut devenue prospère, il la fit transférer à Sèvres.

BAIGNEUSE.

(Par Falconet. Musée du Louvre.)

Dès lors, la perfection des chefs-d'œuvre qui en sortirent, le goût ouvertement déclaré de Louis XV et de Mme de Pompadour mirent le Sèvres à la mode non seulement en France, mais encore dans l'Europe entière. Une visite à la célèbre manufacture fit partie du programme de tous les étrangers qui visitèrent Paris, et l'on vit des moments où elle ne put plus suffire aux commandes qui affluaient.

Mais, de tous les arts, celui dont les progrès furent au XVIIIe siècle le plus marqués, ce fut assurément la musique. Deux grandes querelles en ont marqué

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