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Il est deux membres de la famille royale qui auraient pu, plus soucieux de leur devoir, faire en sorte d'aider Louis XVI et Marie-Antoinette dans l'accomplissement de leur tàche, les soutenir de leurs conseils, relever enfin par leur propre attitude le prestige de la royauté : c'étaient les frères du roi, le comte de Provence et le comte d'Artois.

Le premier, qui avait de la noblesse dans la démarche, en dépit d'un embonpoint excessif, avait la réputation d'un bel esprit : les journaux inséraient de ses vers, et depuis les poésies d'Horace jusqu'aux versets des prières journalières, depuis les tragédies de Racine jusqu'aux vaudevilles d'opérascomiques, sa mémoire intarissable lui fournissait sans cesse les plus heureuses citations.

Mais sa situation emportait avec elle certaines fatalités : on n'est pas impunément l'héritier éventuel de la couronne; ces frères de roi sont toujours assez

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avec le roi, disait-il, pas mal avec la reine ». Il ne s'appliquait, dit-il encore, qu'à être « un homme très ordinaire ». Peu importe : le public et la cour ne cessent d'observer son attitude, pour lui prêter les sentiments tantôt d'un ambitieux déçu, tantôt d'un censeur sagace. C'est assez dire qu'entre la reine et lui la pleine confiance ne devait jamais régner.

Elle sympathisait mieux avec le comte d'Artois, bien fait, d'une figure agréable, recherché dans sa toilette, vif jus

qu'à l'impétuosité, et passionné pour le
plaisir. Mais avec tout cela, le comte, volon-
tiers hautain et insolent, était fort impopu-
laire, et son amitié était plutôt faite pour
compromettre Marie-Antoinette que pour la
servir.

On en eut la preuve dès 1778, lors
de la scandaleuse querelle du comte d'Artois
et du duc de Bourbon. Voici comment Ba-
chaumont raconte cette fâcheuse affaire :

« L'anecdote concernant Mme la duchesse de Bourbon et M. le comte d'Artois fait tant de bruit, est attestée par tant de bouches, qu'on ne peut se refuser à la croire. C'est au bal du mardi gras, à l'Opéra, que s'est passée l'aventure.

<«<< Il faut savoir avant qu'une jeune Mme de Canillac, très jolie personne, atta(Coll. Jubinal de Saint-Albin.) chée, lors de son mariage, à Mme la du

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ÉCRIN DE RELÈVE-JUPE.

RELÈVE-JUPE
SERVANT

LES

A RELEVER PARURES DE LA ROBE. (Collection Jubinal de Saint-Albin.)

chesse de Bourbon, avait plu au prince; que la princesse, indignée que son auguste époux eût ainsi une intrigue sous ses yeux, témoigna son mécontentement à Mme de Canillac, ce qui obligea celle-ci à se retirer. Depuis, elle a plu au comte d'Artois, et ce prince, masqué, lui donnait la main au bal. <«< Elle fit connaître la duchesse de Bourbon à Son Altesse royale, qui, la ' tête un peu chaude de

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vin, à ce qu'on assure, lui dit : « Je vais vous venger », et effectivement entreprit le masque qui conduisait la princesse. C'était précisément le beau-frère de Mme de Canillac. Le comte d'Artois fit comme s'il croyait que la dame de ce cavalier était une personne du dernier rang et se répandit en conséquence en propos outrageants. La duchesse furieuse, ne sachant absolument à qui elle avait affaire, voulut le voir en levant

CABINET LOUIS XVI.

(Collection Jones. Musée de South Kensington.)

la barbe du masque du comte. Celui-ci, bouillant de colère, prit le masque de la duchesse à deux mains, et le lui brisa sur le visage.

<<< Elle avait reconnu l'altesse royale; et, croyant ne pas l'être, avait jugé de la prudence de laisser tomber cela. Malheureusement le comte d'Artois s'en est vanté alors toute la branche de Condé a pris fait et cause, et les princes ont été demander satisfaction au roi de l'insulte. Sa Majesté a répondu que son frère était un étourdi; mais il n'a encore fait aucune réparation, ce qui désole la maison de Condé.

« Mme la duchesse de Bourbon ne sort plus depuis ce temps, et le prince son époux est allé trouver M. de Maurepas, lui a remis son Mémoire au roi, et lui a ajouté que si Sa Majesté ne jugeait pas à propos de lui donner satisfaction, il regarderait ce refus comme une autorisation de la prendre lui-même. On ne

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