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grandes élégantes, qu'un prétexte d'y étaler le luxe de leurs voitures et de leurs toilettes. Et, dans les années qui précédèrent la Révolution, à peine, dit un témoin oculaire, peut-on se faire une idée de ce que furent ces promenades de Longchamp.

Tout ce qu'une ville immense, une cour brillante et somptueuse, de grandes fortunes et des prodigalités qui n'étaient limitées que par l'impossibilit

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de les dépasser, tout ce que la rivalité des peuples les plus riches, la mode d'un peuple le plus fou, pouvaient enfanter et produire de plus magnifique, se trouvait là. Ce qui était beau y paraissait vulgaire, ce qui était simple y excitait des huées..

« Au milieu d'une innombrable quantité de voitures remarquables, brillaient chaque année une cinquantaine d'équipages éblouissants, dans le nombre desquels une dizaine paraissaient plutôt les chars des déesses que ceux de simples mortels'. »

1. Mémoires du GÉNÉRAL THIÉBAULT, t. I, chap. 11.

L'un était constitué par « une caisse décorée d'Amours, de chiffres et d'arabesques, capitonnée de sachets aux parfums suaves, et supportée sur une conque dorée, doublée de nacre, que soutenaient des tritons en bronze. Les moyeux des roues étaient en argent massif; les chevaux blancs, ferrés d'argent, harnachés d'or et de soie gros vert, étaient couronnés de panaches. >>

Plus loin, on voyait trotter, « attelés devant le plus magnifique des phać

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DESSIN DES BUFFETS DRESSES POUR UN BAL DONNÉ A L'HOTEL DE VILLE

A L'OCCASION DU PREMIER MARIAGE DU DAUPHIN.

(D'après une gravure ancienne.)

tons, six chevaux superbes, dont tous les harnais, et jusqu'aux rênes, étaient couverts ou garnis en strass ».

Une autre calèche, peinte en bleu de ciel, avec des nuages légers à travers lesquels voltigeaient des Amours, avait des roues dont les jantes étaient en forme de flèches elle était trainée par quatre chevaux isabelle, queue et crinière blanches, tout harnachés d'argent ciselé ou de broderies d'argent.

Naturellement, la foule qui regarde passer le défilé est plus grande encore que celle qui y prend part, et, suivant les contemporains, le plus mince plaisir des trois jours de Longchamp n'était peut-être pas de se mêler aux plébéiens qui formaient les haies, au milieu desquelles marchaient ces colonnes d'équi pages. « Comme il est impossible, dit Thiébault, de réunir des Français sans exciter la gaieté et faire surgir des saillies piquantes, suivant son état, sa condi

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tion et l'opinion que l'on en avait, chaque personne un peu connue, parmi celles qui défilaient, recevait son paquet. Rien n'échappait à cette sorte d'enquête. Équipage, toilette, figure, fortune, manière dont elle avait été acquise, conduite, réputation, carrière, mérite, tout était jugé. Comme aucune considération

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n'arrêtait ou ne gênait les membres de cette espèce de tribunal, il ne modérait pas ses expressions, et, comme rien n'échappait à une telle investigation et que tout se débitait à haute voix, on pouvait aller faire là une ample récolte d'épigrammes, de quolibets et d'anecdotes. >>

Propos satiriques ou déploiement d'un luxe inouï, toutes ces particularités des trois jours de Longchamps n'ont certes rien de bien édifiant ou qui paraisse se rapporter avec beaucoup d'à-propos aux solennités de la semaine sainte. On aurait tort cependant de conclure de ce véritable abus que le XVIII° siècle avait

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