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dien. Le Parlement n'a vu dans le cardinal qu'un prince de l'Église, un prince de Rohan, le proche parent d'un prince du sang; et il eût dù voir en lui un homme indigne de son caractère ecclésiastique, un dissipateur, un grand seigneur dégradé par ses honteuses liaisons, un enfant de famille aux abois, comme il y en a tant dans Paris. Il a cru qu'il donnerait d'assez forts payements à Boehmer pour acquitter avec du temps le prix du collier; mais il connaissait trop bien les usages de la cour, et n'est pas assez imbécile pour avoir cru Mme de Lamotte admise auprès de la reine, et chargée d'une semblable commission.

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LE DUC DE NORMANDIE (PLUS TARD LOUIS XVII),

SECOND FILS DE LOUIS XVI.

(Pastel, par Mme Lebrun. Musée de Versailles. Photographie Neurdein.)

« A cette époque, ajoute Mme Campan, finirent les jours fortunés de la reine. Adieu pour jamais, dit-elle, aux paisibles et modestes voyages de Trianon, aux fêtes où brillaient à la fois la magnificence, l'esprit et le bon goût de la cour de France; adieu surtout à cette considération, à ce respect, qui sont la seule base solide du trône! >>

Cette fois, en effet, c'était bien fini. Quand, en 1781, Marie-Antoinette avait eu son premier fils, une détente s'était produite dans les esprits. Tous les cœurs semblent alors revenir vers elle et se fondre en un sentiment unanime de bonheur et d'espérance. Moins de quatre ans après, lorsqu'elle se rend à NotreDame, pour le service célébré à l'occasion de la naissance de son second fils, de celui qui devait être l'infortuné Louis XVII', la froideur des Parisiens 1. Le premier dauphin mourut en effet en 1789.

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est si marquée que la malheureuse souveraine ne peut contenir sa douleur. Que leur ai-je donc fait ? demandait-elle en rentrant aux Tuileries. A la suite de l'affaire du collier, les marques d'hostilité, les railleries, les imputations malveillantes se multiplient encore soit à la cour, soit à la ville.

En 1788, Thiébault, se trouvant un jour à Versailles sur le passage de la reine, fut stupéfait des propos que des pages, des gardes du corps et quelques jeunes seigneurs tinrent tout haut dans les grands appartements. « L'indécence à cet égard, dit-il, allait jusqu'aux outrages: ce que j'entendis en fait d'anecdotes, de jugements sur la reine, passe tout ce que je pourrais dire. >>

Un an plus tard, Versailles retentissait des menaces furieuses de l'émeute, et la reine affrontait pour la première fois, non plus la malveillance, mais la haine déclarée, sanguinaire, de la populace. Ces pages et ces gardes du corps, ces grands seigneurs surtout, dont Thiébault avait noté les railleries, ces courtisans et ces grands personnages, qui, depuis quatre ans et davantage, faisaient à l'infortunée souveraine une guerre plus imprudente encore que perfide, purent mesurer dès lors quelle part de responsabilité leur revenait dans cette impopularité croissante et de plus en plus périlleuse.

Maintenant il était trop tard les ennemis de Marie-Antoinette durent reculer d'épouvante en voyant face à face les terribles alliés que la rue leur avait envoyés. Mais les destins avaient prononcé les repentirs et les dévouements individuels ne pouvaient plus conjurer le désastre de la reine et de la royauté.

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APPLIQUE LOUIS XV. Collect. de M. Boucheron.)

L'

E XVIIIe siècle ne passe assurément pas pour une époque où le niveau moyen de la moralité ait été très élevé. Mais on ne peut lui refuser le souci et le don de l'élégance. Quand on en évoque le souvenir, c'est par une série d'images charmantes et gracieuses qu'on aime à se le représenter. Et l'on a raison sans doute, à condition toutefois qu'on veuille bien tenir compte de la différence des périodes dont le siècle se compose.

L'époque de la Régence, par exemple, ne connut guère cette aimable politesse qui reste comme la marque distinctive des générations qui ont suivi.

Réaction violente contre l'austérité officielle des dernières années de Louis XIV, la Régence fut une époque de débordement grossier bien plus que de civilisation délicate; le vice s'y étala sans doute, et dans le public comme à la cour du régent, mais n'y eut rien de gracieux.

C'est par la suite, et après ce premier moment de revanche contre la dureté d'une contrainte trop longtemps supportée, que, la liberté subsistant et la violence des premiers accès diminuant de plus en plus, les mœurs prirent

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