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longue, suivant l'heure où il s'était couché, et une partie de la journée, le régent, quand arrivait l'heure du souper, se renfermait avec ses roués et quelques femmes déshonorées. Là régnait la licence la plus effrénée : les ordures, les impiétés étaient le fond ou l'assaisonnement de tous les propos, jusqu'à ce que l'ivresse complète mît les convives hors d'état de parler et de s'entendre. Ceux qui pouvaient encore marcher se retiraient; on emportait les autres et tous les jours se ressemblaient. Le régent, pendant la première heure de son lever, était encore si appesanti, si offusqué des fumées du vin, qu'on lui aurait fait signer ce qu'on aurait voulu.

Ce n'était pourtant pas que ce prince n'eût tiré une ligne de séparation très marquée entre ceux qui avaient part aux affaires et ses compagnons de plaisirs; ce qui faisait dire au duc de Brancas, l'un des roués, jugeant lui-même sa situation, qu'il avait beaucoup de faveur et nul crédit.

Le régent s'était fait d'ailleurs un système de discrétion auquel il était fidèle jusque dans l'ivresse. La comtesse de Sabran, une de ses favorites, ayant voulu profiter d'un de ces moments-là pour lui faire une question sérieuse, il l'amena devant une glace :

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Regarde-toi, lui dit-il, et vois si c'est à un si joli visage qu'on doit parler

d'affaires'.

Le régent n'était pas non plus incapable de reconnaître et d'honorer la vertu chez ceux qui savaient se soustraire à l'influence de son exemple, et non

1. DUCLOS, Mémoires: Régence du duc d'Orléans.

seulement chez un personnage de marque, comme l'austère Saint-Simon, mais jusque chez les plus humbles.

Il y avait au Palais-Royal un concierge nommé d'Ibagnet. Attaché à la maison d'Orléans dès son enfance, il avait vu naître le régent, l'aimait tendrement et le servait avec zèle, lui parlant avec la liberté d'un vieux domestique et avec la droiture et la vérité d'un homme digne d'être l'ami de son maître. Quant aux roués, il n'était pas de leur rang; mais il n'aurait voulu aucune liaison avec eux et ne leur dissimulait guère son mépris.

Le régent avait pour d'Ibagnet cette sorte de respect où la vertu oblige. Il n'aurait pas osé lui proposer d'être le ministre de ses plaisirs: il était sur du refus.

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ARMOIRE-MÉDAILLIER.

(Conservée à la Bibliothèque nationale.)

et dont sa faiblesse était en partie responsable, de sa fille aînée, la duchesse de Berry.

« Née, dit Saint-Simon, avec un esprit supérieur et, quand elle voulait, également agréable et aimable, une figure qui imposait et qui arrêtait les yeux avec plaisir, mais que, sur la fin, le trop d'embonpoint gâta un peu, elle parlait avec une gràce singulière, une éloquence naturelle qui lui était particulière et

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qui coulait avec aisance et de source, enfin avec une justesse d'expression qui surprenait et charmait. Que n'eût-elle point fait de ces talents, de son crédit, de ses puissances, si les vices du cœur, de l'esprit et de l'àme et le plus violent tempérament n'avaient tourné tant de belles choses en poison le plus dangereux! »

Chose étrange: en même temps qu'elle s'abandonnait, et publiquement, aux pires excès, jusqu'à souffrir chez elle, au Luxembourg, des scènes analogues à celles qui se déroulaient chez son père, au Palais-Royal, elle affichait un orgueil et des prétentions qui parurent aussi ridicules qu'insupportables.

Elle voulut avoir une compagnie de gardes. Le régent lui représenta inutilement que jamais fille de France, ni reine, excepté la reine régente, mère

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