Oeuvres complètes de J. J. Rousseau: avec des eclaircissements et des notes historiques, Volumes 22-24

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Page 24 - Alors, l'esprit perdu dans cette immensité, je ne pensais pas, je ne raisonnais pas, je ne philosophais pas: je me sentais, avec une sorte de volupté, accablé du poids de cet univers, je me livrais avec ravissement à la confusion de ces grandes idées, j'aimais à me perdre en imagination dans l'espace; mon cœur resserré dans les bornes des êtres s'y trouvait trop à l'étroit, j'étouffais dans l'univers, j'aurais voulu m'élancer dans l'infini.
Page 115 - Quand le soir approchait je descendais des cimes de l'île et j'allais volontiers m'asseoir au bord du lac sur la grève dans quelque asile caché ; là le bruit des vagues et l'agitation de l'eau, fixant mes sens et chassant de mon âme toute autre agitation, la plongeaient dans une rêverie délicieuse où la nuit me surprenait souvent sans que je m'en fusse aperçu.
Page 23 - L'or des genêts et la pourpre des bruyères frappaient mes yeux d'un luxe qui touchait mon cœur. La majesté des arbres qui me couvraient de leur ombre, la délicatesse des arbustes qui m'environnaient, l'étonnante variété des arbres et des fleurs que je foulais sous mes pas, tenaient mon esprit dans une alternative continuelle d'observation et d'admiration...
Page 42 - Seul pour le reste de ma vie, puisque je ne trouve qu'en moi la consolation, l'espérance et la paix je ne dois ni ne veux plus m'occuper que de moi.
Page 197 - Faites mieux encore; donnez les spectateurs en spectacle; rendez-les acteurs eux-mêmes; faites que chacun se voie et s'aime dans les autres, afin que tous en soient mieux unis.
Page 108 - Comme il n'ya pas sur ces heureux bords de grandes routes commodes pour les voitures, le pays est peu fréquenté par les Voyageurs; mais il est intéressant pour des contemplatifs solitaires qui aiment à s'enivrer à loisir des charmes de la nature, et à se recueillir dans un silence que ne trouble aucun autre bruit que le cri des aigles , le ramage entrecoupé de quelques oiseaux, et le roulement des torrents qui tombent de la montagne.
Page 21 - ... je rassemblais autour de moi tout ce qui pouvait flatter mon cœur; mes désirs étaient la mesure de mes plaisirs. Non, jamais les plus voluptueux n'ont connu de pareilles délices, et j'ai cent fois plus joui de mes chimères qu'ils ne font des réalités.
Page 22 - Ce ne sont point les plaisirs de ma jeunesse; ils furent trop rares , trop mêlés d'amertume , et sont déjà trop loin de moi. Ce sont ceux de ma retraite , ce sont mes promenades solitaires , ce sont ces jours rapides , mais délicieux, que j'ai passés tout entiers avec moi seul, avec ma bonne et simple gouvernante, avec mon chien bien-aimé, ma vieille chatte , avec les oiseaux de la campagne et les biches de la forêt, avec la Nature entière et son inconcevable Auteur.
Page 22 - ... auteur. En me levant avant le soleil pour aller voir, contempler son lever dans mon jardin; quand je voyais commencer une belle journée, mon premier souhait était que ni lettres, ni visites, n'en vinssent troubler le charme. Après avoir donné la matinée à divers soins que je remplissais tous avec plaisir, parce que je pouvais les remettre à un autre temps, je me hâtais de dîner pour échapper aux importuns, et me ménager un plus long après-midi.
Page 23 - ... que je foulais sous mes pieds tenaient mon esprit dans une alternative continuelle d'observation et d'admiration : le concours de tant d'objets intéressants qui se disputaient mon attention, m'attirant sans cesse de l'un à l'autre favorisait mon humeur rêveuse et paresseuse, et me faisait souvent redire en moi-même, non, Salomon dans toute sa gloire ne fut jamais vêtu comme l'un d'eux 108.

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