où l'on aperçoit confusément mille objets agréables. Quand elle parle, son visage s'éclaire; quand elle s'anime, sa physionomie se déclare; quand elle rit, tout devient vivant en elle, et on finit par aimer à la regarder, comme on se plaît à parcourir un paysage où rien n'attache séparément, mais dont la composition entière est le charme des yeux. On ne comprend pas comment, en arrivant dans le monde, madame la comtesse de Rochefort a pu connaître sitôt et ses usages et les hommes qui l'habitent; tout a l'air en elle de la réminiscence; elle n'apprend point, elle se souvient, et tout ce qui la rend, malgré cela, si agréable aux autres, c'est que sa jeunesse est toujours à côté de sa raison; elle n'a l'air sensé que par ce qu'elle dit, et jamais par le ton qu'elle y donne; elle juge comme une autre personne de son âge danse ou chante; elle ne met pas plus de façon à raisonner qu'à se coiffer; aussi est-elle aussi naturelle dans ses expressions que dans sa parure; la coquetterie est un défaut qu'elle n'aura pas de mérite à vaincre, elle ne la connaît pas plus que la recherche des pensées et le tour maniéré des expressions. Quelque indiscrétion qu'il y ait à oser prononcer sur le caractère des jeunes femmes, on peut quasi promettre à madame la comtesse de Rochefort de n'être jamais malheureuse par les passions folles et inconsidérées. Si jamais un homme parvenait à lui plaire, j'ose l'assurer qu'il n'aura à craindre ni orages ni écueils; son âme est aussi constante que décidée. Ce qui doit le plus surprendre en elle, c'est la fermeté de son caractère; ses résolutions sont promptes et justes; l'expérience, en fait d'esprit, c'est ordinairement la comparaison qui prépare et qui assure nos jugements; elle a su se passer de tous ces secours présentés aux âmes ordinaires; elle jugera sûrement du premier ouvrage, tout comme elle a pris des partis sensés dans des affaires où, toute jeune qu'elle est, elle s'est trouvée obligée de se décider par son seul conseil. Si jamais elle jetait les yeux sur ce portrait, je lui apprendrais des nouvelles d'elle-même, car elle ignore tout ce qu'elle vaut, et c'est ce qui la fait si bien sentir aux autres. Je ne dirai plus qu'un mot, c'est que son cœur est sensible à l'amitié comme si elle n'avait que cela à faire; la vivacité dont elle aime ses amis n'a rien de ces saillies impétueuses qui font craindre que les sentiments ne soient pas durables; les siens ont un air posé sans en être moins vifs, qui, joint aux charmes de la jeunesse, donne à ce que l'on sent pour elle un degré de chaleur, que l'on peut appeler comme on voudra. III ÉTAT CIVIL DE MADAME DU DEFFAND. Extrait du registre des convois de la paroisse de Saint-Sulpice pour 1780. Le 24 septembre 1780, a été fait le convoi et enterrement, dans l'église, de très-haute et très-puissante dame Marie de Vichy de Chamron, veuve de très-haut et très-puissant seigneur M. JeanBaptiste-Jacques de la Lande, marquis du Deffand, brigadier des armées du Roi, lieutenant général de l'Orléanais; décédée hier, rue Saint-Dominique, dans le couvent des Dames de Saint-Joseph, âgée de 84 ans. Témoins: M. Nicolas de Vichy-Chamron, conseiller du Roy en tous ses conseils, trésorier de la Sainte-Chapelle de Paris, frère; M. Abel-Claude-Marie-Goric-Cécile, comte de VichyChamron; M. Gaspard-Félix, vicomte de Vichy -Chamron, petits-neveux; M. Roch-Étienne de Vichy, diacre du diocèse de Saint-Flour, parent, et M. François-Abraham-Marie Mouchard, écuyer, conseiller secrétaire du Roy, maison couronne de France, et de ses finances, receveur général des finances, l'un des exécuteurs testamentaires de la défunte; qui