l'achat du collier? Et ce cardinal, qu'elle accusait d'avoir voulu la perdre, n'était-il pas plutôt sa victime? Sans qu'elles se formulassent nettement aux yeux de tous peut-être, ces inquiétantes questions étaient au fond de toutes les consciences. Le 31 mai 1786, après dix-huit heures de délibération, le Parlement de Paris rendait son arrêt, et, en dépit des conclusions du procureur général, prononçait l'acquittement du cardinal de Rohan. La douleur de la reine fut extrême. « Dès que j'eus connaissance du jugement, dit Mme Campan, je me transportai chez elle. Elle entendit ma voix dans la pièce qui précédait son cabinet. Elle m'appela; je la trouvai fort émue. Elle me dit avec une voie entrecoupée : Faites-moi votre compliment de condoléance; l'intrigant qui a voulu me perdre ou se procurer de l'argent en abusant de mon nom et prenant ma signature vient d'être pleinement acquitté. Mais, ajouta-t-elle avec force, comme Française recevez aussi mon compliment de condoléance. Un peuple est bien malheureux d'avoir pour tribunal suprême un ramas de gens qui ne consultent que leurs passions, et dont les uns sont susceptibles de corruption, et les autres d'une audace qu'ils ont toujours manifestée contre l'autorité et qu'ils viennent de faire éclater contre ceux qui en sont revêtus. « A ce moment le roi entra, je voulus me retirer : LE DAUPHIN, PREMIER FILS DE LOUIS XVI. (D'après le pastel de La Tour. Musée du Louvre.) Restez, me dit-il, vous êtes du nombre de celles qui partagez sincèrement la douleur de votre maitresse. «Il s'approcha de la reine, et la prit par la main. Cette affaire vient d'être outrageusement jugée, ajouta-t-il; elle s'explique cependant aisément. Il ne faut pas être Alexandre pour trancher ce noeud gor |