habitait avec ses parents la maison qui fait le coin du quai de l'Horloge et du Pont-Neuf, rapporte dans une lettre à son amie Sophie Cannet' l'horreur dont elle fut saisie en voyant la foule immense qui s'était donné rendez-vous pour assister à l'exécution d'un parricide et de son complice: « Il y a du monde, écrit-elle, jusque sur les toits, » et ce monde pousse des cris de joie, bat des mains à chaque incident par lequel se marquent les horribles souffrances du condamné.

Au reste, ce n'est pas toujours au Pont-Neuf que les exécutions ont lieu : c'est parfois à la Croix du Trahoir, située au coin de la rue Saint-Honoré et de la rue de l'Arbre-Sec, et le plus souvent sur la place de Grève, devant l'Hôtel de Ville.

Quant aux supplices, ils sont plus variés encore que les places désignées pour les exécutions. Suivant la nature du crime ou la qualité des condamnés, les uns sont pendus, les autres décapités, d'autres rompus vifs et étendus sur la roue, d'autres écartelés: tous ces supplices sont d'ailleurs précédés de la question, qu'on applique au condamné pour le contraindre à dénoncer ses

1. 13 décembre 1774.

complices; dans certaines circonstances, le corps, après le supplice, est jeté sur un bûcher.

Mais ce qui ne change pas, dans ces horribles scènes, c'est l'attitude de la foule.

Le 27 novembre 1721, le fameux Cartouche est amené à la place de Grève

pour y être roué vif: la place, dit un contemporain « n'a jamais été si pleine de monde; la plupart des chambres étaient louées ».

Mais le condamné demande à faire des révélations et son exécution est remise au lendemain : les spectateurs cependant ne lâchent pas pied, et de plus les fiacres ne cessent, pendant toute la nuit, d'amener encore et toujours du monde.

On sait d'ailleurs en quoi consiste le supplice que cette foule vient contempler le condamné est étendu sur une croix de Saint-André; le bourreau lui casse les articulations à coups de barre de fer; puis il l'attache courbé en demi-cercle sur une petite roue suspendue à un poteau, et c'est là que la mort vient prendre le malheureux après une agonie plus ou moins longue.

La décapitation ne paraît pas être d'ailleurs un spectacle moins séduisant : elle attire peut-être même davantage, parce qu'elle est plus

rare.

Le 13 juillet 1737, il y a foule à la Croix du Trahoir pour voir tomber la tête d'un officier de police condamné pour un meurtre meurtre accompli sans préméditation, mais consécutif à un autre délit. « Comme depuis longtemps, dit Barbier, il n'y avait eu de tête coupée, il y avait un monde étonnant, tant aux fenêtres que dans la rue. Et comme l'endroit est assez serré, il y a eu plusieurs personnes estropiées et des chevaux étouffés. Le bourreau a décollé le condamné parfaitement d'un seul coup il a pris sa tête et l'a montrée, et tout le peuple a claqué des mains pour lui faire compliment sur son adresse. >>

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Quant à l'écartèlement,

ASSASSIN du meilleur des ROIS
Monstre plus redoute qu'vn lion en furie
Je devois voir le jour au foin de la libye
et non au milieu de L'Artois

Aorus Chez le Jeune rur "Jacques

il était très rare, réservé à des crimes exceptionnels : tel, celui de Damiens, qui, le 5 janvier 1757, avait tenté d'assassiner Louis XV.

Le 28 mars, il fut amené vers quatre heures et demie à la place de Grève, non sans avoir préalablement subi la question et avoir fait amende honorable à Notre-Dame.

A cinq heures, le supplice commence : on lui attache la main et on la brûle au feu de soufre. Puis, assujetti à une table scellée en terre, il est lié fortement par des cordes auxquelles quatre chevaux sont attelés. Les bêtes sont excitées

chacune dans une direction

différente. Damiens pousse des cris épouvantables, mais aucun membre ne se détache.

On ajoute deux chevaux, mais sans plus de succès.

Le bourreau obtient alors la permission de lui taillader les jointures. Damiens vivait toujours.

Au bout d'une heure et

CARTE DE COMMERÇANT.

demie, la cuisse gauche partit la première, « à quoi le peuple battit des mains. Ensuite, à force de taillades, l'autre cuisse partit ».

Le patient ne cessait de pousser des cris effroyables.

Alors, on taillada une épaule : les cris continuèrent, mais de moins en moins forts; puis l'autre épaule, et cette fois Damiens cessa complètement de remuer. Son épouvantable supplice avait duré plus d'une heure et demie : après quoi le tronc, la tête et les quatre membres furent brûlés sur un bûcher.

Pendant ce temps,

la place et les toits étaient couverts de monde. Des dames de la plus haute société garnissaient les fenêtres et même, dit Barbier, (( elles ont mieux soutenu que les hommes l'horreur de ce supplice».

Quelques-unes crurent peut-être ainsi faire leur cour au souverain. Elles n'y réussirent pas : car, comme on parlait devant Louis XV de la femme d'un fermier général qui avait loué une croisée et qui, en atten

dant le supplice, jouait dans la chambre avec ses invités, le roi mit ses deux mains sur ses yeux en disant : Fi, la vilaine!

Mais, d'une manière générale, il faut penser que le goût de ces sanglants

et hideux spectacles a dù être assez répandu parmi les élégantes du xvIII" siècle, puisqu'il a été à plusieurs reprises l'objet de la satire des écrivains.

Hàtons-nous, pour notre part, d'abandonner cette Grève sinistre et de gagner la promenade à la mode. C'est la longue ligne de bastions qui entoure la ville au nord, de l'est à l'ouest, de la porte Saint-Antoine à la porte SaintHonoré on l'appelle la Promenade des Remparts ou des Boulevards, si connue grâce à la gravure de Saint-Aubin.

La vogue en avait commencé vers le milieu du siècle à la suite de travaux d'embellissement qui y avaient été exécutés: on y avait établi des bancs de pierre et ménagé des contre-allées sablées, à l'arrosage quotidien desquelles on avait également pourvu. La promenade est maintenant animée dans tout son parcours: cependant, c'est surtout vers l'est que se portent