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ront jamais leur gloire d'autrefois; Chardin au contraire n'a rien à redouter des caprices de la mode: dans tous les temps, les scènes qu'il a peintes paraîtront également vraies; son inspiration également franche; ses portraits resteront au nombre des plus beaux exemplaires du genre.

A vrai dire d'ailleurs, les peintres de portraits n'ont cessé, dans tout le cours du siècle, de produire des œuvres remarquables. Les Rigaud et les Largillière, les Nattier et les Tocqué en ont laissé de fortes ou de charmantes, et MauriceQuentin de la Tour fut, dans le pastel, un artiste unique.

On connaît ses boutades et ses bizarreries. Nous avons rappelé nous-même la leçon de tact et de modestie qu'il s'était un jour attirée de la part de Louis XV. Une autre fois, il était venu chez Mme de Pompadour pour faire son

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portrait. Il n'y avait

consenti qu'à la condi

tion expresse qu'il ne serait dérangé par personne. Mme de Pompadour ayant accepté l'arrangement, La Tour, dit un de ses biographes', arrive au jour dit et se dispose à travailler.

Suivant sa coutume, il ôte les boucles de ses escarpins, ses jarretières, son col, accroche sa perruque aux flambeaux et met sur sa tête son bonnet de

1. Voir page 47.

2. CHAMPFLEURY, La Tour (Paris, 1887), chap. v.

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peintre. Libre dans ce costume d'atelier, il commençait à crayonner, lorsque Louis XV paraît. Mme de Pompadour sourit. Le roi s'étonne du costume sans façon du peintre. La Tour fait la grimace. Il se lève, ôte son bonnet.

mée.

Vous m'aviez cependant promis, madame, que votre porte serait fer

Le roi insiste doucement pour rester.

Il m'est impossible d'obéir à Votre Majesté, reprend La Tour: je revien

drai lorsque madame sera seule.

Il emporte sa perruque, son col, ses jarretières, son chapeau, s'habille dans une autre pièce et part.

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« La Tour ne revint que plusieurs jours après, quand Mime de Pompadour l'eut assuré qu'il ne serait plus interrompu à l'avenir dans son travail. >>

Mais avec tout cela, les pastels de La Tour sont des œuvres de premier ordre, et Diderot regardait volontiers ce peintre comme le type de l'artiste sûr de lui, comme l'un de ceux qui ont le plus réussi à donner, sans excès et sans manque, la sensation de la nature elle-même.

PORTRAIT DE L'ABBÉ MAURY.

(Par Saint-Aubin. Musée Carnavalet.)

Quoi qu'on puisse penser d'ailleurs de nos peintres du XVIIIe siècle et quelque estime qu'on en fasse, leurs partisans les plus déterminés doivent avouer que d'autres peintres, à d'autres époques, peuvent au moins leur disputer le premier rang. On serait tenté de dire au contraire qu'il n'est pas de période plus glorieuse dans l'histoire de la gravure française. Les grandes planches décoratives de Charles-Nicolas Cochin et de Moreau le Jeune, les dessins pleins de vie de Saint-Aubin, les vignettes de Gravelot et d'Eisen, dans un genre plus humble encore, les encadrements ou les culs-de

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lampe de Choffard, - nous n'osons nommer ce spirituel Debucourt, qui appar

tient davantage à la période suivante,

fection et en mème

temps par leur abondance, donnent vrai

ment l'idée d'une société très libre dans sa morale, mais d'une politesse exquise, et sur laquelle on comprend que toute l'Europe ait eu les yeux fixés,comme sur le modèle du bon goût et de toutes les élégances de la vie sociale.

La sculpture se prête moins que la

toutes ces productions, par leur per

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LA MAITRESSE D'ÉCOLE. (Reproduction d'une gravure d'après Chardin.

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