ont signé : 1 Nous avons fait les plus grands efforts pour reconstituer l'état civil de madame du Deffand, c'est-à-dire découvrir son acte de baptême, son contrat de mariage, son testament et son acte mortuaire. Jusqu'ici nos découvertes se bornent à la dernière de ces pièces seulement, dont nous devons la communication à l'obligeance de M. Ch. Read, notre savant confrère. TABLE ANALYTIQUE DEFFAND (madame du). Pénurie de détails sur la première partie de la vie de madame du Deffand, vII. In- certitude de la date et du lieu de sa naissance son père, sa mère, VIII. Sa grand'mère, Anne Brulart, vIII. sur l'histoire intime et profane des couvents au dix-huitième siècle, 1x à XI. Chronique du couvent de la Madeleine du Tresnel, xu. Edu- Son incrédulité précoce. On envoie Massillon pour la convertir, xIII. 1 Une table doit être utile sans être ennuyeuse, elle doit répondre à toute question Deffand et du président Hénault pen- caractère. Utilité de son analyse, XLVIII. Première lettre du prési- dent à madame du Deffand. Elle respire la joie d'être libre, XLIX. Madame du Deffand croit reconnaitre attend Formont, L. — - Extraits et ap- sur le caractère de madame du Def- - LVII. - LVIII. -- - - Détails sur la vie et le caractère LIX.- Sa rupture avec madame du Deffand, LX. Lettre de madame du trait de madame de Rochefort par le marens, LXI. — Détails sur son ca- mots. - - - XXXIX. Amitié platonique de qua-président Hénault, LX. rante ans avec madame de Castel- moron, XL. -- seconde phase, XLV. Détails par le - - Leurs du Deffand l'emporte. Bons mots de madame de Chaulnes. Son second Céreste, LXVI. M. et madame de portraits par le président Hénault. Portrait de madame de Mirepoix par madame du Deffand, LXIX. Par le duc de Lévis. Vers du président de Montesquieu à madame de Mirepoix, LXX. - Portrait de madame de Mire- poix par Horace Walpole, LXXI. Le duc et la duchesse de la Val- lière, d'après Chamfort, LXXVI. Madame la duchesse de Luynes. Dé- tails sur sa vie et son caractère le président Hénault, LXXVII. Son portrait par le même, LXXVIII. dame de Luynes est la conseillère et la protectrice de madame du Deffand, LXXVIII. Elle lui procure, ainsi qu'à madame de Brienne, l'honneur de diner avec la reine, LXXIX. Détails sur la famille de Brienne, LXXIX. Madame de Luynes fait donner à ma- dame du Deffand, par la reine, une pension de six mille livres, LXXX. — - La maréchale de Noailles et la maréchale Elle prépare son émancipation et réunit les éléments de son futur salon, LXXXI. — Relations et correspondance de madame du Deffand avec Voltaire. Ils se rencontrent à Sceaux, où elle cherche à le fixer par une place dans de la correspondance de Voltaire avec madame du Deffand, de 1725 à 1749. nonce à madame du Deffand la mort de madame du Châtelet, LXXXVIII. Appréciation de la correspondance de Voltaire avec madame du Deffand. Relations de madame du Deffand avec madame du Châtelet, LXXXIX. — Ma- dame du Deffand déteste madame du Châtelet, xc.— — Invraisemblance d'une prétendue orgie célébrée madame du Deffand et madame du Châtelet à la Maison-Rouge, à Chaillot, xCI. Discussion du récit anonyme. Por- Madame de Staal partage l'antipa- thie de madame du Deffand pour madame du Châtelet, XCIII. Rela- tions de madame du Deffand avec de leur Correspondance, XCIV. Le couvent de Saint-Joseph. Jadis et aujourd'hui, xcv.— Madame du Def- fand se lie avec la duchesse de Modène, Jalousie ombrageuse de la duchesse du Maine, xcv. Philosophie égoïste et amère de madame de Staal, xcvi. femme le revoit au lit d'agonie. In- fluence de cette mort sur sa fortune, tendant de la maison de la reine, |