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PARIS

STATUE DE LA VIERGE

(XVIII SIÈCLE). (Provenant de l'abbaye de Fontaine-la-Blanche.)

ARIS, dit l'Allemand Nemeitz, dans ses Instructions

Pour

pour les voyageurs de condition', « Paris est tout un monde ». Ce monde, nous ne parviendrons point sans doute, dans ces quelques pages, à le parcourir tout entier. Essayons d'en observer du moins les principaux aspects.

Et d'abord mêlons-nous au hasard à la foule qui remplit les rues.

Quelque quartier que nous traversions, ce qui nous frappera d'abord à Paris, c'est l'abondance des Savoyards! Ils y sont en effet fort nombreux; ils y forment même, dit Mercier, une espèce de confédération qui a ses lois, les plus âgés ayant sur les plus jeunes le droit d'inspection et de

censure.

Tous les petits métiers sont entre leurs mains.

Les uns sont ramoneurs : « Ils parcourent les rues depuis le matin jusqu'au soir, le visage barbouillé de suie, les dents blanches, l'air naïf et gai; leur cri est long, plaintif et lugubre. »

1. Publiées par Alfred Franklin: la Vie à Paris sous la Régence, chap. xxII.

LE JEU DU COUPE-TÊTE. (D'après une gravure de Saint-Aubin.)

D'autres sont commissionnaires. Mais c'est là un métier qui occupe de moins en moins de monde. En effet, vers le milieu du siècle, a été créée la petite poste de Paris, c'est-à-dire le service public qui assure la distribution des lettres envoyées d'un point de la ville à un autre, et cette création a fait tort aux Savoyards.

Heureusement ils savent encore s'occuper

autrement. Ce sont eux,

hommes et femmes, qui fournissent la ville de joueurs de vielle, qui font danser les marmottes, qui montrent la

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lanterne magique. Parmi les professions auxquelles ils excellent, il en est qui ne peuvent s'exercer que la nuit : telles, celles de l'aboyeur et du porte-falot.

L'aboyeur est un grand diable à la voix de stentor qui, à la porte des théâtres, crie, lorsque le public en sort:

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Le carrosse de M. le marquis! le carrosse de Mme la comtesse! le carrosse de M. le président!

«Sa voix terrible, dit Mercier, retentit jusqu'au fond des tavernes où boivent les laquais, jusqu'au fond des billards où les cochers se querellent et se disputent. Cette voix, qui remplit un quartier, couvre tout, absorbe tout, le bruit confus des hommes et des chevaux. Laquais et cochers, à ce signal retentissant, abandonnent les pintes et les queues, et courent reprendre la bride des chevaux et ouvrir la portière. »

Quant aux porte-falots, ou, plus simplement, aux falots, comme on disait, ils suppléaient à l'insuffisance des réverbères.

Le chapitre que Mercier leur consacre est d'autant plus intéressant qu'il

nous fait connaître, avec le cri des falots, celui d'autres petits industriels; nous ne saurions donc mieux faire que de le reproduire'.

« Voilà le falot ce cri s'entend, dit-il, après souper; et ces porteurs de lanternes se répondent ainsi à toute heure de nuit, aux dépens de ceux qui cou

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chent sur le devant; ils s'attroupent aux portes où l'on donne bal, assemblée. «Le falot est tout à la fois une commodité et une sûreté pour ceux qui rentrent tard chez eux; le falot vous conduit dans votre maison, dans votre chambre, fùt-elle au septième étage, et vous fournit de la lumière quand vous n'avez ni domestique, ni servante, ni allumettes, ni amadou, ni briquet; ce qui n'est pas rare chez les garçons, coureurs de spectacles et batteurs de boulevards. D'ailleurs ces clartés ambulantes épouvantent les voleurs et protègent le public presque autant que les escouades du guet.

1. Tableau de Paris: Falots.

« Ces rôdeurs, tenant lanterne allumée, sont attachés à la police, voient tout ce qui se passe; les filous, qui, dans les petites rues, voudraient interroger les serrures, n'en ont plus le loisir devant ces lumières inattendues.

« Elles se joignent aux réverbères pour éclairer le pavé. Il est devenu beaucoup plus sûr depuis qu'on a imaginé de lancer dans tous les quartiers ces phares qu'on aperçoit de loin, qui vous guident dans les ténèbres, qui suppléent aux accidents et à l'insuffisance du luminaire public.

« A la sortie des spectacles, ces porte-falots sont les commettants des fiacres; ils les font avancer ou reculer, selon la pièce qu'on leur donne. Comme c'est à qui en aura, il faut les payer grassement, sans quoi vous ne voyez ni conducteurs ni chevaux. Ces drôles alors s'égaient entre eux. Quand ils voient sortir un Gascon bien sec avec ses bas tout crottés, ils croisent leurs feux pour éclairer sa triste figure, et puis ils lui crient aux oreilles :

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Monseigneur veut-il son équipage? Comment se nomme le cocher de
Monseigneur?

CHANTEUR AMBULANT.

(D'après une estampe de Moreau le Jeune.)

« Ils distribuent à tous. les fantassins, dont ils se moquent, les titres de M. le comte, de M. le marquis, de M. le duc, de Milord. Un épicier est un colonel; et un clerc de notaire en appétit, qui file précipitamment en cheveux longs pour arriver à table avant le dessert, ces polissons le poursuivent en l'appelant M. le président.

« Le porte-fanal se couche très tard, rend compte le lendemain de tout ce qu'il a aperçu. D'ailleurs, au moindre tumulte nocturne, il court au guet, et porte témoignage sur le fait.

« Il n'y a que le cri

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- A la barque! à la barque! à l'écailler! (Ce sont des huîtres qu'on vous propose.)

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Portugal! Portugal! (Ce sont des oranges.)

Joignez à ces cris les clameurs confuses des fripiers ambulants, des vendeurs de parasols, de vieille ferraille, des porteurs d'eau, des ramoneurs. Les hommes ont des cris de femmes, et les femmes des cris d'hommes. C'est un glapissement perpétuel; et l'on ne saurait peindre le ton et l'accent de cette pitoyable criaillerie, lorsque toutes ces voix réunies viennent à se croiser dans un carrefour. >>

*

Parmi tant de lieux d'ailleurs que ce peuple anime de son bourdonnement, quelques-uns méritent d'attirer surtout notre attention, et, par exemple, au centre mème de la vie populaire du vieux Paris, le pilier des Halles.

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